Sylvain Lefebvre : lauréat ERC junior avec ShapeForge, un projet qui a du style

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Mis à jour le 26/03/2020
Sylvain Lefebvre fait partie des quatre candidats Inria sélectionnés dans la catégorie jeune chercheur de l'appel à projet européen ERC 2012. Son projet, baptisé ShapeForge, doit permettre de fabriquer, au sens propre, des objets ou des meubles de la vie courante à partir d’exemples, en s’inspirant de leur style.
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© Inria / Photo H. Raguet

Vous êtes un passionné de synthèse d’images. Que cherchez-vous dans ces mondes virtuels ?

J’ai toujours été fasciné par l’idée de participer à la fabrication du monde qui m’entoure, de construire des mondes virtuels, de les explorer de manière interactive. Créer des  jeux vidéo était mon hobby avant que cela n’inspire mon travail de recherche. Mon objectif a toujours été de concevoir ces mondes aussi facilement que possible, tout en produisant des images riches en détails. Jusqu’en 2010 quand j’ai rejoint l’équipe Alice à Nancy, j’améliorais les textures utilisées dans les images de synthèse : ces images qui donnent l’illusion des différents matériaux des objets, par exemple du bois ou du marbre. Plus précisément, depuis ma thèse à Inria Grenoble, au cours de mon postdoctorat chez Microsoft Research aux États-Unis, puis dans le cadre de l’équipe Reves de Sophia-Antipolis, nous développions des méthodes de « synthèse de textures à partir d’exemples ».

De quoi s’agit-il ?

Au lieu de proposer des outils pour peindre des textures, ces méthodes tirent parti d’algorithmes capables de générer des textures qui ressemblent à un échantillon donné, et de les reproduire à grande échelle. J’ai d’abord travaillé sur des textures stochastiques, comme le sont la plupart des matériaux à imiter. Depuis 2009, je me suis intéressé aux textures structurées, telles que les façades d’immeubles avec des agencements répétitifs de fenêtres, les portes avec leur dessin spécifique, les grilles de ferronnerie, etc. Ces textures, produites par les artistes des studios graphiques à partir de photos retouchées demandent des heures de travail répétitif, pour concevoir des villes entières en adaptant échelles des façades, formes des portes... Notre algorithme est capable de générer ces différentes versions à partir d’un seul exemple. Il donne déjà de bons résultats.

Comment êtes-vous passé de la texture à la géométrie ?

L’idée est simple : la géométrie est par définition structurée, comme les textures sur lesquelles je travaillais. De la même façon que nous reproduisions différentes textures structurées à partir d’exemples, j’ai eu l’idée de reproduire différentes géométries d’objets : un banc de style Louis XV à partir d’une chaise Louis XV. Avec cette synthèse d’objets à partir d’exemples, on peut s’inspirer de tout type d’objets de la vie courante, que ce soient des meubles, de la vaisselle ou même des escaliers, des rambardes… On pourra bien sûr utiliser ces méthodes de conception dans les jeux vidéo. Mais mon projet ERC est plus ambitieux. Partant du constat que les imprimantes 3D, qui se démocratisent, permettent à tout un chacun de fabriquer des objets très simplement, je veux concevoir les méthodes algorithmiques pour créer automatiquement de nouveaux objets respectant un style. Ces objets ne seront pas des décors de cinéma mais de vrais objets : on devra pouvoir les utiliser dans la vie de tous les jours.

C’est un véritable retour du monde virtuel au monde réel ?

Exactement. De plus en plus de méthodes de conception et fabrication d’objets jusqu’alors réservées aux designers professionnels deviennent disponibles pour le grand public. Ce nouveau pont entre le virtuel et le réel devrait avoir un impact important sur nos vies quotidiennes. Mon but est de créer une équipe de premier plan en Europe autour de cette thématique.

ShapeForge : un défi scientifique et algorithmique

La principale difficulté de ce projet consiste à combiner des approches de natures très différentes : les algorithmes issus de l’informatique graphique qui permettent de construire formes et textures à partir d’exemples avec des méthodes d’optimisation numérique qui devront s’assurer que l’objet réel respecte bien la fonction qu’on lui attribue. Ainsi pour fabriquer un banc Louis XV à partir d’une chaise Louis XV, il faut non seulement capturer l’apparence de l’exemple mais aussi formaliser les caractéristiques d’un banc (la surface plane de son assise, ses dimensions, la hauteur de l’assise) ainsi que ses propriétés mécaniques pour s’assurer de sa solidité. Il s’agit ensuite de trouver parmi toutes les formes que l’on peut produire à partir du seul exemple celle qui respecte au mieux les différents objectifs. Le tout suffisamment rapidement pour permettre à l’utilisateur d’interagir avec le système. Le passage du virtuel au réel est un sacré défi scientifique et algorithmique !