Les résultats sont consultables sur laboria.ai/laboria-explorer-synthese-generale
Les résultats de deux années d’investigation : points saillants
Comment l’IA transforme-t-elle les métiers et les organisations ? Quelles interactions entretiennent les personnes qui travaillent avec les systèmes d’IA ? Quels risques pour le travail sont-ils associés à la mise en œuvre sur le terrain ? Et quelles sont les conditions d’émergence d’une IA « capacitante », c’est-à-dire une IA qui vient compléter ou augmenter les compétences humaines, pour la population active et les organisations de travail ?
Les travaux du LaborIA Explorer mettent en lumière des résultats inédits sur les interactions homme-machine et les enjeux d'appropriation de l'IA dans le monde du travail.
1. Le déploiement de l’IA : un point de départ vers une transformation progressive
L’introduction de l’IA dans les organisations marque le début d'un processus continu d'apprentissage et d'adaptation. Les interactions humain-machine impliquent des périodes d'apprentissage prolongées et incertaines, et les individus doivent non seulement utiliser les systèmes intégrant de l’IA, mais aussi s'engager dans leur entretien, leur amélioration et leur supervision.
2. Un conflit de rationalité entre logique gestionnaire et logique du travail réel
Le déploiement des systèmes d’IA soulève des tensions entre la logique gestionnaire des concepteurs ou des décideurs et la logique du travail réel des salariés. Les premiers visent à optimiser les process et la productivité, tandis que les seconds s'interrogent sur la reconnaissance, l'autonomie et le sens de leur travail face à ces changements. Ce « conflit de rationalité » peut mener à des situations difficiles pour les personnes qui travaillent, s'il n'est pas résolu par un compromis entre les parties prenantes. A l'inverse, un compromis réussi peut conduire à des configurations dites « capacitantes ».
3. L'IA bouleverse l'organisation du travail et le management
L'arrivée de l'IA reconfigure les rôles professionnels, les compétences requises et le management. Les observations menées font notamment apparaître des questionnements autour du rôle de manager intermédiaire ou encore du risque de polarisation du travail. De manière réciproque, l'organisation du travail influence l'adoption et l'utilisation de l'IA. Des structures hiérarchiques et centralisées vont intégrer l’IA différemment des environnements plus autonomes.
Des dizaines de professionnels qui racontent leur quotidien avec l’IA
- « Comment surveiller que la personne ne s’est pas reposée à 100% sur l’IA et a gardé cet esprit vigilant ? »
- « C’est une super avancée, mais je ne suis pas sûr à 100% de l’outil »
- « L’IA peut nous aider à voir ce que l’œil humain n’arrive pas à percevoir »
- « Avec l’IA, tu vas pouvoir te concentrer sur ton expertise »
Des recommandations concrètes pour un dialogue social et technologique
Les conclusions du LaborIA Explorer ouvrent sur des recommandations pour outiller le dialogue social et technologique en faveur de l'intégration dite « capacitante » des systèmes d’IA dans le monde du travail :
- partir du travail réel pour penser le rôle et la place des IA ;
- garantir la co-conception des systèmes intégrant de l’IA et organiser le dialogue en continu ;
- mettre l'IA au service de la sécurisation des travailleuses et travailleurs ;
- rendre les systèmes d’IA « explicables », pour permettre aux décideurs et aux utilisateurs de comprendre leur fonctionnement et de faire confiance aux résultats créés ;
- apprendre chemin faisant. Accepter une part d'imprévisibilité dans les bouleversements produits par l'IA.
Ces recommandations ont déjà été présentées à l’ensemble des partenaires sociaux dans le cadre du Comité exécutif élargi du LaborIA, le dialogue social étant un axe central du programme.
Une approche innovante pour comprendre les situations de travail avec l’IA
Ces résultats et recommandations sont le fruit des recherches pluridisciplinaires menées via la mobilisation d’une grande diversité d'acteurs : chercheurs en sciences sociales et technologies du numérique, ingénieurs, chefs d'entreprise, représentants des syndicats et des salariés.
Une enquête par questionnaire a été réalisée auprès de décideurs d'entreprises et une série d'investigations a été conduite sur le terrain, pour observer et échanger avec les professionnels afin de décrire et qualifier les situations de travail. Ces enquêtes ont permis de recueillir les perceptions croisées des parties prenantes (décideurs, concepteurs, ingénieurs et salariés) dans différents types d'organisations (entreprises privées, administrations, établissements publics). Comment l’introduction de l’IA dans une activité ou un environnement de travail affecte-t-elle la reconnaissance, l’autonomie, les savoir-faire, les relations humaines, la responsabilité, le sentiment de surveillance ? En complément des débats sur l’automatisation potentielle des emplois, c’est bien l’expérience de travail qui est l’objet du LaborIA Explorer.
L’avenir du LaborIA : devenir le centre de ressources pour l’IA au travail
Dans son rapport publié en mars 2024 et intitulé « IA : notre ambition pour la France », la Commission de l’intelligence artificielle recommande notamment « d’investir dans l’observation, les études et la recherche sur les impacts des systèmes d’IA sur la quantité et la qualité de l’emploi » pour faire de la France un acteur majeur de la révolution technologique de l’IA. Fort des travaux de sa première phase et en tenant compte de l’évolution fulgurante de l’IA, le LaborIA va consolider son engagement pour répondre à cet objectif.
Dans les mois à venir, le LaborIA poursuivra les investigations qualitatives et quantitatives de manière sectorielle notamment dans les industries culturelles et créatives avec un focus sur l’impact de l’IA générative. En parallèle, le LaborIA s’attachera à développer des projets de recherche-action sur des problématiques transverses comme le recrutement ou l’inclusion. A terme, le LaborIA s’est donné pour ambition de devenir le centre de ressources spécialisé sur les questions de l’impact de l’IA au travail, notamment en concevant et rassemblant des ressources et méthodes pour outiller l’écosystème des politiques de l’emploi et du travail.
Jérôme Marchand-Arvier, Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle :
Face aux questionnements que pose l’intelligence artificielle, nous anticipons son déploiement afin de comprendre comment elle est amenée à accompagner les transformations de la formation, de l’emploi et du monde du travail. C’est dans cet esprit que le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, à travers la DGEFP et la DGT, collabore activement aux travaux de recherche du LaborIA.
Bruno Sportisse, PDG d’Inria :
La souveraineté numérique, c’est aussi maitriser l’impact de l’intelligence artificielle et comprendre son impact dans le monde du travail pour choisir les chemins que nous voulons emprunter. Cela donne de nouvelles responsabilités à la recherche et les premiers travaux du LaborIA montrent qu’il est essentiel d’inscrire cette démarche dans la durée et de l’ancrer sur le terrain, dans une dynamique pluridisciplinaire. En tant qu’Agence de programmes du Numérique, avec l’ensemble de nos partenaires, Inria va poursuivre son engagement et son investissement pour amplifier et consolider le travail engagé aux côtés du ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités.