La fabrication additive de matériaux artificiels ayant des propriétés physiques contrôlées et variables est un défi dont l’issue aura des répercussions importantes dans tous les processus de fabrication : des semelles de chaussures aux roues de voitures, en passant par les textiles à déformation programmable. Les chercheurs de l’équipe-projet MFX, commune à Inria Nancy-Grand Est et au Loria, en collaboration avec des collègues de l’équipe-projet Imagine d’Inria Grenoble, de l’ETH à Zurich (Suisse) et de l’université de Montréal (Canada), proposent une nouvelle méthode géométrique pour modéliser de tels matériaux. Ils ouvrent ainsi la voie à la création d’une plus grande gamme de pièces innovantes.
Vers une définition simplifiée des métamatériaux
Les métamatériaux sont typiquement obtenus en répétant une structure de base (un motif) de façon régulière sur toute la pièce imprimée en 3D. Le comportement de la pièce, comme par exemple sa capacité à se plier ou à s’étendre, dépend des caractéristiques du motif. Ainsi, une pièce ne contenant qu’un seul motif aura un comportement "moyen" homogène.
De nombreuses difficultés apparaissent lorsque l’on souhaite faire varier le comportement à l’intérieur de la pièce. Il devient alors nécessaire d’utiliser plusieurs motifs différents… Or, il n’est pas toujours facile de créer une transition de l’un à l’autre. En effet, les bords du motif 1 ne "collent" pas forcément aux bords du motif 2, ce qui peut induire une variation trop abrupte, ou même une cassure, dans la pièce.
La solution développée par les chercheurs Inria permet justement de résoudre ce problème et de créer une transition fluide entre deux motifs. L’originalité est de décrire de façon élégante et légère un large éventail de structures complexes avec très peu de données et de permettre leurs variations dans l’espace.
Les chercheurs se sont basés sur la définition d’un pavage à partir d’un ensemble de points régulièrement espacés. L’espace est subdivisé en cases autour de ces points (diagramme de Voronoi). Au lieu d’utiliser une distance qui forme des cases "classiques" en polygones réguliers (hexagones, carrés,…), ils ont utilisé des distances en forme d’étoiles (ou "polygones étoilés"). Ceci permet d’obtenir des cellules aux géométries variées, et donc un large éventail de propriétés physiques, mais également de créer une transition plus fluide d’un motif à l’autre. Ainsi, un polygone initial peut se transformer progressivement en un second polygone ; en transformant progressivement la distance d’un point à l’autre, on obtient un changement continu et progressif de la structure géométrique des cases, qui restent cependant connectées. Ainsi, la forme des cases évolue d’un point à un autre, et par ricochet les propriétés élastiques du matériau.
« Pour créer ces matériaux à structure variable sans générer une quantité d’informations gigantesque pour les décrire, il fallait trouver une façon compacte et fiable de modéliser la transformation progressive d’une géométrie vers une autre » explique Sylvain Lefebvre, directeur de recherche Inria et responsable de l’équipe MFX. « L’approche traditionnelle qui repose sur l’utilisation de plusieurs formes de briques fixes est très contraignante : elle impose de rester dans une même famille de briques car leurs géométries doivent avoir des enveloppes compatibles entre elles. »
De nombreuses applications industrielles possibles
Cette méthode ouvre des perspectives considérables pour la modélisation et l’impression 3D. Les chercheurs continuent d’explorer les possibilités de variations des propriétés élastiques, notamment les caractérisations dans les zones de transition entre deux motifs différents. À l’issue, les designs de vêtements, de chaussures ou d’orthèses pourront bénéficier de cette technique.
Le logiciel sera bientôt en open access et toute personne intéressée pourra créer ses propres métamatériaux et développer des applications innovantes !
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L’article scientifique Star-Shaped Metrics for Mechanical Metamaterial Design
La 45e édition de Siggraph se tiendra au Convention Center de Los Angeles du 28 juillet au 1er août et l’équipe MFX, commune à Inria et au Loria, y présentera trois articles scientifiques. Les résultats présentés portent sur de nouveaux algorithmes optimisés pour la conception et l’impression 3D de dépôts courbes sur imprimantes à filament standard, de métamatériaux basés sur des géométries polygonales en étoiles et de motifs structurés anisotropes à gradient de propriétés physiques.
La modélisation de métamatériaux à partir de distances polygonales étoilées de l’équipe MFX, sera présenté à la conférence SIGGRAPH , session "fabrication" , le 31 juillet à 11h51 salle 150/151.