Chargé de recherche dans l’équipe-projet Cortex chez Inria Nancy – Grand-Est de 2007 à 2015, et directeur de l’équipe-projet Neurosys de 2013 à 2015, Axel Hutt – promu directeur de recherche – a quitté Nancy en 2015, pour un détachement de quatre ans au Department for Data Assimilation au Deutsche Wetterdienst, l’équivalent allemand de Météo France, afin de se familiariser avec ses modèles de simulation mathématique de systèmes complexes et les adapter ensuite à l’étude du fonctionnement cérébral. Le 1er novembre 2019, il a rejoint l’équipe Inria Mimesis dirigée par Stéphane Cotin à Strasbourg pour y poursuivre ses études pluridisciplinaires du cerveau, où se mêlent physique, mathématique, médecine, neurologie et médecine.
« Depuis ma thèse au Max Planck Institut de Leipzig en Allemagne, j’ai toujours travaillé en neurosciences, pour comprendre le fonctionnement du cerveau avec une approche à la fois mathématique et basée sur l’analyse de données cliniques », explique Axel Hutt. C’est ainsi qu’en 2011, après avoir obtenu une bourse ERC, il a étudié, au sein d’Inria Nancy – Grand-Est, comment fonctionne le cerveau pendant une anesthésie générale et ce qu’il s’y passe de particulier lorsque nous perdons connaissance.
Les signaux électromagnétiques du cerveau sous anesthésie
« En temps normal, plusieurs ondes traversent le cerveau et permettent à ses différentes aires de communiquer. Nous les avons analysées via les données d’encéphalogramme (EEG) de patients conscients ou sous anesthésie, pour mettre au point un modèle de fonctionnement cérébral qui explique les modifications des ondes. »
En effet, des signaux à 10 et 15 Hz traversent notre cerveau quand nous sommes conscients mais, sous anesthésie, celui à 10 Hz (appelé onde alpha) se renforce, celui à 15 Hz disparaît et un autre, plus lent, à 1 ou 2 Hz (appelé onde delta), apparaît. « Nous avons appliqué une approche mathématique, en modélisant les interactions entre neurones, puis nous avons comparé les signaux électromagnétiques émis par ce cerveau "théorique" à ceux enregistrés dans la réalité par les médecins sur des patients endormis. » Les chercheurs ont ainsi modélisé le fonctionnement du thalamus et du cortex, où sont produites ces ondes alpha et delta. Résultat : sous anesthésie, les différentes aires du cerveau continuent de travailler plus ou moins ‘’normalement" mais elles ne communiquent plus entre elles, ce qui explique la perte de connaissance et l’absence de ressenti de la douleur.
Les modèles de simulation météo applicables au cerveau
Après ces modélisations d’activité cérébrale mises au point par comparaison avec les mesures sur des patients, Axel Hutt explore désormais une nouvelle voie : envisager un modèle de cerveau comme on sait simuler et prévoir l’évolution de l’atmosphère en météorologie.
« Lors d’une conférence, j’avais rencontré Roland Potthast, du Deutsche Wetterdienst. J’avais alors réalisé que les méthodes de calcul utilisées pour la simulation météorologique mêlent modèles théoriques et données expérimentales… et pourraient donc tout à fait s’appliquer au cerveau, qui est finalement un système complexe assez similaire à l’atmosphère d’un point de vue mathématique », explique Axel Hutt.
En effet, des ressemblances existent entre les mesures sur lesquelles se basent les simulations pour la météorologie d’une part, et pour le fonctionnement du cerveau d’autre part. Par exemple, en météorologie, on essaie de comprendre la dynamique de l’atmosphère par des observations locales dans certains points de l’atmosphère, par des radiosondes, et par d’autres non-locales, à l’extérieur de l’atmosphère, grâce à des satellites. Or ces deux types d’observation correspondent mathématiquement aux mesures de Local Field Potentials (LFP) et d’électroencéphalogramme (EEG) en neuroscience. En 2015, Axel Hutt a donc demandé un détachement à Inria pour étudier, pendant quatre ans, les modèles de l’atmosphère utilisés au service météorologique allemand, le Wetterdienst, à Francfort.
Fort de ses nouvelles connaissances, il vient de réintégrer Inria en rejoignant l’équipe Mimesis, à Strasbourg. Il utilisera désormais cette nouvelle approche pour comprendre comment agissent les stimulations transcraniennes utilisées – avec efficacité – sur des schizophrènes pour lesquels une médication chimique reste sans effet. « Comprendre ce qui se passe dans le cerveau, comment son fonctionnement naturel peut être modifié sans utiliser de molécules est passionnant : de nombreux patients, notamment très jeunes ou âgés, souffrent de symptômes cognitifs suite à une anesthésie ou à une médication. Comprendre comment modifier temporairement le fonctionnement du cerveau de façon tout à fait réversible et en le perturbant le moins possible serait une avancée majeure.»
À Strasbourg – et particulièrement à l’IHU (Institut hospitalier universitaire) où est située l’équipe Mimesis – les innovations réduisant au maximum les suites opératoires des interventions chirurgicales sont particulièrement soutenues. C’est pour participer à cette dynamique que je tenais à rejoindre cette équipe, composée de chercheurs en simulation de données.
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