Pour résoudre des problèmes complexes, mathématiciens et informaticiens doivent s’unir. C’est en partant de cette idée que PlaFRIM , la plate-forme fédérative pour la recherche en informatique et mathématiques, a vu le jour en 2009. À l’origine du projet : Inria, la région Nouvelle-Aquitaine, l’Institut de Mathématiques de Bordeaux et le LaBRI (Laboratoire bordelais de recherche en informatique).
« Il y a en France de gros centres de calculs nationaux, qui se déclinent ensuite à l’échelle régionale, détaille François Rue, responsable technique de plate-forme. Mais PlaFRIM est un outil à part, destiné à l’expérimentation, à la R&D. Elle permet de tester certaines briques logicielles sur des machines de dernière génération pour conserver leur avance, en attendant que l’ensemble du logiciel soit prêt. »
La plate-forme met ainsi à disposition de ses utilisateurs du matériel sans cesse renouvelé. « Nous ne misons pas sur la taille de nos clusters, mais sur leur diversité, précise Olivier Coulaud, responsable de la plate-forme. Notre objectif est de proposer du matériel qui permette de mettre au point les logiciels du futur, par exemple pour les machines "exascale"* qui sortiront en 2021-2022. »
La collaboration au cœur de PlaFRIM
Techniquement, l’organisation de la plate-forme n’est pas des plus compliquées. « Il faut bien sûr monter en compétence sur le matériel mais c’est un challenge motivant, convient François Rue. En revanche, faire travailler les chercheurs ensemble est plus difficile, car les collaborations dépendent du temps qu’ils ont à disposition. L’interdisciplinarité étant une habitude d’Inria, la plupart des équipes se prêtent cependant volontiers au jeu. Et comme PlaFRIM leur offre des moyens techniques pour travailler ensemble facilement, elle a fait naître une interaction forte entre les différentes équipes de recherche, une transversalité qui n’existait pas avant. » Et celle-ci est à l’origine de nombreux succès de PlaFRIM au cours des dix dernières années.
Ainsi, quatre équipes Inria, alliant mathématiciens et informaticiens bien sûr, se sont unies pour mettre au point une pile logicielle résolvant des problèmes d’algèbre linéaire, c’est-à-dire des équations très complexes. « Airbus ou encore le CEA utilisent aussi cette pile logicielle , dévoile Olivier Coulaud. Et nous-mêmes, nous la validons actuellement dans le domaine de la biodiversité, pour faire de la classification. »
Des applications infinies
Car les domaines d’application qui peuvent espérer hériter des recherches menées grâce à PlaFRIM sont très nombreux. L’équipe-projet Memphispar exemple travaillait sur la mécanique des fluides à petite échelle, mais grâce à la plate-forme elle peut aujourd’hui traiter des problèmes ayant jusqu’à 500 millions d’inconnues. Ce qui l’amène à collaborer avec l’entreprise Valorem dans le domaine des éoliennes. « L’équipe-projet Realopt, qui fait de l’optimisation, est également montée en puissance, poursuit Olivier Coulaud. Elle est l’un de nos plus gros utilisateurs avec des travaux qui vont de l’optimisation des transports à celle de la découpe de verre pour Saint-Gobain. »
Au total, environ 250 utilisateurs se connectent sur PlaFRIM chaque année, dont une trentaine sont très actifs chaque jour. PlaFRIM est ainsi ouverte à tous, des chercheurs d’Inria à travers la France aux scientifiques étrangers en passant par les autres centres de recherche nationaux, comme le CNRS. Et les communautés intéressées par l’outil ne cessent de se diversifier. « Il y a quelques années, nous nous sommes dit qu’une partie du matériel en avance de phase que nous avions à disposition pouvait servir aux quelques formations sur le calcul parallèle afin que les étudiants apprivoisent ce genre d’outils », retrace François Rue. La plate-forme s’est en outre ouverte aux entreprises, par le biais de thèses Cifre par exemple, mais aussi grâce au programme régional Snasa (Simulation numérique en Aquitaine et Sud-Atlantique) , qui vise à promouvoir le calcul auprès des PME.
10 ans de satisfaction
Et si, au moment de souffler les bougies, il s’agissait de faire le bilan de tous ces développements ? « La plate-forme a répondu aux attentes de tous les utilisateurs, qui la soutiennent sans réserve », annonce Olivier Coulaud. Les chiffres parlent d’ailleurs en faveur de l’outil : celui-ci affiche un taux moyen d’utilisation d’environ 55 % et a donné lieu à plus de 50 publications scientifiques par an entre 2013 et 2017. Une douzaine d’actions de développement technologique (qui visent à recruter un ou des ingénieurs pour développer ou consolider un logiciel) ont également vu le jour grâce à PlaFRIM .
« De plus, nous avons plusieurs cas de chercheurs nous ayant demandé d’intégrer leur matériel sur la plate-forme, sans aucune contrepartie, juste parce qu’ils savent qu’ainsi, il sera bien administré et bien suivi , renchérit François Rue. Ce type de collaboration prouve que nous avons gagné la confiance des équipes… et permet en plus à tout le monde de profiter du matériel, donc d’augmenter la connaissance et le savoir. » L’équipe de PlaFRIM va poursuivre sur sa lancée, continuer à adapter le matériel et l’ouverture de la plate-forme en fonction des besoins et des demandes. Et toujours faire cohabiter informaticiens, mathématiciens et toutes les autres communautés intéressées pour construire les logiciels et algorithmes de demain.
* Supercalculateurs capables d’effectuer un milliard de milliard d’opérations à la seconde