Enfant, Patrick Valduriez est fasciné par la conquête spatiale. Il se souvient du vaisseau Apollo, si loin de la terre, mais relié à celle-ci grâce à une liaison numérique. Le début d’une vocation : « Dès lors, je me suis dit que si l’informatique permet de piloter une fusée, alors elle peut faire n’importe quoi ! ». Surnommé « Monsieur Pourquoi » par son grand-père, Patrick Valduriez fait déjà preuve d’une curiosité hors norme. Son appétit de connaissances ne s’épuise que lorsqu’il pense avoir atteint le fond des choses.
Alors que les années soixante-dix touchent à leur fin, Patrick Valduriez fait ses études d’Informatique à Paris VI. Le Personal Computer (PC) émerge timidement. Mais les esprits agiles comprennent déjà la place que cet ordinateur décentralisé va conquérir. Patrick Valduriez sait qu’il faudra connecter des légions de PC aux bases de données, pour leur fournir les informations qu’ils réclament, aussi rapidement que possible. Sa rencontre avec le professeur Georges Gardarin, de retour de l’université de Los Angeles (UCLA), scelle sa curiosité pour les bases de données distribuées.
La soif d’innover
L’obsession de Patrick Valduriez restera constante : comment accélérer les performances de ces immenses réservoirs d’informations ? selon lui, la solution réside dans les ordinateurs eux-mêmes. Leur puissance ne cesse de croître : ils font tourner des dizaines de processeurs en parallèle, qui deviennent bientôt des centaines de processeurs, puis des milliers. « Pour exploiter ces colosses informatiques, il faut diviser chaque gros calcul en des milliers de petits calculs, pour en donner un morceau à chaque processeur. Puis fixer des rendez-vous aux processeurs, à intervalles réguliers, pour faire le point, et réorganiser le calcul », explique-t-il.
Au sein d’Inria, puis dans les laboratoires du MCC au Texas, Patrick Valduriez trouve des solutions innovantes. Pourtant, la recherche fondamentale ne lui suffit pas. Porté par une certaine éthique de la science, il souhaite être utile à la société. Tout au long de sa carrière, Patrick Valduriez réalise ainsi des transferts de technologie. « L’aller retour laboratoire-industrie est un cercle vertueux », professe-t-il.
De retour en France, Patrick Valduriez développe trois grands projets à Inria, avec des résultats significatifs à la clé. En 1989, il lance le projet de recherche Rodin. Très vite, avec son équipe, Patrick Valduriez conçoit un démonstrateur prometteur nommé Disco. Ce morceau de code informatique sera intégré au cœur du logiciel de Kelkoo, le leader européen des comparateurs de prix. Disco rapportera des millions d’euros de licence, réinjectés dans le fonds d’innovation d’Inria. Un des plus beaux succès de l’institut en matière de transfert de technologie. La phase "industrielle" de la carrière du chercheur se poursuit avec le projet Dyade, lancé en 1996 en partenariat avec Bull. Patrick Valduriez prend alors la tête d’une équipe de 50 chercheurs et ingénieurs, qui fera nombre de découvertes, valorisées dans plusieurs startups et produits estampillés Bull.
En 2002 Patrick Valduriez se lance dans l’aventure de l’Open source. Le projet Atlas débouche ainsi sur la création de trois logiciels libres : ATL, PeerUnit et RepDB*, utilisés aujourd’hui par des structures de taille diverses, depuis les startups jusqu'aux géants de l’informatique, en passant par les laboratoires publics.
Nouveau tournant avec le lancement, en 2009, du projet Zénith, toujours au sein d’Inria. Son objectif : aider la recherche publique dans le domaine de l’environnement et du vivant, confrontés à une explosion de données informatiques. Patrick Valduriez travaille à valoriser ces données avec les biologistes du Cirad, de l'IRD et de l’INRA.
Une reconnaissance internationale
Patrick Valduriez est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs experts des bases de données distribuées. Les étudiants en informatique du monde entier connaissent son manuel « Principles of Distributed Database Systems ». Tout au long de son parcours, le chercheur a lui-même formé une cinquantaine de doctorants, dont les deux tiers travaillent aujourd’hui dans l’industrie, notamment chez IBM, Sun, Oracle ou SAP. « J’ai eu quelques instants "eurêka", mais aujourd’hui, l’essentiel des idées vient de mes collaborateurs, commente-t-il. Je préfère les équipes multidisciplinaires, qui favorisent la fertilisation croisée. Et je laisse beaucoup de liberté aux chercheurs. J’attends d’eux des idées inattendues. »
A l’aube de ses soixante ans, Patrick Valduriez estime que c’est « le bon moment » pour être récompensé par Inria. « Je suis très heureux. Inria est cher à mon cœur, et l’Académie des sciences représente beaucoup pour moi. Au passage, je suis satisfait que l’on récompense enfin des chercheurs en informatique. » Le prix Inria de l’innovation arrive deux ans après l’ACM Fellow, une prestigieuse distinction internationale. La preuve que la France n’est pas la seule à remercier Patrick Valduriez.
Eric Simon, Chief Architect chez SAP
Biographie express
- 1977 – Maîtrise d’informatique de l’Université Paris VI
- 1977-1979 – Programmeur dans le cadre de son VSNA à l’Office Béninois d’Informatique
- 1981 – Doctorat de troisième cycle de l’Université Paris VI
- 1982 – Entre chez Inria
- 1984 – Rejoint le centre de recherche industriel MCC, Austin, Texas où il reste 5 ans
- 1985 – Obtient le titre de docteur d’État en informatique (Paris VI)
- 1989 – Nommé directeur de recherche Inria et lance le projet Rodin à Inria-Rocquencourt
- 1996-2000 – Dirige le GIE Dyade entre Bull et Inria
- 2000 – Part enseigner l’informatique à l’Université Paris VI
- 2002 – Retour chez Inria où il crée le projet Atlas, commun entre le centre Inria-Rennes et l’université de Nantes, au LINA à Nantes
- 2010 – Crée l’équipe Zénith à Montpellier