Autisme, orthophonistes et algorithmes

Date:
Mis à jour le 27/11/2022
Une expérience peu ordinaire s'est déroulée en visioconférence quelques jours avant Noël au sein de l'équipe Stars : un événement réunissant élèves orthophonistes, cliniciens, et membres de l'équipe, dans le cadre d'un projet de recherche visant à créer des algorithmes d'aide au diagnostic des personnes atteintes d'autisme. Entretien avec Susanne Thummler, maîtresse de conférences praticienne hospitalière à Université Côte d'Azur et au centre hospitalier universitaire Lenval de Nice, accueillie au sein de l'équipe Stars depuis septembre 2020.

Un projet autour de l'autisme

L'équipe Stars d'Inria intègre ainsi un projet multidisciplinaire porté par Séverine Dubuisson, du laboratoire LIS (Laboratoire d'informatique et systèmes) de l'université Aix-Marseille, où chacun a un rôle spécifique à jouer.
 
5 partenaires réunis autour d'un projet.
  • Le LIS se penche sur l'interaction du regard ;
  • La partie développement de CobTek et le Centre Ressources Autisme (CRA) se concentrent sur la partie clinique et fournit les vidéos d'évaluation clinique ;
  • La société Wita, spécialisée dans les vidéos 3D, est en charge de l'installation, des logiciels, etc. ;
  • L'équipe Stars d'Inria pour la partie analyse du mouvement général du corps.
L'analyse des mouvements par les vidéos, un des sujets de recherche de l'équipe Stars, représente une brique importante en neurodéveloppement, et en particulier pour les personnes ayant un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme car elle permet d'évaluer le patient de manière non invasive.
 
En effet, l'outil utilisé, et de manière internationale, dénommé "ADOS" (Autism Diagnostic Observation Schedule), s'il permet une évaluation filmée de 30-60 minutes selon une procédure standardisée, ne permet pas aux cliniciens de pouvoir poser un diagnostic durant la séance. 
Une étude approfondie par un visionnage multiple d'une même vidéo est nécessaire afin de pouvoir la codifier et évaluer de manière précise la séance. 
 

Des orthophonistes "à l'écoute du regard"

Si le lien entre le projet de recherche sur l'autisme et les orthophonistes n'est pas évident au premier abord, tout devient plus clair quand Susanne Thummler nous explique comment leurs compétences et qualités particulières leur donnent l'occasion d'apporter une pierre importante à l'édifice qu'est cette étude.

En effet, ce sont des personnes qui, par leur métier, ont un grand sens de l'observation, élément indispensable et incontournable afin d'identifier chacun des détails du comportement du patient.

Il va de soi que tout a été mis en place pour cette étude afin que les règles éthiques soient respectées.

La formation à la recherche, un élément important dans le parcours 
 
Les études d'orthophonie sont désormais associé à l’Université (licence puis master) et se déroulent en cinq ans (au lieu de quatre) avec un accès à la formation à la recherche pendant les deux ans de master.
 
C'est dans ce cadre que les étudiants orthophonistes ont la possibilité d'intégrer pour quelques jours des instituts de recherche. 
Au vu de la situation sanitaire, chacun a dû s'adapter. Les étudiants ont malgré tout pu découvrir, virtuellement, une équipe de recherche par jour, dont l'équipe Stars d'Inria et participer ainsi au projet de Susanne Thummler et de l'équipe.

De l'étude de vidéos aux algorithmes

De la précision de l'étude des vidéos dépendra la qualité des algorithmes
Les étudiants ont donc pu découvrir ce travail pendant leur stage de recherche et certains intégreront le projet pour réaliser leur mémoire de master 2. Et, le plus important, leurs premières annotations réalisées lors de cette journée permettront à l’équipe Stars de bien avancer dans la mise en place des premiers algorithmes.
C'est donc un process bien défini qui est mis en place. Le temps d'étude d'une vidéo, afin de l'annoter correctement et précisément, est au moins d'un facteur 10 par rapport à la durée de celle-ci. Chaque vidéo sera analysée à plusieurs reprises avec une focalisation sur un objectif spécifique, afin d'obtenir une annotation la plus complète possible de l'évaluation.
 
Deux exemples :
  • Le regard : un autiste a la particularité de ne pas regarder l'Autre en face. Il conviendra alors, par exemple, d'identifier comment est son regard, s'il regarde longtemps, souvent, etc.
  • La gestuelle : elle permet, entre autres, d’identifier les gestes répétés et stéréotypés d’un enfant avec autisme, par exemple le "flapping" (battement des bras et des mains) ou les balancements du corps ; si ces mouvements sont présents, fréquents, prolongés, etc.

La précision des annotations des vidéos apportée par les cliniciens et spécialistes pourrait alors permettre de créer des algorithmes performants et un diagnostic de l'autisme facilité. En effet, la réduction du temps passé par le clinicien à analyser ce qui peut être automatisé lui permettrait de pouvoir se focaliser sur d'autres aspects et détails de l'évaluation du patient.

Ils peuvent aussi apporter une aide à des diagnostics :
  • pour des points qui ne peuvent pas pour l'instant être pris en compte du fait du grand nombre d'informations existantes et quelquefois imperceptibles à première vue ;
  • par une quantification des mouvements anormaux comme les stéréotypies avec une association avec la sévérité d'autisme : léger, sévère, etc.

au vu du nombre d'informations présentes dans une vidéo. On pourrait faire le parallèle avec les éléments apportés par une radio, un scanner, ou une IRM.