Axel Hutt : un physicien se penche sur le cerveau

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Mis à jour le 26/03/2020
Cette année, huit des lauréats ERC sont responsables ou membres d'équipes-projets Inria. Pour tenter de mieux comprendre ce qui se passe dans notre cerveau lors d’une anesthésie, le physicien d'Inria Nancy - Grand Est, Axel Hutt, a décroché une bourse européenne ERC. Il travaille en collaboration avec des médecins et des neurologues. Rencontre avec le chercheur.

Un ingénieur, un doctorant, un postdoctorant, et quelques étudiants de master : ce sont les personnes qu’Axel Hutt compte embaucher avec l’argent de la bourse européenne ERC qu’il vient de décrocher. « Mes recherches sont théoriques, je n’ai pas besoin d’investir dans du matériel, mais je souhaite créer une équipe », explique-il. Le fait de devenir un véritable chef de projet grâce à la bourse ERC ne l’inquiète pas outre mesure. Il a déjà encadré bon nombre d’étudiants en master. « Motiver une équipe fait partie de mon travail », estime-t-il. Il a aussi créé deux sociétés où il a développé des logiciels pour examiner les signaux cérébraux. C'est tout naturellement qu'il entend créer son équipe à l'institut après avoir décroché un poste dans l'équipe-projet Cortex d'Inria Nancy - Grand Est en septembre 2007. « Ma femme et moi avions très envie de vivre en France », sourit-il.

Ce physicien s’intéresse au cerveau, ou plus exactement à ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous perdons connaissance.

Alors que l’anesthésie existe depuis plus de cent ans, nous ne savons toujours pas la cause de la perte de connaissance, ni ce qui se passe dans le réseau de neurones. J’applique une approche mathématique, en modélisant les interactions entre neurones. Puis je compare les signaux électromagnétiques émis par ce cerveau "théorique" aux vrais signaux électromagnétiques enregistrés par les médecins sur des patients endormis. Si mon travail peut aider des patients, c’est vraiment motivant.

Un vrai travail pluridisciplinaire : il faut pouvoir discuter avec des neurologues, des médecins, des psychologues. Axel Hutt en a l’habitude : sa thèse au Max Planck Institute de Leipzig en Allemagne, ses travaux ultérieurs, toujours à Leipzig, puis à Berlin, puis à l’université d’Ottawa au Canada, ont tous porté sur la modélisation de neurones. « La physique seule m’ennuie, avoue-t-il. En tant que physicien, on apprend énormément du cerveau. Mais il est difficile de parler avec des gens de domaines différents, c’est un véritable défi, d’autant que les objectifs ne sont pas toujours les mêmes. J’écoute beaucoup les médecins, pour comprendre leurs problèmes. Ainsi, lorsqu’ils me disent que le monitoring des signaux électromagnétiques du cerveau ne marche pas dans certains cas, je crée un modèle pour mieux comprendre ces signaux, afin d’améliorer ce monitoring. »

Autre problème posé aux médecins : certains patients se réveillent pendant l’anesthésie. C’est dangereux pour les opérations qui nécessitent de ne pas bouger, et traumatisant pour les malades. « C’est arrivé à ma mère lors d’une opération de l’œil il y a quelques années  », raconte le chercheur. Là encore, il tente de comprendre, via la modélisation, les raisons de ce réveil. Mais aussi l’action des médicaments sur les neurones. « Si mon travail peut aider des patients, c’est vraiment motivant  », s’enthousiasme le chercheur. « Reste que le chemin est long entre le modèle et d’éventuelles applications . »