Dans un contexte de transition énergétique, le développement des bioénergies représente un enjeu stratégique pour les territoires. Lancé en septembre 2017, le projet AF Filières s’intéresse aux flux de biomasse, c’est-à-dire les matières premières ou transformées issues de la forêt ou de l’agriculture, afin d’offrir aux collectivités une vision globale et cohérente des ressources disponibles et de leurs utilisations actuelles. Jean-Yves Courtonne, postdoctorant au sein de l’équipe STEEP explique : « Prenons l’exemple d’un territoire qui se pose la question de créer de nouvelles chaufferies bois. Il va avoir besoin d’informations sur les ressources en bois disponibles localement et sur les filières qu’elles alimentent aujourd’hui (la construction, l’industrie…). Notre travail consiste à rassembler et mettre en cohérence les données dans le but de limiter les conflits d’usage dans le futur. »
Un projet né d’un travail de thèse
Le chercheur travaille déjà depuis plusieurs années sur cette méthodologie d’analyse des flux de matières. Lors de sa thèse réalisée au centre Inria de Grenoble, il s’est rapproché de l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement (AURA-EE) pour recueillir des données et voir si son travail pouvait les intéresser. « Ma thèse était surtout une preuve de faisabilité. AURA-EE s’est montré intéressé par cette approche par les flux de ressources, encore peu explorée et complémentaire aux bilans énergie/CO2. Nous avons candidaté ensemble à un appel à projet de l’ADEME avec pour objectif d’approfondir mon travail de thèse et de combler l’espace entre les questions de recherche et les réels besoins du terrain. » Ainsi, l’équipe STEEP apporte les modèles mathématiques et les outils de traitement informatique, et AURA-EE fait le lien avec les acteurs régionaux, les professionnels de l’énergie, du bois…
Des diagrammes de Sankey pour une nouvelle représentation des filières
Le projet AF Filières s’est consacré dans un premier temps à la filière bois. Le chercheur, en lien avec des expertes et experts de la filière, s’est occupé de recueillir les données existantes, de les "réconcilier", puis de représenter le résultat sous forme de diagrammes de Sankey. L’étape de "réconciliation" permet de passer de données lacunaires et incohérentes entre elles à un bilan matière cohérent grâce à un modèle mathématique. « Généralement les données sont produites et diffusées sous forme de silos : la ressource, la transformation, les imports-exports, la consommation… Le caractère innovant de nos visualisations est de faire le lien entre tous ces flux. Cela apporte un véritable plus pour comprendre comment fonctionne la filière. »
Plusieurs diagrammes ont déjà été publiés : un pour la France, et un pour chacune des treize régions. « Nous sommes partis du niveau national, car c’est à ce niveau que nous avons plus d’informations. Nous effectuons ensuite une descente d’échelle pour évaluer ce qui se passe au niveau régional. L’objectif pour le futur est de progresser vers une échelle encore plus locale, comme par exemple un Parc Naturel ou une communauté de communes. »
Pérenniser la démarche
C’est alors qu’intervient la seconde phase du projet. Depuis septembre dernier, les acteurs régionaux ou professionnels sont invités à consulter les résultats mis en ligne, à les commenter et à partager leurs propres données. L’objectif : fiabiliser le modèle en y intégrant des données de terrain. « Si une région nous donne de nouvelles informations, par exemple parce qu’elle a fait une étude plus poussée, nous pourrons l’intégrer au modèle. »
Pour pérenniser la démarche, sur la filière bois mais également sur les filières agricoles, l’équipe espère obtenir de nouveaux financements, le projet AF Filières devant se terminer en octobre 2019. Une aide d’Inria (dans le cadre d’une Action de Développement Technologique ) permettra d’ores et déjà de recruter un ingénieur pendant deux ans pour développer un outil informatique interactif de visualisation et de collecte de données locales.
En parallèle, AURA-EE travaille sur une plate-forme de "datavisualation" appelée TerriStory qui intégrera, entre autres, les connaissances acquises dans le cadre de ce projet de recherche.