Quantifier l’incertitude pour optimiser la production électrique : Margaux Zaffran lauréate du prix L’Oréal – UNESCO 2023
Mis à jour le 27/10/2023
Les prix L'Oréal-Unesco récompensent chaque année de jeunes chercheuses talentueuses. Margaux Zaffran, doctorante au sein de l’équipe-projet PreMeDICaL de l’antenne Inria de l’université de Montpellier est l’une des lauréates du prix Jeunes Talents "Pour les femmes et la science" 2023. Elle prépare sa thèse en statistiques et mathématiques appliquées en contrat Cifre avec EDF R&D Saclay, coencadrée par Inria et l’École polytechnique, sur la prévision des prix du marché de l'électricité à court terme. Des travaux de modélisation qu’elle applique aussi dès à présent à d’autres domaines comme le diagnostic médical.
Modéliser l’incertitude à l’aide de prévisions probabilistes
Les travaux de Margaux Zaffran, ingénieure et doctorante spécialiste en statistiques, sont motivés par le besoin de prévisions précises des prix de marché de l’électricité – le prix d’échange entre les producteurs et les fournisseurs – ainsi que de prévisions probabilistes de ces prix. Par opposition à une prévision ponctuelle (par exemple le prix demain à 16h sera de 45€/MWh), une prévision probabiliste cherche à capturer l’incertitude de la quantité à prévoir (par exemple, il y a 90% de chance que le prix demain à 16h soit compris entre 40 et 50€/ MWh). Pouvoir prévoir ces prix précisément et de manière robuste c’est-à-dire à partir d’une prévision probabiliste permettrait de stabiliser la planification de la production d'énergie, et réduirait donc les émissions de carbone associées.
Verbatim
Ce qui m’a plu dans la science est la recherche de vérité et de compréhension fine. Chercher à modéliser fidèlement, sans approximations ou sans approximations incomprises, l’univers qui nous entoure.
Les enjeux principaux de ses recherches sont donc d’améliorer la stabilité du réseau électrique, notamment en augmentant la rentabilité des systèmes de stockage. Côté théorique, ses travaux cherchent à mieux quantifier l’incertitude des modèles d’apprentissage machine (machine learning) et d’intelligence artificielle afin de permettre de minimiser les risques liés à ces algorithmes "boîtes noires", quelle que soit l’application. Et à plus long terme, de développer de nouveaux outils mathématiques pour mieux modéliser l’aléatoire.
Des enjeux applicatifs variés et "d’utilité sociale"
Si l’application pratique principale des recherches actuelles de Margaux Zaffran est la prévision des prix de marché de l’électricité, les méthodes qu’elle développe ne sont pas spécifiques à cette application. On les retrouve par exemple dans le diagnostic médical ou la quantification de l'incertitude du modèle est indispensable pour éviter l'utilisation d'un modèle corrompu. Ainsi, au-delà de sa pertinence dans le domaine de la gestion de l'énergie, l'analyse de ces procédures peut s’appliquer utilement à de nombreuses autres applications du monde réel.
Verbatim
De nature curieuse, j’ai toujours aimé comprendre comment les choses fonctionnent, et s’organisent. Je me suis orientée vers les sciences assez naturellement. Je souhaitais aussi avoir un impact concret au quotidien, sur des applications d’utilité sociale. Ma définition "d’utilité sociale" est très personnelle, cela inclut les applications environnementales, énergétiques et médicales.
En effet ses derniers travaux vont être expérimentés, en collaboration avec la Traumabase, pour prévoir avec la prévision la plus fine possible si un patient traumatique, pris en charge dans une ambulance par les services d’urgence, va être victime d’un choc hémorragique ou pas, une fois transféré à l’hôpital.
Une attirance progressive vers les statistiques
Si la vocation scientifique de Margaux Zaffran s’est déclarée très tôt dans son cursus, elle s’est d’abord passionnée pour l’astrophysique et la physique des particules avant de les abandonner car elle souhaitait que ses travaux aient un impact plus direct et concret. Puis petit à petit, à travers les enseignements de ses professeurs, au fil des rencontres de Master 1 en Master 2, de stages en thèse, son appétence pour les statistiques s’est confortée progressivement et aujourd’hui elle n’a plus le moindre doute.
Verbatim
Je suis séduite par leur beauté et leurs nombreuses applications. Cette transversalité permet de découvrir de nouveaux domaines en détails : il y a besoin de statistiques partout, et de discussions poussées avec les experts des différentes applications en jeu pour pouvoir y développer des outils statistiques pertinents. Ainsi, cela permet de développer des compétences dans chaque domaine d’application que l’on explore ! C’est très enrichissant, tout en permettant d’être en renouvellement constant.
Chercheuse, un métier qui se joue collectif et dans la transmission
Margaux Zaffran a conscience que le prix Jeunes Talents lui permet de mettre en lumière son parcours. Cette Bourse lui confère un rôle de modèle pour beaucoup de jeunes filles et contribuera à briser certains biais et auto-censures inconscients. Si la vocation de chaque jeune femme n’est pas forcément la science, « je suis intimement convaincue que la part jeunes femmes faisant face à des barrières, inconscientes ou non, parmi celles aspirant à approfondir dans cette voie est considérable. Une meilleure représentativité des femmes dans la science ne peut qu’être bénéfique. À l’échelle individuelle d’abord, en confirmant des vocations et créant plus d’exemples motivants pour les jeunes femmes. À l’échelle collective enfin : la recherche avance avant tout en équipe. On a tout et tou.te.s à y gagner de la pluralité de points de vue ».
Et elle se projette pleinement dans la transmission tout en s’interrogeant sur le choix des mots, des messages ou des idées : « comment s’assurer que le message reçu par le lecteur soit celui que je souhaite réellement véhiculer ? Comment exposer ou enseigner pour capter l’attention de l’auditoire tout en étant clair et précis ? Et réciproquement, si les auteurs de cet article ont choisi cette formulation, qu’est-ce que cela implique ? »