Comment s’est passée votre intégration dans le jury de cette première agrégation d'informatique ?
Il y a quelques semaines, l’inspection générale m’a demandé si je voulais bien présider le jury de cette agrégation d'informatique. Ça ne faisait pas du tout partie de mes plans, je n’avais jamais envisagé de prendre de telles fonctions, mais j’ai fini par accepter après avoir consulté les programmes et de nombreuses personnes impliquées.
Mon rôle, aujourd’hui, consiste à superviser l’écriture des sujets et monter un jury d’oral, sachant qu’il y a des contraintes diverses et variées dans la constitution d’un jury. La description des épreuves (la maquette) est finalisée, l’agrégation a été créée, et nous travaillons toujours sur les programmes, une version presque finalisée étant disponible.
En quoi la création de cette agrégation d'informatique est-elle une bonne chose ?
Je suis très contente que l’informatique ait enfin sa place en tant que matière car celle-ci a longtemps été considérée comme une technique, un "petit plus" enseigné par petites touches dans le cadre d’autres matières. Mais l’informatique n’est pas qu’une technologie, c’est une science avec des concepts fondamentaux pérennes.
Après de nombreuses pressions par des figures reconnues, par les ÉNS et par la SIF, les choses ont réellement commencé à bouger en 2019. Dans le cadre de la réforme du bac, un enseignement de spécialité Numérique et sciences informatiques a été proposé aux élèves qui préparent le bac général. Des professeurs, spécialisés dans d’autres matières comme les mathématiques, la physique ou la technologie, ont ainsi souhaité enseigner l’informatique en tant que matière à part entière, et ont dû se former sur le sujet. Il est important de souligner que ces professeurs ont fait un travail de titan, et ont participé à l’enseignement de l’informatique alors que ça n’était pas leur cœur de métier.
Mais cela était temporaire, et il a vite été convenu qu’il était nécessaire d’avoir de véritables informaticiennes et informaticiens pour enseigner la matière. En 2020, un CAPES d’informatique a donc été ouvert. C’était une première voie pour recruter de vrais enseignantes et enseignants en informatique.
Aujourd’hui, l’informatique s’apprête à faire son entrée dans les classes préparatoires puisque s’ouvrent à la rentrée scolaire prochaine des voies MP2I et MPI, qui sont plus focalisées sur les mathématiques et l’informatique. Les programmes sont assez importants et relativement lourds, et il faut des enseignants bien formés pour les assurer. C’est aussi pour cette raison que cette agrégation ouvre.
Cela devrait-il faciliter le recrutement de professeurs en informatique ?
Comme c’est la première session, nous n’avons pas vraiment idée du nombre de candidats qui vont se présenter.
J’espère que la transmission de nos savoirs va attirer les candidates et candidats. Il est important de recruter de bons enseignants car ce sont eux qui vont montrer la discipline aux plus jeunes. Combien d’élèves n’aiment pas une matière parce qu’ils n’aiment pas le professeur ? On se rend bien compte qu’on va aller à la recherche de personnes qui cochent beaucoup de cases, alliant théorie, pratique et pédagogie. On est ouverts à tous types de profils : université et ENS bien sûr, mais on espère avoir aussi attirer des personnes qui ont eu une carrière dans l’industrie avant.
Deux questions à : Jean-Frédéric Gerbeau, Directeur général délégué à la Science
Pourquoi la création de cette agrégation informatique est-elle une bonne nouvelle ?
Les démarches pour faire reconnaitre l'informatique comme une discipline à part entière ont démarré il y a au moins 50 ans. La création de l'agrégation d'informatique peut être vue comme l'aboutissement de ce long processus. Cela a une portée symbolique très forte compte tenu de la place particulière de ce concours dans le système français. Mais au-delà du symbole, avoir davantage d'informaticiennes et d'informaticiens qui enseignent l'informatique va très certainement démultiplier les vocations pour la discipline. On ne peut que s'en réjouir !
Quelle a été la place d'Inria pour la reconnaissance de l'informatique comme science à part entière ? Que reste-t-il à faire ?
Des scientifiques d'Inria se sont impliqués depuis plusieurs décennies dans cette démarche, au côté de collègues d'autres établissements et d'associations, comme la SIF. Avec l'introduction progressive de diverses options et spécialités, les jeunes peuvent maintenant se former à l'informatique tout au long de leur scolarité. Enfin ! Mais ce n'est pas la fin de l'histoire : il faut encourager davantage de jeunes, en particulier des jeunes filles, à s'orienter vers les sciences du numérique. L'ensemble de la communauté doit continuer à transmettre sa passion et donner envie. Inria, à la place qui est la sienne, reste donc mobilisé sur ce sujet majeur pour notre pays.