Elle assiste les ingénieurs dans la conception de moyens de transports moins polluants ou moins bruyants et aide les chercheurs à anticiper les évolutions du climat, à percer les secrets de la matière ou de l’Univers – pour ne citer que quelques exemples. La simulation numérique s’impose de nos jours comme une technique globale aux usages multiples. Faire connaître les différents aspects et enjeux de la simulation numérique à de jeunes chercheurs et chercheuses, voire à des scientifiques chevronnés : telle est l’ambition de l’école d’automne en calcul haute performance (HPC), dont la dernière édition s’est tenue à Inria Bordeaux du 4 au 8 novembre.
Une technique pluridisciplinaire
En quoi consiste la simulation numérique ? Afin de comprendre différents phénomènes physiques ou chimiques ou de prédire l’évolution de processus biologiques, démographiques ou économiques, les scientifiques disposent de modélisations, sous formes d’équations mathématiques qu’ils doivent résoudre. Une tâche des plus ardue, puisqu’à de rares exceptions près, il est impossible de réaliser les calculs à la main. L’informatique s’avère alors un précieux allié : les scientifiques y programment des algorithmes capables de trouver des solutions aux équations.
Simuler, c’est ainsi exploiter la modélisation mathématique du monde réel et la coupler avec la puissance de calcul offerte par les ordinateurs modernes. La simulation numérique mobilise des compétences variées : outre celles des sciences fondamentales ou appliquées qui l’utilisent, elle demande aussi le concours d’experts en modélisation mathématique, analyse numérique et programmation informatique.
Des équipes dédiées à la simulation numérique
Une première pour le centre, l’école d’automne en calcul haute performance (HPC) propose à ses participants de visualiser et maîtriser toute la chaîne qu’englobe la simulation numérique. Organisée avec le soutien du CEA*, elle a été conçue par Héloïse Beaugendre, maître de conférences de Bordeaux INP, Julien Diaz et Emmanuel Agullo, chargés de recherche à Inria (sites de Pau et de Bordeaux).
Au sein de l’équipe CARDAMOM, nous mettons au point des méthodes de simulation offrant une grande précision aux calculs d’écoulements de fluide (grâce à des schémas numériques dits d’ordre élevé). Nous cherchons de plus à quantifier les incertitudes qui pèsent sur le calcul afin d’en garantir la qualité.
explique Héloïse Beaugendre. Développer des schémas numériques pour des équations de propagation d’ondes est la spécialité de l’équipe MAGIQUE 3D.
Nos travaux trouvent des applications à l’étude des sous-sols, pour la recherche de gisements d’hydrocarbures ou de réservoirs géothermiques. Nous appliquons aussi nos méthodes à l’acoustique des instruments de musique ou à l’étude de l’activité solaire.
commente Julien Diaz.
Les simulations demandent de résoudre un très grand nombre d’équations, avec des dizaines de millions d’inconnues.
explique Emmanuel Agullo. En langage mathématique, il s’agit de "résoudre des systèmes linéaires" impliquant des matrices (des tableaux de nombres) de très grande taille.
L’équipe HIEPACS est à même de résoudre ce type de problèmes à l’aide d’algorithmes combinant des approches mathématiques classiques (connues des experts sous le nom de méthodes directes et itératives). Ceux-ci permettent de réaliser des calculs parallèles, afin de réduire les temps d’exécution des simulations.
De la théorie à la pratique
Les compétences complémentaires de ces trois experts et de leurs équipes apportent ainsi une vision d’ensemble de la simulation à la trentaine de participantes et participants à cette formation. Celle-ci, alternant cours théoriques et travaux pratiques, leur donne la possibilité de travailler sur des cas concrets, tout en utilisant les outils informatiques d’Inria.
Nous avons conçu la formation autour de la plate-forme de calcul PlaFRIM , sur laquelle est déployé Guix, un logiciel libre d’une part facilitant l’accès aux différents outils requis par une simulation et, d’autre part, garantissant la reproductibilité des expérimentations numériques, un enjeu important pour la maîtrise des calculs.
expliquent les chercheurs.
L’objectif pour eux est aussi de faire connaître ces outils à leurs utilisateurs potentiels, chez Inria comme chez ses partenaires (le CEA*, l’ONERA*[1], etc.), d’échanger sur des bonnes pratiques de la simulation numérique et de les partager au sein de la communauté scientifique. Celle-ci s’étendant au-delà du cercle académique, la dernière journée de la formation donne la parole à des experts venus d’Airbus, Total ou du CEA, qui présenteront des cas d’usages industriels du calcul intensif. Parmi eux, Pascal Hénon, spécialiste en simulation numérique au Centre scientifique et technique Jean Féger (CSTJF) Total à Pau depuis 2010. Anciennement chargé de recherche dans l’équipe-projet Bacchus du centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest, ce numéricien a présenté les problématiques HPC rencontrées au sein du groupe dans le domaine des géosciences. Il a donc expliqué les types de calculs réalisés sur des solveurs linéaires en matière l’imagerie sismique et de simulation de réservoirs, notamment sur le supercalculateur Pangea III en fonctionnement depuis juin 2019. Le CSTJF et l’équipe-projet Magique 3D sont particulièrement liés par le projet Deep Imaging Partnership (DIP), logiciel dédié à la production d’images de sous-sols.
Les travaux menés avec Inria nous permettent de développer une nouvelle génération d’algorithmes et de préparer ainsi le futur.
Il a fallu plus d’un an à Héloïse Beaugendre, Julien Diaz et Emmanuel Agullo, avec le soutien des équipes STORM et TADAAM, ainsi que de Ludovic Courtès, Julien Lelaurain, Gilles Marait et François Rué, experts des outils de calcul HPC d’Inria, pour mettre au point cette formation originale. La première d’une série ? « Nous envisageons de renouveler l’expérience » , indiquent les chercheurs, satisfaits du travail d’organisation accompli à ce jour. « Élaborer cette formation est aussi gratifiant qu’intéressant : elle est pour nous, comme pour l’ensemble des participants, l’occasion d’apprendre, car les techniques de simulation sont en constante évolution » . Rendez-vous est donc pris pour une nouvelle session, d’ici deux ans.
*CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ;
**ONERA : Office national d’études et de recherches aérospatiales.