Anne-Marie Kermarrec : systèmes distribués dynamiques à grande échelle
Mis à jour le 01/04/2020
« As scalable as possible » … Au-delà du jeu de mots sur le sigle anglais bien connu, l’équipe-projet ASAP a des objectifs ambitieux. Il s’agit rien de moins que de concevoir les fondements algorithmiques permettant de construire, de manière entièrement décentralisée, en prenant en compte l’ "incertitude" inhérente aux systèmes distribués contemporains, des applications distribuées à grande échelle impliquant un grand nombre de composants géographiquement distants et potentiellement mobiles. Et cela… as soon as possible bien sûr !
Au cours de ces dix dernières années les systèmes distribués ont subi un changement d’échelle considérable. Aujourd’hui, au travers de réseaux locaux (LAN) et planétaires (WAN) un très grand nombre d’ordinateurs et de micro-ordinateurs sont interconnectés dans le monde. Ce qui, en incluant les téléphones mobiles, les notebooks, les PDA et autres terminaux dotés de capacités informatiques, représente quelques dizaines de millions de machines en capacité de dialoguer par réseaux filaires, infrarouges ou hertziens interposés. Si l’on ajoute à cela l’augmentation constante du volume de données multimédia échangées à chaque instant dans le monde, on mesure la complexité qu’il y a à définir et à mettre en œuvre les protocoles capables de gérer toutes les machines d’un grand système distribué avec, en plus, un très haut niveau de performance et de fiabilité.
Avec l’émergence de systèmes dynamiques distribués à grande échelle, nous avons changé de paradigme. Il existe désormais un haut degré d’incertitude dans le fonctionnement de ces réseaux géants qu’il faut désormais prendre en compte et maîtriser et ce, de manière entièrement décentralisée. Afin de répondre à ces besoins, l’un des défis importants est de concevoir des protocoles qui permettent à un grand système distribué de s’autogérer, s’auto-organiser et s’autoréparer sans qu’aucune entité du système n'en possède une connaissance globale. Obtenir que des décisions individuelles de chaque entité, reposant sur une connaissance restreinte du système, émergent des propriétés globales représente l’un de nos défis majeurs.
Rumeurs et bactéries
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de prendre en compte les aspects théoriques et pratiques de l’informatique distribuée à large échelle.
Des analogies de fonctionnement ont été trouvées dans les protocoles épidémiques (multiplication et dissémination des bactéries) et dans le processus de propagation d’une "rumeur" au sein d’une population donnée. L’équipe-projet ASAP les a mises à profit pour montrer que, si chaque élément d’un ensemble "connaît" et transmet une information à un très petit nombre d’autres éléments choisis au hasard, l’information est diffusée de manière fiable et rapide. Cette même analogie peut être utilisée pour créer et maintenir de grands réseaux, effectuer des calculs distribués et même naviguer simplement et efficacement dans un univers distribué à large échelle. Débutées en 2006, les recherches de l’équipe-projet ASAP sont organisées selon trois thèmes : les modèles de calcul distribué, la gestion des différents types de ressources (calcul, données, événements, bande passante…), et la collecte et la propagation des données dans les réseaux de capteurs. Plus récemment, le projet Gossple a pour objectif de fournir une approche entièrement décentralisée à la navigation sur Internet, à base de protocoles épidémiques, afin d’exploiter préférences et affinités en plaçant l’utilisateur au cœur du processus de recherche.
Anne-Marie Kermarrec, lauréate de l’ERC Starting Grant “ Gossple: a radically new approach to navigating the digital information universe ”
Anne-Marie Kermarrec, Responsable de l’équipe-projet ASAP, centre Inria Rennes - Bretagne Atlantique
Depuis 2004 : directrice de recherche à l’Inria de Rennes. ASAP est une équipe-projet commune avec le CNRS, l’université Rennes I et l’INSA de Rennes. Bilocalisée à Rennes et à Saclay, elle est à l’origine d’une forte coopération avec la Vrije Universiteit d’Amsterdam dans le cadre de l’équipe associée Epi-Nets, qui mène des recherches approfondies dans le domaine des applications des réseaux épidémiques non-structurés.
2000 / 2004 : chercheuse à Microsoft Research de Cambridge (Royaume-Uni).
1997 / 1999 : maître de conférences à l’université de Rennes.
1996 / 1997 : postdoctorante à l’université Vrije d’Amsterdam (Pays-Bas).