Innover en calcul haute performance
Une nouvelle équipe-projet commune vient de voir le jour : Concace (pour "Composabilité numérique et parallèle pour le Calcul haute performance") a été officiellement lancée début septembre 2022. Inria s’est allié avec un industriel français de premier plan, Airbus, et un centre de recherche et d’expertise en calcul haute performance (HPC), le Cerfacs, afin de développer de nouvelles approches utiles à la simulation numérique.
Qu’il s’agisse de prévoir les évolutions du climat, d’optimiser la conception d’un avion, de simuler une opération chirurgicale, d’étudier les propriétés de la matière – voire de prédire les caractéristiques d’ondes gravitationnelles –, les applications du HPC à la simulation numérique sont nombreuses. Fondée soit sur un modèle mathématique, qui décrit le comportement d’un système complexe (comme l’atmosphère et les océans) ou élémentaire (comme un composant mécanique), soit sur un ensemble de données – issu d’expérimentations réelles ou simulées –, la simulation numérique utilise diverses méthodes mathématiques et algorithmiques permettant de calculer avec précision les grandeurs d’intérêt, par exemple la vitesse des masses d’air ou les contraintes mécaniques dans une pièce.
Exploiter la diversité des algorithmes
Les utilisateurs industriels et académiques du HPC voient sans cesse les techniques de simulation évoluer, en raison des performances computationnelles des ordinateurs ou des supercalculateurs, du développement d’algorithmes de plus en plus efficaces et de la mise au point de méthodes numériques toujours plus précises.
Tirer le meilleur parti de ces innovations, et en particulier de la puissance sans cesse croissante des machines de calcul, reste un défi technique et scientifique pour les théoriciens et les praticiens du HPC. Pour relever ce challenge, Concace rassemble des chercheurs académiques et industriels, experts de calcul HPC et partenaires de longue date de l’institut.
Luc Giraud, responsable de Concace pour Inria, explique leur axe de recherche : « En HPC, les choix d’architecture informatique ou algorithmique seront différents d’une application à une autre selon les performances à atteindre, par exemple si l’on recherche la rapidité d’exécution de la simulation, la précision du calcul réalisé ou l’optimisation de la consommation d’électricité du calculateur. Notre équipe se donne comme objectif de concevoir des structures logicielles versatiles, exploitant la diversité des algorithmes et des outils informatiques du calcul haute performance. »
Viser des applications variées
Les travaux de Concace, héritière de l’équipe-projet HiePACS, qui s’intéressait déjà au HPC, vont ainsi permettre de concevoir des applications HPC optimisées pour les besoins de leurs utilisateurs. Météorologie et climatologie, énergie et environnement, médecine et santé, sciences et industrie : tous ces secteurs ont de plus en plus souvent massivement recours au calcul HPC.
« Nous proposons à nos clients une expertise en simulation numérique et nous avons besoin de l’approche méthodologique et globale du calcul haute performance que va développer Concace, précise Carola Kruse, responsable de l’équipe pour le Cerfacs. Nous nous intéressons à des usages de la simulation très différents, par exemple afin de calculer les écoulements d’air au sein d’un parc éolien ou dans la trachée humaine, comme nous le faisons avec le BSC en Espagne, ou encore simuler la propagation de la foudre sur un avion, comme peut le demander l’Onera en France. Nous souhaitons donc disposer de solutions de calcul polyvalentes et performantes, ce qui est au cœur des recherches de l’équipe. »
Hybrider simulation numérique et apprentissage automatique
Concace s’intéressera également à des techniques émergentes en simulation numérique, comme l’hybridation du calcul et de l’apprentissage automatique, ou le calcul quantique, avec l’objectif d’intégrer de nouvelles approches ou d’anticiper les futures évolutions du HPC. La simulation aéroacoustique, c’est-à-dire les bruits engendrés par l’écoulement d’air autour d’un avion, est par exemple un enjeu majeur pour Airbus, en raison de contraintes environnementales.
« Les simulations demandent de calculer précisément des phénomènes complexes, comme la turbulence, souvent à des coûts prohibitifs, explique Guillaume Sylvand, responsable de Concace pour Airbus CRT. Les techniques d’apprentissage automatique permettent, à partir de données de calcul, d’élaborer des modèles de turbulence et de réduire considérablement les temps de calcul. Les travaux de Concace permettront par exemple d’optimiser ce type de techniques hybrides, en développant des outils adaptés à l’analyse de données pour la simulation. »
Anticiper les technologies du futur
L’équipe se penchera aussi sur les développements futurs du calcul quantique, car la formidable puissance computationnelle qu’il offre impose de repenser les algorithmes HPC. Si de telles simulations ne sont pas pour demain, les chercheurs restent en veille sur ces technologies : « Nous pensons que l’approche globale du calcul que nous développons nous permettra d’implémenter efficacement de nouvelles techniques de calcul », éclaire Luc Giraud.
Si le programme scientifique de Concace est ambitieux, son objectif est aussi de diffuser les fruits de ses recherches auprès de la communauté du calcul haute performance, en France comme à l’international. « Le retour d’expérience des utilisateurs est un point central de nos recherches, souligne Luc Giraud. Il nous permet d’orienter nos travaux en réponse aux besoins des spécialistes des applications et des outils… et stimule nos réflexions ! »
Diffuser les applications auprès de la communauté
L’équipe, qui compte à ce jour huit membres permanents, est appelée à se développer : son programme scientifique ne s’accomplira pas sans le concours de chercheurs et ingénieurs aux profils et compétences scientifiques variées et complémentaires. « Cette diversité est essentielle à la qualité et à la pertinence des travaux, conclut Guillaume Sylvand. Et nous avons apporté un soin particulier au plan de recrutement, en particulier sur la composante logicielle de nos recherches, essentielle à la diffusion de nos algorithmes auprès des praticiens du calcul. » Avis aux passionnés de simulation numérique : Concace les attend pour relever les défis du HPC nouvelle génération !
Pour en savoir plus :
- Forum Teratec 2021 : Associer HPC et quantique sur la simulation hybride d'applications, Le Monde Informatique, 23/6/2021.
- Les supercalculateurs font reculer les frontières de la science, Les Échos, 24/3/2018.
- Des simulations numériques haute performance pour explorer l’Univers, The Conversation, 7/12/2017.
- Modélisation et simulation pour calculer le monde numérique de demain (vidéo), Inria, 9/2/2017.