Du lycée à la thèse qu’elle vient de commencer dans l’équipe Neurosys, Nathalie Azevedo Carvalho a suivi le chemin des mathématiques. Après le bac, elle entre en licence de mathématiques en se disant qu’il sera bien temps de changer si elle trouve autre chose qui lui plaît autant. Mais la jeune luxembourgeoise a envie de voir du pays. Elle s’inscrit alors en deuxième année de licence à l’université de Lorraine. La nouveauté est stimulante, mais Nathalie n’a aucune idée de ce qu’elle veut faire après, contrairement à ses camarades qui veulent être enseignants. Pour trouver l’inspiration, elle assiste à de nombreuses conférences, et découvre ainsi les travaux d’un chercheur qui met les mathématiques au service de la cancérologie. Pour l’étudiante, c’est un déclic : les mathématiques peuvent être appliquées à quelque chose de concret !
Un stage pour explorer la maladie de Parkinson
La suite sera un master de mathématiques appliquées. Son choix se porte sur la formation de Rennes 1, Calcul Scientifique et modélisation, dont la brochure indique des débouchés dans la médecine, l’aéronautique, l’industrie automobile…
Attirée par les applications en santé, elle trouve un stage de M1 en modélisation épidémiologique. Elle y découvre avec enthousiasme le travail en équipe et les réalités du fonctionnement de la recherche, et se met à chercher très tôt son stage de master 2.
C’est ainsi qu’elle contacte l’équipe-projet Neurosys, commune à Inria Nancy et au Loria, qui mêle neuroscience, informatique, robotique et modélisation.
Nathalie est séduite par la multidisciplinarité à l’œuvre dans l’équipe, la dimension d’analyse et de modélisation des systèmes et rythmes neuronaux, tout autant que par les applications très concrètes à moyen et long termes, notamment dans le domaine des maladies neurodégénératives. Sa candidature spontanée tombe bien : l’équipe avait justement prévu un stage pour avancer sur la modélisation informatique de rythmes neuronaux pathologiques impliqués dans les tremblements caractéristiques de la maladie de Parkinson.
Le sujet comporte un important travail d’optimisation du logiciel développé par l’équipe pour la modélisation. En master, la postulante a justement étudié la programmation parallèle, dont l’objectif est de minimiser le temps d’exécution, en maximisant le nombre d’opérations réalisées par unité de temps.
Sa mission est porteuse. À partir de mesures expérimentales obtenues chez des rats et de modèles de la maladie de Parkinson, il s’agit de réussir à modéliser la partie du cerveau où les neurones se synchronisent de façon exagérée. Une fois cette modélisation réalisée, il sera possible de tester des hypothèses sur l’origine de ces oscillations dans les réseaux neuronaux.
Pour mener à bien son projet, Nathalie doit d’abord commencer par un énorme travail de bibliographie. Passer des mathématiques fondamentales à leur application concrète sur un système aussi complexe que le cerveau (même s’il s’agit de n’en modéliser qu’une partie) n’est pas une mince aventure.
Heureusement, dans ce processus d’acculturation, Nathalie est bien encadrée. Outre Dominique Martinez, son directeur de stage qui l’accompagne sur les aspects de modélisation, elle se voit adjoindre deux coencadrants issus de l’université de Lorraine, Laure Buhry sur la dimension mathématiques et biologique du problème, et Sylvain Contassot-Vivier sur ses aspects informatiques.
Une thèse pour aller plus loin dans la modélisation des réseaux de neurones
Sur proposition de Dominique Martinez et Laure Buhry, Nathalie a décidé de continuer ce travail en thèse, avec les mêmes encadrants. Elle vient ainsi d’achever sa première année, consacrée à améliorer encore le programme, en soumettant un article qui décrit une nouvelle méthode pour simuler des réseaux de neurones.
Là où les logiciels du domaine sont souvent lents et gourmands en mémoire, Nathalie et ses encadrants ont tenté une approche qui, à partir des données biologiques, génère les connexions entre neurones de manière pseudo-aléatoire (reproductible) plutôt que de les stocker en mémoire. Si l’optimisation du programme est tellement importante, c’est aussi que l’objectif est de fournir à la communauté scientifique un outil accessible à tous ceux qui font des hypothèses sur le cerveau, y compris s’ils n’ont pas accès à un supercalculateur.
Sa deuxième année sera l’occasion d’avancer sur la modélisation du réseau de neurones, avec l’espoir de faire suffisamment progresser l’état des connaissances pour qu’il devienne possible d’améliorer le traitement actuel de la symptomatologie parkinsonienne, qui présente des effets secondaires sérieux, de dépression notamment. Si la doctorante sait bien que son travail ne va pas révolutionner, à lui seul, le traitement de la maladie de Parkinson, il peut avoir un effet bénéfique plus immédiat : la substitution de la modélisation à un certain nombre d’expérimentations animales.
Un bel enjeu d’application qui donne tout son sens aux mathématiques.
MT 180 : vulgariser pour convaincre, un nouveau défi
Le 12 mars 2020, à l’université de Lorraine, Nathalie Azevedo Carvalho présentera son sujet et ses premiers résultats lors de la finale régionale de Ma thèse en 180 secondes. Pour la doctorante, ce concours international de vulgarisation est l’occasion de se lancer un nouveau défi. Déjà trilingue, elle va devoir apprendre une nouvelle langue – celle des présentations scientifiques devant un jury et un public. Un challenge de ceux qu’elle aime saisir.
Et après la thèse ? Continuer en postdoctorat, pour viser un poste de maître de conférences ou rejoindre le monde de l’entreprise. Car Nathalie ne change pas la stratégie qui lui a toujours réussi jusqu’ici : décider pas à pas, et aller là où sa curiosité la portera.