Nikos Paragios : une vie consacrée à la vision artificielle et à ses applications pour la médecine

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Mis à jour le 26/03/2020
Cette année, huit des lauréats ERC sont responsables ou membres d'équipes-projets Inria. Nikos Paragios, professeur à l'École centrale de Paris, a été sélectionné dans la catégorie jeune chercheur. D’un montant d'environ 1 500 000 euros, cette bourse permettra à ce scientifique de renforcer l’équipe Galen et de conduire un projet de recherche ambitieux sur cinq ans sur la vision artificielle appliquée au domaine médical. Rencontre avec le chercheur.

Après un bref passage à Rennes, Nikos Paragios, natif d’une petite île de la mer Egée a pu renouer avec ses racines méditerranéennes.  Entre 1996 et 1999, il effectue sa thèse au centre Inria de Sophia-Antipolis sur la vision artificielle avant de travailler au centre de recherche de Siemens à Princeton (USA) tout en enseignant à l’université de New York, et l’université d’État de New Jersey.
À l’issue de cinq ans de recherche et après le dépôt d’une trentaine de brevets autour de l’imagerie médicale, la nostalgie du Vieux continent l’a emporté. Il enseigne à l’École des ponts et chaussées, puis devient professeur à l’École centrale de Paris et, depuis 2008, dirige l’équipe Galen, une équipe mixte entre le centre Inria de Saclay Ile-de-France et l’École centrale, dont les travaux portent sur la modélisation d’organes à travers l’extraction, la représentation et la compréhension du contenu des images médicales. 
Un fil rouge dans sa carrière : la vision artificielle appliquée au domaine médical, des travaux qui lui ont permis de remporter une bourse ERC dans la catégorie "jeunes chercheurs" pour consolider son équipe.

L’impact sociétal de ses recherches est primordial pour Nikos Paragios : « si elles aboutissent cela peut faire une différence énorme sur la vie de tous les jours » déclare-t-il à propos de ses travaux consistant à reproduire la vision humaine. Cette dernière est une fonction qui accapare une grande partie du cerveau, un pari énorme donc pour le chercheur lorsqu’on sait que l’ordinateur le plus puissant arrive à peine à reproduire un infime partie des capacités visuelles humaines. « C’est très faible, une fraction minime par rapport aux capacités d’un enfant de cinq ans ». S’il a choisi de se consacrer à cette discipline c’est aussi pour sa transversalité : « elle touche aux mathématiques appliquées, à la médecine, la biologie, l’informatique... Nous essayons de créer une approche théorique unificatrice et sa plate-forme logicielle capable de reproduire des systèmes intelligents proches des systèmes biologiques. Ceci afin d’aider les médecins à faire des diagnostics précoces à partir du traitement automatique des données issues de l’imagerie médicale (scanners, IRM, …) ».

À la place des yeux du médecin, des ordinateurs l'assisteront... Ce qui permettra de voir l'évolution d'une tumeur dans le temps ou de repérer une maladie précoce.

Ses recherches interviennent dans un contexte où les développements technologiques récents ont donné naissance à une nouvelle génération de scanners ainsi qu’à de nouvelles modalités d’acquisition qui permettent la visualisation in vivo des structures anatomiques des systèmes biologiques de manière non invasive. Les données issues de ces outils d’imagerie médicale ne peuvent pas être interprétées à l’œil nu. Pour le moment. Grâce à DIOCLES, l’outil logiciel proposé par Nikos Paragios, « à la place des yeux du médecin, des ordinateurs l'assisteront en exploitant les données des scanners, des IRM, etc . » explique-t-il. « Ce qui permettra de voir, par exemple, l'évolution d'une tumeur dans le temps ou de repérer une maladie précoce. » Mais, au lieu de créer pour chaque maladie une approche différente comme il en existe aujourd’hui (pour l’infarctus du cœur par exemple), le chercheur se focalise sur une plate-forme générique permettant, en se basant sur le traitement de n’importe quelle image, de décliner le plus grand nombre de maladies possible. 

Pour l’équipe Galen, il s’agit d’utiliser des méthodes d’optimisation discrète et des modèles statistiques afin d’identifier des cas normaux et des cas pathologiques et de les comparer aux données d’un patient déterminé tout en essayant de donner des réponses adaptées à des multitudes de variations : est-ce une personne âgée ? quels sont ses antécédents médicaux ?, etc...

La modélisation des effets du vieillissement à long terme et leur compréhension est d’une grande importance pour de nombreux organes et maladies qui ne présentent pas d’indicateurs précliniques, comme les maladies neurologiques du cerveau, les maladies musculaires et certaines formes de cancer. Ces recherches se font, notamment, en collaboration avec des établissements hospitaliers (CHU Henri Mondor de Créteil, Pitié Salpêtrière) qui fournissent à l’équipe les données nécessaires et les connaissances liées aux types de maladie étudiées. « C’est un échange permanent, très enrichissant », remarque le chercheur qui se félicite de bénéficier de cette bourse dans le cadre de la collaboration entre l’École centrale de Paris et Inria, une cohabitation entre des ingénieurs capables d’aborder les grands défis du XXIe siècle et l’excellence scientifique avec un appui à la recherche sans faille.

Il avait déjà choisi l’institut pour « son exceptionnelle renommée internationale et son label de qualité » afin de poursuivre ses études à sa sortie de l’université de Crète. L’ERC va lui permettre de recruter « des jeunes professeurs ou maîtres de conférences en mathématiques appliquées et en informatique pour m’aider à renforcer les axes théoriques nécessaires à la réalisation de cette plate-forme  ». Un objectif qui n’inquiète pas Nikos Paragios :

C’est un domaine assez ouvert, en pleine expansion ; beaucoup de chercheurs travaillent déjà en France et dans le monde sur ce sujet qui offre des perspectives d’évolution de carrière intéressantes. Et il est toujours plus facile de motiver des candidats sur une recherche de pointe à risque et à caractère sociétal