À l’origine, il y a d’abord une vision artistique, celle d’Anne-Valérie Gasc dont le travail se focalise en architecture sur le processus de construction/destruction à travers différents supports, de nature à bouleverser notre appréhension de la réalité. Elle est à la recherche d’une machine de très grande taille pour disperser de la poudre de verre.
Et une rencontre improbable avec Yves Papegay, chercheur au sein de l’équipe de recherche Inria Hephaistos, spécialiste des robots parallèles à câbles qui en explique lors d’un cours à l'école d'architecture de Malaquais, le principe et l'usage : ils permettent de manipuler un objet sur de grandes dimensions en le connectant à quatre câbles dont on contrôle la longueur à l'aide de treuils.
Après discussion avec l’artiste et sa commissaire d'exposition Emmanuelle Chiappone-Piriou le projet prend forme fin 2018 sur le principe d’une installation au centre d'art contemporain Les Tanneries dans le village d'Amilly. Le but : déposer de la poudre de verre le long d'une trajectoire prédéfinie, sans aucun liant, pour construire un mur qui se déconstruit au fur et à mesure de sa construction par glissement de la poudre. Ce projet implique une réalisation rapide puisque le vernissage de l'exposition est prévu pour fin juin 2019.
Robots à câbles Marionet Crane
Pour cela les chercheurs de l’équipe-projet Hephaistos, Yves Papegay et son responsable d’équipe Jean-Pierre Merlet, réutilisent des éléments d'un de leurs robots à câble de type Marionet Crane qu'il faut toutefois adapter à la tâche et au lieu. Leur nouveau terrain de jeu : un rectangle de 21 mètres de long sur 8 mètres de large sur lequel il s’agit de disperser de la poudre de verre depuis un bidon selon une trajectoire courbe de 50 mètres de long, en continu. Le bidon est actionné par 4 câbles dont la longueur varie entre 5 et 26 mètres. Une sorte d’impression 3D selon une trajectoire définie par l’artiste avec plusieurs couches de poudre de micro billes de verre amoncelées jusqu’à former une sorte de mur jusqu’à ce que la poudre glisse et que le mur s’écoule de chaque côté et s’effrite inexorablement.
Opération reproduite cinq jours par semaine sous l’œil vigilant d’un étudiant en design présent sur place pour assure l’approvisionnement du bidon, vérifier le bon fonctionnement de l’installation et tenir un journal de bord de l’expérimentation.
Une mine de données scientifiques
L’équipe Hephaistos a réussi à travers ce projet à démontrer la faisabilité sur un temps long de l'usage d'un robot parallèle à câbles sous le contrôle d’un non-expert.
L’occasion également de tester en réel de nouveaux modes de contrôle du robot en particulier l'usage de capteurs lidar embarqués pour repérer la position du bidon dans l'espace et de recueillir des données des multiples capteurs installés sur le bidon pour déterminer l'état du système et découvrir des nouveaux modes de fonctionnement.
Ce sont ainsi plus de 700 Go de fichiers de log qui ont été recueillis dont une analyse préliminaire a montré des comportements non explicables par la théorie actuelle dans ce domaine, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives scientifiques.
Résultats chiffrés
Au global le robot a fonctionné pendant 174h18mn, soit 4h15mn/jour conditions d’utilisation qui se rapprochent de celles d’un process industriel.
Pendant 32 jours entre la mi-juillet et fin août le robot a fonctionné pendant 73h dont 45 heures à réaliser la trajectoire. Il a parcouru 4 757 mètres dont 3 893 sur la trajectoire, dispersant 1 500 kilos de poudre de verre. C'est certainement un record du monde de la distance parcourue dans de telles conditions.
En savoir plus :
- site web de l'équipe Hephaistos
- site personnel du responsable de l'équipe, Jean-Pierre Merlet
- site personnel d'Yves Papegay
- site de l'artiste Anne Valérie Gasc