La deuxième phase du projet Agilis mobilise sur le long terme une équipe de recherche, l’équipe-projet Camin de Christine Azevedo à Montpellier, en lien étroit avec de nombreux partenaires professionnels de santé et avec le soutien d'EIT Health. Ce travail nécessitant des interventions chirurgicales a été impacté et retardé du fait de la situation sanitaire. Les chercheurs travaillent avec la startup Neurinnov qui a développé un implant permettant de restaurer des fonctions de préhension auprès de personnes qui, tout en présentant une paralysie complète des membres supérieurs, ont conservé le contrôle volontaire de l'épaule et du coude. Les électrodes épineurales multicontacts utilisées sont fabriquées par la société allemande Cortec.
Deux électrodes implantées sur deux volontaires pendant un mois
L'objectif était d'implanter deux électrodes pendant un mois dans le bras de deux volontaires ayant une lésion de la moelle épinière au niveau cervical et de suivre pendant quatre semaines les performances techniques et fonctionnelles afin d'évaluer l'intérêt de cette approche. Le stimulateur électrique externe (STIMEP) utilisé est issu des travaux de recherche de l'équipe Camin.
Des patrons d'activation des différents contacts des électrodes ont été mis au point pour permettre d'activer les muscles paralysés de leur bras de façon sélective pour permettre de restaurer différents gestes de saisie d'objets. Les patients ont utilisé des mouvements de leur épaule controlatérale ou des contractions musculaires pour transmettre les ordres au stimulateur. À l'issue des quatre semaines d’expérimentation, les électrodes ont été retirées.
Les quatre étapes principales en vidéo
Étape 1 : La préparation de la chirurgie de pose des électrodes
Préparation minutieuse des implants fournis par la startup Neurinnov selon les travaux de recherche de l’équipe Camin.
Crédit : Hubert Raguet, Inria
Étape 2 : Deux heures d’intervention chirurgicale pour mettre en place les électrodes
Deux heures d’intervention sont nécessaires à l’équipe chirurgicale de la clinique Saint-Jean de Montpellier, menée par le docteur Jacques Tessier avec le docteur Antoine Geffrier du CHU de Rennes (précédemment à l'AP-HP), pour implanter sur les nerfs radian et médian des deux patients.
Crédit : Hubert Raguet, Inria
Étape 3 : Phase de test fonctionnel, de réglage et de mesure avec les patients
Le moment de vérité : les deux patients, Jérôme et Vincent, testent la saisie d’objet et les interactions possibles pendant que l’équipe scientifique affine les réglages et les mesures, sous la responsabilité du docteur Charles Fattal, au centre de rééducation Bouffard-Vercelli USSAP de Perpignan.
Crédit : Hubert Raguet, Inria
Étape 4 : Pour les deux patients implantés, la fierté d’avoir participé à un essai très concluant
Un bilan très positif pour les deux patients du docteur Charles Fattal, médecin-chef au centre de rééducation fonctionnelle de Perpignan. Vincent et Jérôme partagent leur expérience de mobilité temporairement retrouvée et la fierté d’avoir participé à un projet de recherche.
Crédit : Hubert Raguet, Inria
Agilis dans Nature Scientific Reports
Un nouveau champ de possibilités thérapeutiques. Témoignages
À l’issue de cette phase expérimentale, le docteur Jacques Tessier, de la clinique Saint-Jean de Montpellier, tire le bilan de cette collaboration :
Restaurer une préhension par transferts tendino-musculaires chez un patient tétraplégique est une chirurgie extrêmement gratifiante. Restaurer cette préhension, par stimulation fasciculaire neurale hypersélective, mobilise le génie d’une équipe pluridisciplinaire (ingénieurs, chirurgiens, rééducateurs) pour des résultats potentiellement magiques.
Docteur Jacques Tessier, clinique Saint-Jean, Montpellier
La recherche actuelle visant à restaurer des capacités fonctionnelles au membre supérieur du patient atteint de tétraplégie grâce à la stimulation neurale ouvre un nouveau champ de possibilités thérapeutiques qui sont à hybrider avec celles dont nous disposons déjà, constate le docteur Antoine Geffrier de l’AP-HP, membre du projet Agilis. Mais elle permet surtout d’avoir une solution chez les patients les plus touchés qui n’étaient auparavant pas éligibles au programme de restauration fonctionnelle classique. Elle ouvre un horizon nouveau pour eux.
Docteur Antoine Geffrier, Centre Hospitalier Universitaire, Rennes
Ce projet est très intéressant, intuitif et très prometteur pour l'avenir, le tout avec une équipe très professionnelle et bienveillante.
Vincent, l'un des participants
La pérennité dans les interactions entre les partenaires
Pour résoudre un problème simple en apparence, comme le décrit le docteur Charles Fattal, médecin-chef au centre de rééducation fonctionnelle de Perpignan : « Comment pourvoir la main de la personne tétraplégique de fonctions motrices lui permettant de saisir des objets de la vie quotidienne ? » Une question au cœur du défi porté par le projet Agilis. « Grâce à une électrostimulation de nerfs du membre supérieur par des électrodes gouttières implantées, ce programme vise à produire une commande synergique et sélective des muscles clés de la main et du poignet. »
Et surtout, c’est un projet éminemment pluridisciplinaire qui « réunit les compétences de chirurgiens et médecins spécialisés dans la prise en charge des personnes lésées médullaires, de chercheurs et ingénieurs aguerris à l'électrostimulation musculaire et de celles des patients soucieux de faire évoluer les progrès dans ce domaine ».
Avec pour objectif, « d'offrir la promesse d'une solution technologique et fonctionnelle fiable et viable à toute personne tétraplégique qui ne pourrait pas accéder à une chirurgie fonctionnelle classique dominée par les transferts musculo-tendineux ».
Une équipe de recherche et une startup étroitement liées
Neurinnov est une startup Inria issue de l'équipe-projet de recherche Camin ayant vocation à commercialiser la solution Agilis en développant un implant qui permettra de proposer sur le marché une solution sous forme de neuroprothèse tout implantée (électrodes et stimulateur) d’ici trois ans, après les phases de tests précliniques réalisés sur plusieurs mois chez des volontaires, conformément à la réglementation en vigueur. C’est un projet industriel de haute technologie et très complexe d’un point de vue règlementaire.