En 1987, Cordelia Schmid entre à l’université de Karlsruhe et entame un cursus de cinq ans en sciences de l’informatique. C’est lors de son stage de master, effectué à l’Institut National Polytechnique de Grenoble dans le cadre d’un échange ERASMUS, qu’elle décide de se consacrer à la vision par ordinateur et, plus précisément, à la reconnaissance d’objets. « Je me suis posé cette question toute simple : pourquoi est-il si facile pour un être humain de reconnaître un objet, un lieu, une personne dans une image alors que pour l’ordinateur c’est quasiment impossible ? Ce qui m’intéressait, c’était de répondre scientifiquement à cette question. »
Un champ de recherche à défricher
Dès sa thèse, Cordelia Schmid développe une nouvelle forme de représentation d’images permettant la reconnaissance d’objets dans des conditions réalistes (occultation, rotation, déformation). Des travaux déjà très remarqués dans la communauté scientifique. Plus tard, elle élargit ses recherches à l’apprentissage visuel. En combinant les recherches sur la vision par ordinateur et celles sur l’apprentissage de la reconnaissance automatique d’images et de vidéos, Cordelia Schmid devient en quelques années une des spécialistes les plus reconnues dans son domaine.
Depuis 2003, elle dirige une équipe-projet de vingt personnes, au sein d’Inria : le projet Lear, devenu Thoth en 2016. « Cette nouvelle étape a permis de lancer de nouveaux projets et de travailler étroitement avec d’autres chercheurs. À plusieurs, on avance plus vite. »
Au fil de son parcours, Cordelia Schmid a aussi multiplié les expériences internationales, notamment à Oxford, où elle est restée un an comme postdoctorante, puis à Berkeley, où elle se rend régulièrement depuis 2000. « Un chercheur n’a pas vocation à rester enfermé dans son bureau ou son laboratoire. Il aura toujours intérêt à échanger, à dévoiler ses propres travaux pour les confronter à ceux des autres chercheurs, à en recevoir des critiques. Aller voir ce qui se fait ailleurs est essentiel. Surtout si cet ailleurs rassemble les meilleures équipes de recherche au monde. »
Des applications très concrètes
Quand Cordelia Schmid a commencé ses recherches, la vision par ordinateur en était encore à ses débuts. Rien n’était acquis, tout était en gestation. Les techniques de reconnaissance visuelle par ordinateur étaient alors appliquées à des objets très simples parmi des bases de données encore limitées à quelques centaines d’images. « L’évolution a été fantastique. Le domaine de la reconnaissance visuelle par ordinateur a explosé. Aujourd’hui, la recherche porte sur des contenus beaucoup plus complexes, dans des bases de données pouvant contenir cent millions d’images. Ce qui était inimaginable est désormais de l’ordre du faisable. »
Véhicule autonome, services à distance pour les personnes âgées ou les enfants, géolocalisation à partir d’images et de vidéos mises en ligne : les applications des recherches de Cordelia Schmid sont appelées à se développer. La sécurité, avec la vidéosurveillance, et la santé, par la reconnaissance visuelle appliquée aux maladies, sont parmi les domaines directement concernés par les progrès de la recherche. Les géants du Web, comme Facebook ou Google, sont aussi très intéressés par le déploiement de ces nouvelles technologies de pointe.
La recherche, entre passion et persévérance
Près de vingt ans après avoir soutenu sa thèse, Cordelia Schmid l’affirme : la recherche reste une précieuse source d’enrichissement et d’épanouissement personnel. « On réfléchit en permanence à des projets innovants, on croise des personnes passionnées par ce qu’elles font. On ne s’ennuie jamais. La recherche, plus qu’un métier est une passion. » Elle encourage donc les jeunes chercheurs et chercheuses à « garder le cap sans dévier malgré les doutes inévitables », elle qui « [a] toujours tenu la ligne [qu’elle s’était] fixée, malgré les difficultés. Les récompenses n’arrivent pas du jour au lendemain. Elles sont le résultat d’un long parcours qui ne s’arrête pas avec la reconnaissance de la communauté. »
Témoignages
Jean Ponce, responsable équipe-projet WILLOW commune Inria-ENS-CNRS et professeur à l’École normale supérieure et directeur du département d’Informatique de l'ENS
Stéphane Mallat, chercheur en mathématiques appliquées et professeur au département d’Informatique de l’École normale supérieure (Paris).
Bio express
- 1992 - Après un master en sciences de l’Informatique à l’université de Karlsruhe ;
- 1996 - Doctorat en sciences de l’informatique à l’Institut National Polytechnique de Grenoble ;
- 1996-1997 - Post-doctorante à l’université d’Oxford ;
- 2004 - Chargée, puis directrice de recherche chez inria ;
- 2006, 2014 et 2016 - Prix Longuet-Higgins ;
- 2015 - Prix de recherche Humbolt.