La technologie Blockchain intéresse de plus en plus les entreprises car elle leur permet, sous forme d’une structure de données certifiée et protégée des modifications, d’innover dans leurs transactions financières et contractuelles. Et déjà, grâce à sa traçabilité, sa transparence et sa fiabilité, cette technologie émergente se fait une place dans les milieux financiers et commerciaux, dans le cadre de transactions entre sociétés (le B2B, ou Business to Business).
Néanmoins, cette technologie de rupture n’est aujourd’hui pas figée, loin s’en faut ! Elle se transforme dans son contenu informatique par l’amélioration des algorithmes qu’elle utilise. Et elle est ainsi en passe d’impacter de nombreux secteurs économiques tant ses applications peuvent s’adapter à différents usages.
Une technologie qui évolue
Bitcoin, la blockchain la plus connue, a déjà ouvert la voie à d’autres cryptomonnaies mais ce n’est ni le seul "modèle" de blockchain ni sa seule possibilité d’utilisation : une blockchain peut aussi être restreinte à un petit nombre d’utilisateurs identifiés et fonctionner avec différents niveaux d’autorisations quant à "qui peut écrire dans la blockchain" et "qui peut lire quoi". Les blockchains pourraient donc bien devenir un des moyens automatiques, sans certification humaine, de créer des registres infalsifiables . Voilà de quoi intéresser des secteurs comme la finance et les assurances, mais aussi toutes les activités économiques exigeant une traçabilité irréprochable de leurs diverses transactions ou contrats, comme les produits alimentaires et médicaments, pour lesquels le consommateur est demandeur de transparence .
Accompagner par la recherche et l’enseignement
C’est pour préparer cette "révolution blockchains" que Capgemini et l'École polytechnique ont inauguré le 4 avril 2019 la chaire d’enseignement et de recherche "Blockchain & B2B Platforms", sur le campus de l'X. Elle est dédiée aux plates-formes numériques que peuvent constituer les blockchains en permettant l'échange d'informations et de valeurs entre entreprises. Elle est portée par l’informaticien Daniel Augot, directeur de recherche au centre Inria de Saclay et responsable de l’équipe Grace, et l’économiste Julien Prat , chercheur au CNRS et professeur à l’École polytechnique. Cette collaboration sur cinq années veut explorer et enseigner les différents domaines concernés par la technologie Blockchain. Et ils sont nombreux !
L’un des premiers objectifs est d’étudier et enseigner les fondamentaux informatiques que sont les algorithmes distribués et la cryptographie dans ses aspects mathématiques (théorie algorithmique des nombres et cryptographie à base de courbes elliptiques) et ses aspects informatiques, notamment la preuve formelle de la sécurité des protocoles cryptographiques. Un autre but est d’accompagner ces recherches d’études et de cours sur les notions de consensus et de preuve d’enjeux mises en œuvre dans les blockchains , ainsi que sur les aspects économiques de leur utilisation en tant que cryptomonnaies, tokens [1], ou registres permettant la traçabilité...
Une nécessaire synergie entre recherche et entreprises
En cela, l’implication de Capgemini, l’entreprise du numérique française qui est un leader mondial du conseil, des services informatiques et de la transformation numérique, est primordiale : si les entreprises ont besoin de bases scientifiques efficaces pour créer de nouvelles blockchains pour leurs activités, les chercheurs et leurs étudiants, eux, doivent connaître les usages que comptent en faire les entreprises, en interne ou en consortium, en estimant au fil du temps, "où elles en sont" de leurs projets en matière de blockchains.
Spécialiste en cryptographie appliquée aux protocoles utilisés pour les blockchains, le directeur de recherche d’Inria Daniel Augot apportera son expertise et celle de son équipe, Grace, et assurera une partie des enseignements dispensés à l’École polytechnique. « Cette chaire est pour moi l’occasion de partager mon enthousiasme pour la cryptographie. On peut la croire cantonnée à ses utilisations en chiffrement ou en signature électronique mais les blockchains lui ouvrent un avenir plein de défis : elle est un facteur clé de leur élaboration, menant et suivant à la fois les usages qui en seront faits. »
Concrètement, cela veut dire par exemple inventer les outils qui permettent de certifier l’intégrité d’une blockchain sur laquelle plusieurs personnes interviennent sans avoir accès à tout son contenu.
Avec cette chaire, l’émergence des blockchains dans les entreprises s’accompagnera d’une réflexion sur ses bonnes pratiques. Elle compte bien aussi attirer des chercheurs internationaux... et de nombreux étudiants : c’est tout un vivier de personnes capables de concevoir et développer, avec les entreprises, des blockchains qu’il faudra pour qu’elles puissent pleinement les intégrer à leurs stratégies.
La cryptographie, avec Grace
Sous la direction de Daniel Augot, l’équipe de recherche Grace (Geometry, arithmetic, algorithms, codes and encryption) est à la frontière entre mathématiques et informatique. Située à Saclay, cette unité mixte Inria / CNRS / École polytechnique se consacre à la théorie algorithmique des nombres aux mathématiques discrètes et à la cryptologie. Ces domaine de recherche, connus[1] pour être le cœur de la cryptographie à clé publique, ont déjà été l’occasion pour l’équipe Grace de travailler avec des sociétés telles que Idemia ou Nokia et d’engager des collaborations académiques internationales. Ses chercheurs trouvent dans les blockchains une application nouvelle, source de multiples défis.
Les blockchains en quelques mots
Imaginez. Chaque fois que vous envoyez une photo à une cousine, vous postez en fait tout l’album mis à jour… à la cousine et à tout le reste de la famille. Et impossible de supprimer une photo une fois qu’elle y a été collée !
La Blockchain, ou « chaîne de blocs » en français, c’est à peu près pareil. Cette technologie permet de stocker et transmettre des informations entre un groupe d’utilisateurs, de façon sécurisée et transparente, et à l’origine, dans le cas des premières cryptomonnaies comme le bitcoin , sans organe central de contrôle . Pour cela, chaque nouvel échange entre deux utilisateurs est d’abord validé, inséré dans un bloc avec contrôle d’intégrité ("hash"), puis ajouté à l’historique de tous les échanges précédents du groupe. Après un certain nombre de transactions insérées dans un bloc, celui-ci est ensuite diffusé à tous les participants du groupe. Une fois inscrite dans une blockchain, une transaction est impossible à effacer ou modifier : tout ce qui s’est passé est "figé" et reproduit en plusieurs endroits.
[1] tokens : "jetons" échangeables pouvant représenter divers éléments transactionnels (droit d’usage d’un produit ou service, actions, instruments de dette, part de fonds d’investissement ou d’immobilier, droit de vote, droit d’auteur...) et valorisés selon l’offre et la demande.