Interactions humain-machine : au cœur de la cobotique
Les robots, tout le monde connaît. Présents dans l'industrie depuis les années soixante-dix, ils ont pour mission de remplacer l'humain pour l'exécution de tâches répétitives. Vingt ans plus tard est apparu le terme de cobot. La différence ? Les premiers œuvrent dans leur coin, séparés de l'humain, tandis que les seconds ont au contraire pour mission d’assister, voire de collaborer avec celui-ci. « Les robots, plus anciens, n'avaient pas de capacités de perception assez développées pour identifier les situations potentiellement dangereuses et ne pouvaient donc pas, pour des questions de sécurité, travailler à proximité de l'humain, précise Peter Sturm, adjoint au directeur scientifique en charge du domaine "Perception, cognition, interaction" chez Inria. Ils n'en avaient d'ailleurs pas besoin puisqu'ils étaient justement chargés de tâches précises, dans un environnement stable. La cobotique en revanche implique des interactions humain-machine dans un même espace. »
L'intérêt est double : l'humain peut profiter de l'assistance du robot, par exemple pour soulever des charges lourdes en s'appuyant sur un exosquelette intelligent, tandis que le cobot bénéficie de son côté de l'intelligence humaine pour évoluer dans un environnement plus changeant et effectuer des travaux moins répétitifs. « La cobotique est pleine de potentiels. Mais comme pour d'autres technologies de rupture, c'est à la société de réfléchir pour en faire le meilleur usage », estime Peter Sturm.
Améliorer perception et apprentissage
De nombreuses équipes-projets Inria se penchent sur les défis technologiques que représente la cobotique. Par exemple sur le plan matériel : les anciens robots étaient rigides et l'utilisateur disposait d’une commande pour leur faire exécuter des mouvements ; aujourd'hui, l'équipe-projet Defrost travaille sur les futurs robots ou cobots mous ! Les matériaux déformables offrent de nouvelles capacités par rapport aux matériaux rigides et permettent d'améliorer la sécurité des utilisateurs en cas de collision.
« Il y a également de forts enjeux autour de la perception des cobots et dans la façon dont ils interprètent ce qui se passe dans leur environnement », poursuit Peter Sturm. Des recherches visent ainsi à faire reconnaître au cobot les signes de fatigue d’un collaborateur humain pour l'assister au mieux ou à lui faire détecter ses intentions pour anticiper ses gestes et éviter les accidents.
L'apprentissage des cobots est aussi un élément clé de leur développement. Certains chercheurs essaient de leur faire apprendre des gestes en leur montrant des vidéos d'instruction. D'autres travaillent sur l'imitation des gestes d'un humain en direct. Le point déterminant est que la cobotique s'applique dans un environnement changeant, donc il faut que le cobot qui a appris des gestes pour une situation particulière soit capable de transférer cet apprentissage sur une autre tâche.
Peter Sturm, adjoint au directeur scientifique, en charge du domaine "Perception, cognition, interaction"
Mieux communiquer pour mieux décider
Enfin, se pose la question de la communication entre cobot et humain. « Comment se mettent-ils d'accord pour savoir qui fait quoi, interroge Peter Sturm. C'est une problématique majeure, sur laquelle travaille par exemple l'équipe-projet Auctus, et qui se pose d'ailleurs également pour le véhicule autonome. Si humains et robots collaborent, l'un doit bien à un moment assurer le contrôle de la tâche et l'autre doit suivre. »
Ces nombreux sujets sont au cœur des quatre thématiques présentées dans ce dossier, comprenant une grande variété de projets (dont la liste est pourtant loin d'être exhaustive !). Les articles couvrent ainsi les principes fondamentaux de la cobotique, abordent le potentiel des cobots pour nous soigner, ou encore pour alléger la charge de travail des agriculteurs. Sans oublier les indispensables partenariats avec les entreprises dans le domaine de la cobotique industrielle. Autant de pistes qui prouvent qu’indépendamment des défis qu’il lui reste à relever, la cobotique a un bel avenir devant elle.
Conçu en 1920 par le dramaturge Tchèque Karel Capek, le robot, ce travailleur artificiel censé remplacer — et faire disparaître — les femmes et les hommes en automatisant leurs activités, fête en 2020 son premier centenaire. Beaucoup plus jeune, son "fils" le cobot, résulte de l’hybridation des techniques robotiques et des sciences cognitives non pour se substituer à nous, mais pour coopérer et nous aider à accroître nos propres forces pour aller plus loin. Longue vie au cobot !
Jean-Gabriel Ganascia, président du Comité d'éthique du CNRS
Pour en savoir plus
Qu’est-ce-que la cobotique, ESILV (École supérieure d’ingénieurs Léonard de Vinci)
Grâce à leur flexibilité, les cobots se posent en alliés face aux pandémies, L’Usine nouvelle, 17/06/2020
Mon collègue, ce cobot, L’Usine nouvelle, 07/05/2018
La cobotique, nouvelle égérie de la robotique, Les Échos, 09/04/2019
Quand les cobots viennent au secours des ouvriers !, La Quotidienne, YouTube, 22/02/2017
Qu’est-ce qu’un #Cobot ?, ETNA.io, YouTube, 15/05/2018