Lorraine Université d'excellence : un ancrage territorial très fort

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Mis à jour le 14/02/2020
En janvier 2016, Lorraine Université d'Excellence a reçu le label I-SITE, récompensant une démarche partenariale volontariste engagée depuis plus d'une décennie. Sylvain Petitjean évoque les enjeux et les avancées d'un programme présenté comme "une initiative d'ingénierie globale".

Quelle est la genèse du programme Lorraine Université d'Excellence ?

Sylvain Petitjean : « L’université de Lorraine a une organisation singulière dans le paysage académique français et européen. C’est l'une des rares universités françaises qui réunit dans le même établissement les facultés classiques et un nombre important de grandes écoles d’ingénieurs, dépassant ainsi la dualité habituelle du système hexagonal. Par ailleurs le site lorrain fédère également de très grands acteurs de la recherche publique – CNRS, INRA, Inserm, le CHRU et Inria –  qui, avec l’université de Lorraine, ont l'habitude de travailler ensemble depuis longtemps. Il y a dix ans nous nous sommes même dotés d'une instance de coordination qui se réunit tous les mois. En participant à l'appel à projet "Initiatives d'Excellence" (IDEX) dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir, nous voulions donner un nouvel élan à cette dynamique collective. Si la première tentative n'a pas donné les résultats escomptés, nos efforts ont finalement porté leurs fruits lors de la première vague de l'appel à projets suivant finalisé en 2016. Ce dernier introduisait un second étage de la fusée avec les I-SITE (pour Initiative Science Innovation Territoire Économie), des universités qui valorisent des atouts de même niveau scientifique que les IDEX avec un spectre thématique plus circonscrit et un ancrage territorial très fort. Renforcé par l'intégration d'AgroParisTech et de Georgia Tech Lorraine dans son périmètre, le programme Lorraine Université d'Excellence fait aujourd'hui partie des 9 programmes labellisés I-SITE et nous sommes les seuls à avoir obtenu la note maximale sur tous les critères ! »

Quels sont les grands enjeux du programme LUE ?

S.P : « L’objectif de notre initiative est de mettre l'expertise de l'ensemble des partenaires au profit de six grands défis sociétaux, économiques et écologiques qui sont la confiance dans le monde numérique, la maîtrise de l'ensemble de la chaîne de valeur des matériaux, la gestion durable des ressources naturelles et de l'environnement, le développement des énergies du futur et l'accompagnement de la transition énergétique, l'ingénierie au service de la santé et du vieillissement et enfin l'intelligence économique et l'ingénierie des connaissances. Pour atteindre cet objectif,il nous faudra déployer l’ensemble des dimensions de l’ingénierie, prise dans une acception systémique, en articulant recherche et formation, formations initiale et continue, dynamique pluridisciplinaire et cross-fertilisation avec le tissu entrepreneurial de la région. Dans cette perspective nous avons construit une "boîte à outils" forte de nombreux programmes opérationnels. Tous sont actuellement lancés ou en cours de déploiement comme CSTI+ dédié à la culture scientifique et à la science participative, SME Booster centré sur les PME innovantes, Mirabelle+ pour développer l'interdisciplinarité entre laboratoires ou encore Widen Horizons qui a pour but de permettre aux chercheurs de sortir de leur environnement grâce à des séjours à l'étranger et des mobilités en entreprises. Un autre enjeu phare de LUE est de développer la "Grande Région" en renforçant les relations transfrontalières avec la Sarre et le Luxembourg. Des actions communes ont d'ailleurs d'ores et déjà été engagées sur le volet "confiance dans le numérique". »

Quel est l'objectif du programme IMPACT, présenté comme le dispositif phare de LUE ?

S.P : « IMPACT a pour objet d'identifier des problématiques de recherches ciblées et de faire émerger des projets à forte valeur ajoutée scientifique au profit de l'une ou de plusieurs des six grandes thématiques socio-économiques du programme. Chacun de ces projets se déploiera sur une durée de quatre ans et sera doté d'un budget d'environ 2,5 millions d'euros auxquels viendront s'ajouter des apports éventuels de partenaires, sachant que l'enveloppe annuelle totale de LUE est de 8,5 millions d'euros. Plusieurs projets IMPACT sont d'ores et déjà lancés : OLKi (Open Language and Knowledge for Citizens, dans le domaine de l’ingénierie des langues et des connaissances), Digitrust (confiance dans le numérique), Geenage (santé et vieillissement) ou encore ULHyS qui a pour ambition de fédérer les actions de recherche sur l'hydrogène-énergie.»

Quelle est l'implication d'Inria dans les différents dispositifs de LUE ?

S.P : « Plusieurs de nos équipes sont activement engagées dans les projets développés dans le cadre des six défis de LUE . Nous sommes naturellement très présents sur le sujet de la confiance dans le numérique qui figure au cœur des activités de recherche de notre centre. Par exemple RESIST apporte son expertise aux questions de sécurité des réseaux et PESTO sur la vérification de protocoles de sécurité. Notre laboratoire de haute sécurité (LHS) est également mis à contribution pour accompagner les expérimentations et manipulations à caractère sensible. Dans le domaine de l'ingénierie des langues et des connaissances, MULTISPEECH s'intéresse au traitement automatique de la langue et ORPAILLEUR à l'extraction de connaissances à partir de données. De leur côté BIGS (biostatistiques), LARSEN (robotique d'assistance) et NEUROSYS (neurosciences computationnelles) s'impliquent dans des projets communs avec le CHRU de Nancy. Par ailleurs, MFX, une équipe en cours de structuration autour des problématiques liées à la fabrication additive sera au centre d'un projet IMPACT exploratoire consacré à la fabrication d'orthèse orthopédique par impression 3D, avec des chercheurs et chercheuses du secteur des matériaux. Au-delà des équipes de recherche, d'autres collaborateurs et collaboratrices d'Inria participent à la dynamique LUE, par exemple dans le cadre du programme SME Booster ou du dispositif Future Leader destiné notamment à l'accompagnement des candidatures ERC. Enfin, en tant que directeur du centre d'Inria Nancy-Grand Est, je siège au comité exécutif du programme qui réunit les représentantes et représentants de tous les membres fondateurs autour des questions de pilotage, de programmation et d'allocation des ressources. » 

Comment savoir si LUE porte ses fruits ? Quels sont ses critères de réussites ?

S.P : « Tous les lauréats IDEX/I-SITE doivent passer par une période probatoire. Celle de notre programme dure quatre ans, ce qui nous amène à 2020. D'ici-là, nous devrons avoir progressé sur plusieurs points. Parmi les indicateurs du tableau de bord que nous avons élaboré figurent notamment la position dans les classements internationaux des universités en ingénierie, comme ceux pilotés par les universités de Shanghai et de Leiden, ou encore le nombre de doctorants et de bourses ERC. Nous suivrons aussi l'évolution des parcours de formation internationaux, la progression du nombre de startups sur le territoire ou encore l'évolution des financements apportés par des partenaires économiques. En 2016, comme je l'évoquais plus tôt, nous avons obtenu la note maximale sur tous les critères de la labellisation I-SITE. C'est une fierté, et c'est aussi une responsabilité ! Mais je suis aujourd'hui très confiant dans notre capacité à développer collectivement le leadership de notre site lorrain et à aboutir à la pérennisation de LUE …»