Le programme d'actions exploratoires : viser de nouvelles voies de recherche
Les actions exploratoires sont l’occasion de faire confiance à l’intuition des membres de nos équipes de recherche. Grâce à ce dispositif, Inria mobilise des moyens sur quelques sujets très novateurs qui visent des approches "hors des sentiers battus", à risque ou/et en rupture par rapport aux approches traditionnelles.
Il donne le moyen d’approfondir un sujet et d’en prouver la pertinence scientifique : une étape indispensable avant de lancer la création d’une équipe-projet. Il peut s’agir également d’explorer des thématiques inhabituelles et marginales pour Inria, comme des sujets touchant aux sciences sociales ou au domaine juridique.
Renforcer les moyens incitatifs en faveur de la prise de risque scientifique
Le caractère "exploratoire" de la proposition n'est pas simple à caractériser en quelques mots, ne serait-ce que parce qu'on peut légitimement considérer que toute recherche est par nature exploratoire. Quel que soit le domaine de recherche, il est cependant assez clair que certains sujets ou approches ont une assise bien établie, de par leur ancienneté, ou au regard du nombre de chercheurs qu'ils mobilisent. Les sujets peuvent être appliqués ou théoriques, dans le cœur du numérique ou dans l’interdisciplinarité, en étant fidèle à l'esprit qui sous-tend les recherches à Inria : une attention à l'impact, éventuellement à long terme, que pourraient avoir les résultats, dans les sciences du numérique ou dans les domaines qui les utilisent.
En 2023, le centre Inria de l'Université de Lille compte 5 équipes dans le cadre du programme.
AlaMVic, pour des machines virtuelles optimisées
Les machines virtuelles (VM) sont omniprésentes dans tous les ordinateurs portables, serveurs et téléphones. Les VMs industrielles (par exemple de Microsoft, Oracle, Google…) utilisent des techniques d'optimisation très élaborées, souvent réalisées à la main par des experts, difficile à reproduire et à modifier. Ces techniques d'optimisation visent principalement à améliorer la vitesse, et sont incompatibles avec des contraintes telles que l'espace et l'efficacité énergétique, importantes dans les domaines de IoT ou de la robotique.
Dans AlaMVic, nous proposons d'aborder la construction des VMs en utilisant une approche générative holistique, contrairement aux approches existantes qui se concentrent sur la vitesse et les composants uniques des VM tels que comme le compilateur JIT. Nous explorons comment transformer des optimisations artisanales en heuristiques de génération, comment elles sont appliquées et combinées dans des domaines tels que l'IdO et la robotique, et les nouvelles des méthodes et des mesures pour évaluer les VM dans ces domaines.
Comanche, pour apprendre et représenter le sens des mots
COMANCHE propose de transférer et d'adapter les récents algorithmes d'apprentissage de représentations issus du deep learning afin de modéliser l'évolution du sens des mots, en les confrontant aux théories sur l'acquisition du langage et la diachronie des langues. À la croisée entre apprentissage machine, psycholinguistique et linguistique historique, ce projet permettra de valider ou réviser certaines de ces théories, mais aussi de faire émerger des modèles computationnels plus sobres en données et en calculs car exploitant de nouveaux biais inductifs inspirés de ces disciplines.
ETHICAM, l'Internet of Everything pour communiquer
Après l’Internet des objets (IoT), l’Internet of Everything . Voilà le sujet de l’action exploratoire menée par Valeria Loscri. Plus précisément : comment dépasser les limites des moyens de communication actuels pour disposer d’objets connectés et autonomes, capables de discuter entre eux efficacement. Car le potentiel des fréquences radio est aujourd’hui exploité quasiment à son maximum... mais les besoins, en termes de débit, vitesse et spectre de communication, continuent eux à augmenter.
Dès lors, la chercheuse a eu l’envie d’explorer de nouvelles pistes, de définir de nouveaux paradigmes. Avec l’idée de permettre des échanges d’informations à partir de nanodispositifs, d’objets, de matières et même de systèmes biologiques. Par exemple en s’intéressant aux phonons, l’équivalent dans le son des photons de la lumière. Mieux comprendre les caractéristiques de la matière et de telles particules pourrait en effet permettre un jour de s’en servir pour transmettre des informations plus efficacement qu’à présent.
Or, cette communication moléculaire est encore une vaste inconnue. C’est justement pour cette raison que les études de Valeria Loscri s’inscrivent parfaitement dans les actions exploratoires, puisque elles relèvent d’une recherche innovante, fondamentale et risquée. Le projet, structuré en trois ans, devrait d’abord permettre de créer des collaborations avec d’autres chercheurs et chercheuses en matériaux ou en physique afin de poser les bases de recherches interdisciplinaires. Et ensuite de définir de nouveaux paradigmes de communication. Pour enfin pouvoir imaginer des innovations, telles que des matériaux intelligents, capables de communiquer entre eux et qui pourraient par exemple s’intégrer dans les futures voitures autonomes.
FLAMED, une intelligence artificielle appliquée à la santé.
Avec la création de FLAMED, Aurélien Bellet, chercheur au sein de l'équipe de recherche Magnet, propose d'explorer une approche décentralisée de l'intelligence artificielle appliquée à la santé. En collaboration étroite avec l'équipe INCLUDE du CHU de Lille, l'objectif de Flames est de réaliser des tâches d'analyse de données et d'apprentissage machine impliquant plusieurs hôpitaux tout en permettant à chaque site de conserver ses données en interne et en garantissant leur confidentialité. Les recherches et les développements logiciels que nous comptons réaliser visent à obtenir un ensemble de solutions techniques pour la construction de systèmes de santé respectueux, par construction, de la vie privée.
PATH, pour un parcours patient adapté
Les systèmes de santé européens sont confrontés à de multiples défis dont le vieillissement de la population, l'augmentation des maladies chroniques et des patients souffrant de multi-morbidité, des ressources financières et humaines contraintes. La réponse à ces défis repose notamment sur une organisation des soins en parcours de soins, justifiée par la littérature scientifique et soutenue en France par les orientations politiques. L'analyse des parcours de soins et de leur adéquation aux besoins et aux moyens est ainsi devenue un enjeu majeur sur les plans scientifique et administratif. Si les données numériques disponibles à cet effet augmentent rapidement, les méthodes et les outils statistiques mis à disposition des chercheurs et des tutelles sanitaires restent limités, et peu efficients. PATH propose de développer des méthodes statistiques pour la construction/analyse du parcours patient à travers deux applications portant sur la ré-hospitalisation de la personne âgée et les complications postopératoires.
SR4SG redonne un but sociétal à l’apprentissage séquentiel
À l’heure actuelle, l’apprentissage séquentiel est principalement utilisé pour afficher de la publicité ciblée sur Internet. Ce qui est loin d’être satisfaisant, selon Odalric-Ambrym Maillard. Le chercheur a donc proposé une action exploratoire qui vise à redonner une dimension sociétale à ce sous-domaine du machine learning .
L’objectif de cette innovation ?
Allier apprentissage séquentiel, agriculture raisonnée, préservation des sols et biodiversité. Concrètement, il s’agit de créer une plate-forme basée sur des algorithmes de recommandation pour l’émergence du partage de bonnes pratiques agricoles de manière collaborative. Aujourd’hui, divers acteurs, comme le Muséum d’histoire naturelle, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ou l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) récoltent des données d’observation sur les jardins. Mais ils ne disposent pas des compétences nécessaires en machine learning pour en tirer des recommandations personnalisées.
Le but premier de cette action exploratoire est donc de mettre autour de la table d’une part des spécialistes de la biodiversité et des bonnes pratiques agricoles, d’autre part des chercheurs et chercheuses d’Inria en intelligence artificielle pour favoriser l’émergence des problématiques de recherche cohérentes.
Ensuite, travailler sur la collecte des données. En effet, il ne s’agit pas d’obtenir simplement des observations mais aussi un historique des actions et des effets, indispensable pour permettre l’apprentissage séquentiel par les algorithmes. Cette étape aboutira à la création d’une application permettant aux jardiniers, expérimentés ou amateurs, de partager leurs observations, leurs actions et les effets observés.
Et le dernier objectif de l’action exploratoire sera alors de mettre au point les algorithmes qui utiliseront ces données pour apprendre et faire des recommandations adaptées à chaque plante, dans chaque jardin, en fonction de chaque contexte.
Bien sûr, devant l’ampleur du chantier, il n’est pas envisagé de déployer une application parfaite à l’échelle mondiale dans quatre ans. Mais Odalric-Ambrym Maillard compte bien disposer d’un prototype de plate-forme rassemblant une communauté scientifique mixte qui permettra ensuite de décrocher des financements de type ANR pour continuer l’expérimentation. Le chercheur espère ainsi que cette action exploratoire permettra de poser les bases des outils de demain pour les bonnes pratiques agricoles.