Floriane Gidel est devenue chercheuse parce qu’elle excellait en mathématiques et qu’à ses yeux, cette discipline pouvait résoudre des problèmes dans de multiples domaines. Mais elle a aussi été encouragée par son entourage familial, où des femmes entreprenaient et réussissaient dans les carrières scientifiques.
L’une de mes cousines est chercheuse, une autre médecin, une troisième directrice d’usine. Elles m’ont toujours incitée à viser le plus haut possible et ont été pour moi des exemples auxquels je pouvais m’identifier. De ce fait, l’idée que je choisissais un soi-disant "métier d’homme" ne m’a jamais traversé l’esprit.
De la modélisation mathématique pour la médecine et l’environnement
La jeune femme a connu un début de carrière solide et international. Un semestre Erasmus au Danemark, un stage de recherche en Suisse et un stage de fin d’études en Allemagne pendant son école d’ingénieurs. Puis une thèse financée par les prestigieuses Actions Marie Sklodowska-Curie, et menée entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Enfin, depuis octobre 2018, un postdoc au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest, financé par le projet NUM4SEP *.
Floriane Gidel voulait utiliser en priorité "ses" outils mathématiques au profit de la médecine et de l’environnement. Objectif atteint puisqu’elle a modélisé au fil des années la diffusion de chaleur dans les roches fracturées, les capacités pulmonaires d’un patient sous respiration artificielle et les vagues dites "scélérates" qui détruisent les plus gros bateaux en haute mer. Depuis un an, son actualité est à nouveau médicale : dans le cadre d’un projet du plan Cancer baptisé NUMEP **et dirigé par Clair Poignard (Inria), elle modélise l’impact sur les tumeurs cancéreuses d’une nouvelle thérapie, l’électroporation.
Faire de l’électroporation une technique curative
Cette technique très ciblée, peu invasive et aux effets secondaires limités permet de tuer les tumeurs en leur appliquant de courtes impulsions électriques à l’aide d’électrodes. L’électroporation est employée pour des cancers très proches d’organes vitaux, donc impossibles à opérer ou à traiter par radiothérapie.
Mais comme elle est récente, les médecins l’utilisent avec parcimonie, uniquement pour des soins palliatifs – on améliore le confort du malade, mais on ne le guérit pas.
Mon rôle est de modéliser la façon dont l’électroporation détériore la tumeur, afin d’assister le clinicien pendant l’application du traitement : choix du nombre d’électrodes, de l’intensité des impulsions électriques, etc. L’objectif à terme est d’en faire une technique curative à part entière.
Floriane Gidel s’est investie dans ce projet avec une motivation sans faille : « Mon travail de mathématicienne est mis au service d’une finalité profondément utile. De plus, je collabore avec des chercheurs d’autres disciplines, spécialistes en calcul scientifique, en radiologie et en biologie, ce qui me permet d’élargir mes connaissances. » Début septembre, elle a assisté ainsi au 3e congrès mondial sur l’électroporation. Elle y a notamment appris que des essais cliniques prometteurs étaient en cours.
« Organiser des journées de sensibilisation pour les collégiennes, lycéennes et étudiantes »
Grâce au prix Jeune Talent L’Oréal – UNESCO, assorti d’une bourse de 20 000 euros, Floriane Gidel va poursuivre son activité avec des moyens renforcés : « Je compte acquérir pour le laboratoire une machine de simulation plus puissante, recruter un stagiaire en master, participer à davantage de congrès internationaux, me rendre plus souvent en Californie où sont installés les supercalculateurs du projet… »
Autre objectif : encourager des collégiennes, des lycéennes et des étudiantes en licence à s’orienter vers des métiers scientifiques :
Je vais organiser pour elles deux journées de sensibilisation. Je veux leur expliquer que je travaille dans une équipe jeune et largement féminine, où chacun est valorisé pour ce qu’il fait, et non parce qu’il est une femme ou un homme. J’espère les convaincre qu’une mathématicienne peut s’épanouir et faire une belle carrière. Les femmes ont leur place ! Pour moi, cela ne fait pas débat.
* NUM4SEP associe des chercheurs de l’équipe projet MONC au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest et de l’université de Californie Santa Barbara, aux États-Unis.
** NUMEP associe des chercheurs de l’équipe projet MONC au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest, du CHU Jean Verdier à Bondy (Seine-Saint-Denis) et de l’IPBS à Toulouse.