Comment le projet est-il né ?
Comme pour beaucoup aux prémices de cette crise sanitaire, ce projet est né d’une volonté de se rendre utile et d’apporter son expertise pour aider. Une veille sur tous les projets impliquant de l’impression 3D est initiée par Pierre-Alexandre Hugron, ingénieur de l’équipe MFX, commune à Inria et au Loria. Ceci déclenche une réflexion au sein de l’équipe, et très vite ces échanges s’élargissent avec des collègues de la Région Grand-Est. La difficulté était de comprendre ce qui pourrait vraiment être utile aux soignants. La fabrication de visières est vite apparue comme une piste solide, notamment grâce aux très nombreuses contributions des Makers et FabLab dans ce domaine. Dans le monde entier, mais aussi localement via le groupe Facebook « Meurthe et Moselle Visière Covid19 » qui s’est spontanément organisé autour du CHRU. Dans le même temps de nombreuses prises de contact apparaissent, via les collègues de l’Ecole des Mines, mais aussi via Sébastien Rimbert, doctorant dans l’équipe Neurosys, commune à Inria et au Loria, et dont les recherches s’effectuent en partie au service de réanimation du CHRU. Très vite, un groupe s’organise.
Comment le projet s'est-il développé ? Quels sont ses objectifs ?
« On s’est regroupé avec une petite dizaine de partenaires, de manière spontanée et informelle » (voir liste dans l’encadré ci-dessous) précise Sylvain Lefebvre, Directeur de recherche Inria et responsable de l’équipe MFX. Et de poursuivre : « Dès que le besoin a été identifié et les contacts établis avec le service Hygiène et Analyses Environnementales (SHAE) du CHRU, nous avons mobilisé toutes les imprimantes 3D et stocks disponibles dans le bâtiment – avec bien sûr l’entier soutien des collègues et de nos directions. Pour trouver les feuillets qui forment la partie avant des visières, les assistantes administratives des équipes nous ont fourni une carte de tous leurs placards contenant des couvertures de reliure ! (Elles ont toutes été formidables et réactives !). Céline Cordier, plus particulièrement, nous a aidé à passer toutes sortes de commandes étranges dans l’urgence, comme des élastiques pour le maintien des visières ! »
Pour garantir que les visières soient utilisables dans de bonnes conditions, les prototypes ont été validés par le Docteur Arnaud Florentin, chef du Service d’Hygiène et d’Analyses Environnementales au CHRU de Nancy. C’est d’ailleurs pour cette raison que les porteurs de projets limitent la fourniture des visières au personnel médical, qui sait comment les désinfecter, les utiliser, et gérer tout risque de contamination. C’est d’ailleurs le CHRU qui organisait la collecte en passant régulièrement dans le centre récupérer les visières produites.
« Les premières visières ont vu le jour au bout de 24 heures » témoigne Sylvain Lefebvre. « En à peine 1 semaine et demi, on en avait imprimé 1700 avec le groupe, et fait cinq améliorations successives du modèle 3D. Une véritable mini-usine distribuée entre tous les partenaires ! On était surpris d’en avoir imprimé autant ! Au bout de 15 jours, 2000 visières étaient fournies au personnel soignant. »
L’objectif du projet était de répondre à l’urgence à court terme. Pari tenu grâce à toutes les bonnes volontés !
L’équipe a aussi rejoint un autre projet porté par l’équipe Mimesis, située à Strasbourg et dirigée par Stéphane Cotin. « Le CHRU de Nancy souhaitait explorer la piste des adaptateurs de masques Décathlon » précise Sylvain Lefebvre. « Mais comme les hôpitaux n’ont pas forcément tous les mêmes équipements ni les mêmes utilisations, on a accompagné le CHRU de Nancy. À partir d’éléments apportés par leurs services (biomédical, réanimation, hygiène) et des travaux de nos collègues de Strasbourg, nous avons testé des adaptateurs, des valves, des clapets anti retour. On a aussi travaillé sur l’étanchéité des adaptateurs (en les ajustant et en modifiant la manière de les imprimer en 3D pour qu’il y ait moins de fuites possibles dans les raccords). Pour l’instant tout cela n’a pas été déployé. Les tests ont révélé quelques points d’amélioration, et surtout l’urgence a heureusement un peu diminué. »
Comment avez-vous travaillé avec vos partenaires ?
« On s’est très vite coordonnés grâce à Quentin Helaine, diplômé de l’École des Mines de Nancy et Ingénieur recherche et développement au sein du Techlab de l’école. C’est lui qui coordonnait les échanges avec le CHRU et tous les partenaires sur la question des visières. Concrètement, on a utilisé notre logiciel pour optimiser la production. Les fonctionnalités du logiciel IceSL nous ont aussi permis de très vite modifier les adaptateurs de masques. Nous avons testé des dizaines de variantes ! Nous avons aussi interagi avec un partenaire industriel local, les Ateliers Cini, pour réaliser des tests d’impression 3D sur leurs machines. Ils ont immédiatement répondu présent et mobilisé une équipe ! Ceci nous a permis de tester toute la gamme de possibilités.
Et Sylvain Lefebvre de conclure : « ça a été une formidable aventure humaine, loin des projets classiques. Une initiative totalement improvisée mais qui a très bien fonctionné, car tout le monde avait le même objectif : essayer d’aider soignants et patients! »
Porteurs du projet et partenaires :
Sylvain Lefebvre et Pierre-Alexandre Hugron (équipe-projet MFX)
Partenaires :
- Le CHRU Nancy Brabois
- Les ateliers CINI
- Le Loria
- l'équipe MPA de l'Institut Jean Lamour
- Alexandre Brugnoni et Julien Riffault, ENSAD
- le Lorraine Fab Living Lab (LF2L®)
- l’association NYBI et la communauté maker de Nancy
- le Techlab de l’École des Mines Nancy.