L'avènement du "New Space", ce mouvement marquant l'arrivée fracassante des entreprises privées dans un domaine autrefois réservé aux États, a fait entrer le secteur aérospatial dans une nouvelle ère. Depuis, le secteur est en pleine expansion, connaissant des mutations économiques et technologiques fascinantes. Les capteurs évoluent rapidement, offrant de nouvelles capacités comme l'imagerie infrarouge thermique (IRT) non refroidie et l'ultraviolet lointain. Avec l'arrivée des nanotechnologies et la nouvelle génération de "Systems on Chips" (SoCs), les satellites deviennent plus performants que jamais. Que ce soit à travers des satellites géostationnaires à haute résolution, des satellites en orbite basse de type LEO, ou des minisatellites et CubeSats industriels en constellation, les possibilités sont infinies.
Des travaux qui s’appliquent à tous les domaines de l’observation de la terre
L’action exploratoire AYANA, portée par Josiane Zerubia (Centre Inria d’Université Côte d’Azur), se positionne au cœur de cette révolution. Ce projet interdisciplinaire, qui fait appel à des connaissances en modélisation stochastique, traitement d'images, intelligence artificielle, télédétection et électronique/informatique embarquée, conçoit des programmes informatiques visant à automatiser la détection et le suivi d’objets d’intérêt, en déterminant leurs dimensions et leur orientation, et ce dans tous les domaines de l'observation de la Terre, tels que la planification urbaine, l'agriculture de précision, la gestion des catastrophes naturelles, la détection des caractéristiques géologiques, la cartographie géospatiale et l’extraction d’informations dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Les travaux d’AYANA se concentrent ainsi autour de trois grands axes :
- La détection et le suivi d'objets dans des séries d'images satellitaires à haute résolution
Financé par Bpifrance dans le cadre du contrat LiChIE, en étroite collaboration avec Airbus Défence and Space à Toulouse, ce projet de recherche a commencé en 2020 pour une durée de cinq ans. L'objectif est d'améliorer la détection et le suivi d'objets en utilisant des séries d'images satellitaires, rendant ainsi ces techniques plus efficaces et robustes pour diverses applications.
Pour ce faire, AYANA s’appuie sur de nombreuses données issues de très grandes images, aux résolutions et composantes spectrales variées. Par exemple, Airbus D&S a fourni à l’équipe AYANA des images très haute résolution et de courtes séquences vidéo prises par des drones, ainsi que des simulations de CO3D (COnstellation 3D), une nouvelle constellation de satellites prévue pour être mise en orbite en 2025. Cette constellation comportera, à son lancement, quatre satellites qui seront équipés de capteurs avancés, capables de capturer des vidéos de haute qualité avec pour objectif de réaliser une reconstruction en 3D de la Terre. La détection et le suivi des objets d’intérêt ont été réalisés grâce à des techniques combinant intelligence artificielle et modélisation stochastique.
- Comprendre et modéliser des failles sismiques
Des décennies de recherche sur les tremblements de terre n'ont pas encore permis de prédire précisément quandet où aura lieu, et quelle sera la magnitude d'un séisme. Cela limite notre capacité à prévenir ces catastrophes de manière efficace. Malgré les nombreux efforts de recherche, il existe en effet encore d'importantes différences entre les résultats des modèles actuels et le comportement réel des tremblements de terre.
Une partie des travaux de recherche d’AYANA en collaboration avec Géoazur à Sophia Antipolis est ainsi consacrée à la détection automatique de failles sismiques, essentielle pour modéliser les tremblements de terre dans le futur, grâce à des algorithmes d’apprentissage profond dont des modèles génératifs permettant de mieux comprendre les risques associés aux séismes.
- La télédétection pour répondre aux catastrophes naturelles
Le troisième axe de recherche d’AYANA, en collaboration avec le département DITEN de l’Université de Gênes, est destinée au développement de nouveaux modèles combinant des graphes probabilistes et l'apprentissage automatique pour mieux anticiper et répondre aux catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre, les inondations et les incendies. Ces modèles, qui utilisent des images satellitaires fournies par diverses agences spatiales européennes (CNES, ISA, ESA) ainsi que par l’Inrae, seront appliqués à des projets concrets de reconstruction urbaine et de reforestation après des catastrophes naturelles.