Lionel Reveret est chercheur Inria au centre Grenoble Rhône-Alpes. Ses travaux de recherche portent sur différents aspects de la capture de mouvement avec des liens interdisciplinaires larges comme l'animation 3D, la biologie et la biomécanique. Aujourd’hui l'essentiel de son activité de recherche est tourné vers le sport de haut niveau, notamment avec la formidable accélération que représentent les Jeux Olympiques de Paris en 2024.
Lionel, peux-tu nous présenter ta collaboration avec TSF Voiron et notamment le Pôle Olympique France d'Escalade ?
TSF Voiron est une société coopérative et participative (SCOP) qui a pris le relais du CREPS Rhône-Alpes pour offrir des prestations d'hébergement d'athlètes de haut niveau et de mise à disposition d'équipements sportifs de pointe. Plusieurs sports sont présents et en particulier le pôle Olympique France d'Escalade. Toutes les disciplines de l'escalade y sont présentes avec un mur de difficulté de 22m, un mur de vitesse de 17m au format international et une toute nouvelle salle de bloc inaugurée en 2018.
L'originalité de cette collaboration est l’ouverture, dans les locaux de TSF Voiron , d’un espace dédié à la recherche qui permet à tout personnel, étudiants, chercheurs et ingénieurs, de venir travailler sur place, directement avec les athlètes et les entraîneurs. Sur cette base, nous avons établi une convention entre TSF Voiron , Inria, le CNRS et l'université Grenoble Alpes.
En escalade, comment la réalité virtuelle est-elle intégrée à l'entrainement ?
Pour l’escalade, on s'intéresse plus particulièrement à la réalité augmentée, c'est à dire un mélange entre la réalité et une superposition d'information pour éclairer différemment cette réalité avec le virtuel. Typiquement, nous travaillons sur l'analyse vidéo du geste sportif et nous alignons un avatar 3D de l'athlète (réalisé en laboratoire) directement sur la vidéo de la performance afin d'apporter une visualisation et une mesure objective de la posture du corps en situation réelle de performance.
Comment l’acquisition des données, notamment en escalade de vitesse, est-elle réalisée ?
Dans les conditions de l'escalade de compétition, il est impossible de déployer quotidiennement une instrumentation classique en capture de mouvement à base de marqueurs. Il y a donc un recours très régulier à la vidéo, typiquement via tablette mais aussi drones. L'analyse de la vidéo dans son ensemble est instructive mais reste subjective.
En nous appuyant sur le développement de méthodes 3D, notamment des techniques multivues, nous apportons une mesure objective d'indices biomécaniques, des chiffres qui illustrent la régularité ou une amélioration de la performance. Nous apportons ainsi à l’entraîneur un outil supplémentaire pour guider sa réflexion et lui permettre d'apporter à l'athlète un retour sur la motricité de son corps entier.
Comment les données acquises sont-elles ensuite utilisées pour améliorer les performances des athlètes ?
La mesure objective de la motricité et de la dynamique du geste se traduit par des courbes, des graphiques. C'est le premier retour qui est fait à l'entraîneur. Ensuite, tous ces chiffres ouvrent aussi la voie à un traitement statistique sur le long terme pour suivre l'état de performance de l'athlète.
En parlant de réalité augmentée, il est aussi intéressant de s'apercevoir que le type de données extraites peut être travaillé de concert avec la vidéo à travers des visualisations originales. Il y a ici un champ particulièrement intéressant que nous avons commencé à explorer avec l'INSEP et d'autres collègues d’Inria.
Pourquoi ne pas faire de l'acquisition de données en laboratoire mais sur le terrain ?
Le laboratoire permet effectivement d'accéder à des données plus précises. Nous utilisons en particulier l'infrastructure Kinovis du centre Inria Grenoble Rhône-Alpes pour développer des modèles biomécaniques, avatar 3D de l'athlète, pour quantifier les éléments de base de sa motricité. Cependant, la pratique du sport sur le terrain amène une toute autre gestuelle, au cœur de la réalité de la performance, et qui ne peut s’appréhender que sur place. En fait, laboratoire et terrain se complètent totalement : les équipements du laboratoire nous ont permis de capitaliser dans un avatar 3D le modèle biomécanique de l'athlète, qui est utilisé ensuite comme guide d'analyse des données vidéo terrain grâce aux approches permises par l'apprentissage automatique.
Y a t-il des contraintes fortes à collaborer avec des athlètes de haut niveau ?
Athlètes et entraîneurs sont soumis à un calendrier extrêmement serré, les compétitions mondiales s'enchaînent très rapidement aux quatre coins de la planète. La principale difficulté est donc la disponibilité des sportifs de haut niveau. Pour cela, un lien de confiance avancé avec l'entraîneur est essentiel pour que la communication soit très réactive et que l'on puisse s'adapter rapidement à l'agenda des compétitions et des entraînements. L'autre aspect important à observer est que le besoin de concentration des athlètes est énorme, il faut donc que toute instrumentation technique soit la plus transparente possible et qu'elle ne change pas les sensations de l'athlète. Cette contrainte de "discrétion" influe sur la manière de travailler en nous mettant encore plus au défi.
Tu participes cette année au salon SportUnlimitech, quel est pour toi l'intérêt de participer à un tel salon ?
C'est la première édition de ce salon mais le programme rassemble tout ce qui me motive : science, innovation de terrain et sport de haut niveau. J'y attends des rencontres avec tous les acteurs nationaux intéressés par cette convergence entre recherche et sport qui se développe particulièrement en ce moment.
Lionel Reveret : en route vers le sport
- Février 2019 : Collaboration de recherche avec l’Insep sur l’analyse vidéo en sport de haut-niveau ;
- Septembre 2017 : Début de la collaboration avec la Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade (FFME) ;
- Septembre 2016 : Publication d’un article « Postural regulation and motion simulation in rock climbing » dans l’ouvrage « The science of climbing and mountaineering », Routeledge ;
- Octobre 2014 : Encadrement de la thèse de Simon Courtemanche, « Analysis and Simulation of Optimal Motions in Rock Climbing ».
Voir aussi
L'intervention de Lionel Reveret lors des Journées Scientifiques