SLIMMEST, action exploratoire portée par Clémence Frioux et Simon Labarthe de l’équipe-projet Pleiade se positionne aux frontières de la biologie, des mathématiques et de l’informatique et entend lever ces verrous par la combinaison de l’approximation logique et de la métamodélisation de certains modèles.
Au commencement, les microbiotes
Un microbiote… qu’est-ce que c’est ? On définit un microbiote comme l’ensemble des micro-organismes vivant dans un écosystème donné. Ces écosystèmes sont nombreux et variés tant du point de vue de leur environnement que de ceux de leur taille ou leur composition. Il existe même des microbiotes en, et sur, nous ! Prenez l’exemple de votre intestin, il s’agit là d’un écosystème peuplé de très nombreux micro-organismes qui œuvrent collectivement à la stabilité, à l’entretien et au fonctionnement d’une machinerie bien huilée ! L’intestin est une partie du tube digestif, constituant une interface entre le bol alimentaire et les cellules qui tapissent ses parois.
Les très nombreuses, en nombre et en variété, bactéries présentes dans ce tube voient leur population évoluer avec l’âge de l’individu, les variabilités de son alimentation, son état de santé, son environnement… Les rôles de ce microbiote intestinal sont multiples : il participe à la digestion évidemment, nous aidant dans l’intégration de composants essentiels à notre organisme mais assiste aussi notre système immunitaire. Bien connaitre ce microbiote, identifier les interactions et les mécanismes qui se déroulent en son sein, est donc essentiel.
Pour comprendre le fonctionnement d’un microbiote quel qu’il soit, les scientifiques sont amenés à se poser de nombreuses questions : qui est là ? Combien sont-ils ? Qu’est-ce qu’ils font ? Comment le font-ils ?
Modéliser les métabolismes
La biologie des systèmes s’intéresse beaucoup au microbiote intestinal : les enjeux de santé qui y sont liés sont en effet majeurs. À Bordeaux, Clémence Frioux, chercheuse à Inria et Simon Labarthe, chercheur à l’Inrae, tous les deux membres de l’équipe-projet Pleiade, leur consacrent leurs travaux.
Les deux scientifiques ont une approche mathématique/bio-informatique du sujet. Venant de deux horizons différents, ces deux collaborateurs manipulent des outils différents mais complémentaires. « Nous n’avions pas forcément les mêmes questions sur cette thématique scientifique », explique ainsi Clémence. C’est en échangeant sur leurs approches et leurs questionnements scientifiques qu’ils ont eu l’idée d’une nouvelle collaboration.
Pour répondre aux questions que l’on se pose sur le microbiote, il faut, dans un premier temps déterminer "qui" le compose et "dans quelle(s) quantité(s)". Ce sont aujourd’hui deux défis que la science sait plutôt bien relever. Mais lorsqu’il s’agit ensuite de déterminer qui fait quoi et comment, les choses deviennent plus compliquées. Il n’est aujourd’hui pas possible d’observer le microbiote intestinal in situ et de voir exactement ce qu’il s’y produit. Les variétés de bactéries et les interactions entre bactéries et entre variétés sont tellement nombreuses qu’il n’est pas possible de voir "en temps réel" les rouages de la machinerie.
Or, comprendre cette machinerie est important pour agir lorsqu’elle tombe en panne ! In vitro, reproduire les conditions exactes de l’environnement d’un microbiote n’est pas simple… aussi, les scientifiques utilisent-ils une autre approche : la simulation et la modélisation. L’informatique et les mathématiques viennent en renfort pour faciliter la recherche et la compréhension de ces environnements et des mécanismes qui les régissent.
Relever des défis
Leur problématique ? Les approches « classiques » pour modéliser un microbiote comportent des limites. Ces méthodes fonctionnent soit pour des modèles avec peu d’espèces de micro-organismes (mais le calcul devient beaucoup trop complexe sur des microbiotes de plusieurs centaines d’espèces), soit pour déterminer les fonctions biochimiques réalisables (mais on perd alors le suivi des dynamiques spatio-temporelles des espèces microbiennes dans le milieu).
L’objectif de cette action exploratoire, appelée SLIMMEST, est de lever ces verrous par la combinaison de l’approximation logique et par la métamodélisation de certains modèles. Un programme ambitieux pour lequel, grâce au dispositif de l’action exploratoire, ils pourront bientôt compter sur le renfort de deux contrats postdoctoraux !
« À court terme, nous aimerions produire un premier modèle de microbiote intestinal dans son environnement, en modélisant finement les mécanismes spatiaux de ce qu’il se passe dans l’intestin », explique Simon.
À plus long terme, une des ambitions est, aux côtés des biologistes, de simplifier certains microbiotes en sélectionnant les bactéries les plus impliquées et pouvoir créer un modèle in silico qui permettrait d’explorer de nombreuses hypothèses en limitant notamment le nombre d’animaux en expérimentation.
Affaire à suivre !
Membres de l'action exploratoire SLIMMEST
Clémence Frioux
Clémence est titulaire d’un doctorat en informatique réalisé à l’université de Rennes 1. Elle a ensuite effectué un postdoc au Quadram Institute Bioscience à Norwich (RU) en 2019, avant d’intégrer Inria, et l’équipe-projet Pleiade en 2020.
Simon Labarthe
Simon est chercheur à l’Inrae depuis 2014 et a intégré l’équipe-projet Pleiade en 2020. Titulaire d’un doctorat en mathématiques appliquées et calcul scientifique effectué au sein de l’équipe-projet Carmen au centre Inria Bordeaux Sud-Ouest, il a ensuite bénéficié d’une bourse Agreenskills (Marie Skłodowska-Curie Actions) au cours d’une mobilité à UC Davis en 2018-2019.