Lancé en novembre 2019, Pixil donne un élan à l'énergie géothermique en France et en Espagne. Son objectif : caractériser le sous-sol de la Terre en utilisant des techniques d'imagerie avancées et la modélisation mathématique. En France, il est codirigé par l’équipe Inria Magique-3D en collaboration avec Real Time Seismic (RTS), PME qui développe des technologies de traitements des données pour les géosciences, et Avenia, pôle de compétitivité des industries du sous-sol. Côté espagnol, les chercheurs du Barcelona Supercomputing Center (BSC), du Basque center for Applied Mathematics (BCAM) et de l'université de Barcelone (UB) complètent le dispositif.
La finalité du projet ? La création d'un réseau transfrontalier de R&D entre différents centres technologiques et de recherche de la région transpyrénéenne, qui pourrait ainsi devenir un pôle technologique dans la géothermie.
Énergie géothermique : des atouts multiples
Les énergies renouvelables et propres deviennent de plus en plus centrales à mesure que la société évolue vers un avenir plus durable sur le plan environnemental. Dans ce cadre, l’énergie géothermique présente de sérieux avantages : elle est naturelle, n'émet pas de CO2 et s’avère pratiquement inépuisable. La géothermie utilise la chaleur du sous-sol pour produire de l'eau chaude qui, si elle atteint une température suffisante, peut faire tourner une turbine et la transformer en électricité. La température des sous-sols augmente avec la profondeur et en Europe, ce gradient de température est en moyenne d'environ 3 °C par cent mètres.
Disponible en continu, elle complémente d'autres sources d'énergie renouvelables — éolienne, solaire — plus intermittentes. Et comme elle est exploitée in situ, elle évite l’importation de technologies ou de matières premières.
Des techniques de pointe pour faire avancer le projet
Mais avant de pouvoir l’utiliser, les chercheurs et ingénieurs doivent caractériser les propriétés du sous-sol de la région ciblée. La technique non invasive de Pixil consiste à envoyer des ondes sonores dans le sol ainsi qu’à à analyser la vitesse à laquelle elles se propagent et les "obstacles" qu'elles rencontrent, afin d’en tirer des images en 3D de la subsurface. Cette approche préparatoire permet de maximiser les chances de succès de la phase de forage qui doit être réalisée pour la mise en place d’une boucle géothermique (eau chaude produite, chaleur extraite, eau refroidie réinjectée) nécessaire à l’exploitation.
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Nous utilisons des capteurs pour mesurer la propagation des ondes sonores dans le sol et nous analysons ces données. Cette ‘‘échographie sismique’’ nous permet de caractériser la zone en termes de géométrie des structures ainsi que la densité des roches.
Chargé de recherche au sein de l'équipe Magique-3D, responsable de la partie algorithmes du projet
L'analyse et le traitement des données nécessitent le développement de modèles mathématiques, de techniques numériques avancées et de calculs effectués en parallèle pour obtenir des simulations précises de la propagation des ondes dans le sous-sol.
Un problème majeur demeure pourtant. Les données sismiques sont souvent très "polluées" par les ondes de forte amplitude qui courent à la surface lorsque la source sismique sonore est déclenchée. Elles affectent considérablement la qualité des signaux enregistrés par les capteurs disposés à même le sol, empêchant souvent d’obtenir une image de qualité à plus grande profondeur. Comment remédier à cette difficulté ? Les chercheurs d’Inria utilisent des méthodes dites d’inversion de dernière génération pour trouver le modèle géologique qui correspond le mieux à la propagation de ces ondes de surface. En simulant avec précision ces phénomènes à l'aide de leur logiciel (Hou10ni), les signaux indésirables sont reproduits pour être ensuite soustraits des enregistrements réels.
Un partage des savoirs sur toute la ligne
Afin de créer un réseau transfrontalier de R&D associant public et privé, l’équipe de Julien Diaz propose ces outils aux universités, instituts de recherche, PME et grandes entreprises/structures spécialisées dans l’activité de géothermie de la zone transfrontalière. À cet égard, le Pôle Avenia joue un rôle important avec son équipe pluridimensionnelle comprenant industriels, universitaires et institutions.
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Ainsi, Pixil accompagne la filière géothermique par une approche mutualisée qui facilite le transfert des connaissances entre monde académique et entreprises, le tout dans un contexte européen porteur.
Responsable Projets Europe et International au Pôle Avenia
« Dans la région des Pyrénées, la géothermie, surtout de sources profondes, a été abandonnée parce que trop coûteuse et nous espérons maintenant relancer l'intérêt pour ce domaine dans le Sud-Ouest de la France », ajoute Julien Diaz.
Jean-Claude Puech, géophysicien chez Real Time Seismic, insiste pour sa part sur le volet pédagogique du projet auprès du grand public. « Il s’agit d’un point crucial pour que cette technique soit acceptée et ne soit pas confondue avec d'autres, comme l’exploitation des gaz de schistes par exemple, estime-t-il.
Nous devons rappeler à tous que l'énergie géothermique est à la fois pratiquement illimitée, et respectueuse de l'environnement. En définitive, la géothermie produit… de l'eau chaude !
Autre aspect de Pixil et non des moindres : l’évaluation, via un questionnaire adressé à l'ensemble du réseau, des difficultés rencontrées au cours du projet. Ce volet contribuera à renforcer le réseau et peut-être à obtenir un soutien financier national. Les collaborateurs chargés de la commercialisation des solutions de Pixil évalueront les résultats obtenus qui guideront les prochains développements. À terme, les avancées techniques amélioreront la compétitivité de la géothermie, stimuleront l'économie régionale et feront progresser le développement durable.
Pour en savoir plus sur les ondes mécaniques et acoustiques
- Entretien avec Hélène Barucq, directrice de recherche Inria, spécialiste de la simulation numérique de la propagation des ondes sismiques.
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