Entretien avec André de Laire (équipe-projet Paradyse) et Claudio Muñoz (Université du Chili), coordinateurs de Panda, initialement publié par Inria Chile.
Comment avez-vous commencé à collaborer ?
André de Laire : Je connais Claudio depuis de nombreuses années et nous avons toujours partagé un intérêt mathématique pour des problèmes similaires, ainsi que le même type d'« outils » mathématiques. Cependant, nous n'avions jamais eu l'occasion de collaborer. C'est l'arrivée d'Olivier Goubet dans l'équipe Paradyse qui a déclenché la collaboration actuelle.
Claudio Muñoz : André et moi avons une relation forte depuis de nombreuses années. En 2019, Olivier Goubet, qui est un collaborateur commun, nous a rendu visite au Chili, et nous avons entamé une grande collaboration sur les modèles de Boussinesq. Ceux-ci permettent de décrire certains types d’écoulements de fluides, et sont utilisés notamment dans l’étude des mouvements océaniques. Puis, lors d’une visite en France en 2023, j'ai rencontré l'équipe de Paradyse. Cette visite a été extraordinaire, car elle m'a permis d'apprendre beaucoup sur la recherche appliquée et sur le management de la science.
Quels sont les travaux menés au sein de votre équipe associée ?
André de Laire : Notre objectif est d'étudier divers modèles d'équations différentielles partielles (EDP) dispersives, en nous appuyant sur des techniques d'analyse non linéaire et de simulation numérique.
Verbatim
L'application principale de ce projet concerne l'étude de la propagation des vagues à la surface des océans. Cela pourrait nous aider à mieux comprendre des phénomènes complexes tels que la propagation des tsunamis.
Coordinateur de l'équipe associée Panda, Professeur à l'Université de Lille, membre de l'équipe-projet Paradyse au Centre Inria de l'Université de Lille.
Claudio Muñoz : Les tremblements de terre sont fréquents au Chili, et les séismes violents produisent des tsunamis difficiles à modéliser en temps réel. Il s'avère que la compréhension mathématique du mouvement d'une vague de tsunami sur la côte chilienne (par exemple dans la baie de Niebla-Corral près de Valdivia) n'a pas été étudiée en détail à l'aide des mathématiques appliquées.
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En tant qu'équipe PANDA, nous avons proposé une feuille de route pour bien comprendre le mouvement d'une vague de tsunami dans une baie donnée de la côte chilienne. En particulier, nous cherchons à établir l'existence et le comportement global, d'un point de vue mathématique et numérique, des ondes solitaires dans des milieux variables, un premier pas vers une meilleure compréhension de ces ondes de tsunami non linéaires.
Professeur à l'Université du Chili, chercheur au CMM et coordinateur de l'équipe associée PANDA
Quels sont les avantages d’un projet de coopération scientifique internationale avec une équipe partenaire ?
Claudio Muñoz : Il y a plusieurs avantages : certains liés à la recherche, d'autres à la communication et à la mise en réseau avec Inria et le système de recherche français. Tout d'abord, nous bénéficions des compétences des autres équipes. Ensuite, nous avons accès à des techniques de pointe en mathématiques pures et appliquées. Enfin, nous établissons des réseaux solides avec Inria et nos homologues chiliens.
Comment les travaux des équipes française et chilienne se complètent-ils ?
André de Laire : Le principal avantage est de pouvoir aborder un problème en utilisant des points de vue très différents, mais très complémentaires. Du point de vue français, la contribution des collaborateurs chiliens est très importante en raison de leur expertise sur les problèmes que nous étudions dans Panda. De plus, l’étude des tsunamis chiliens est l'une de nos principales motivations !
Claudio Muñoz : L'équipe-projet Paradyse possède une forte capacité de recherche dans la modélisation numérique et théorique des vagues non linéaires. Au Chili, nous avons travaillé sur des modèles théoriques de fluides qui construisent des ondes solitaires irrégulières. La partie française de l'équipe Panda a rapidement développé une approche numérique pour mieux comprendre nos résultats sur l'existence d'ondes solitaires dans les modèles de fluides avec des surfaces variant lentement. C'est le point de départ d'un objectif de recherche plus profond : la compréhension des ondes réelles sur une surface variable, comme c'est souvent le cas dans les tsunamis.
Qu'est-ce que cela signifie pour vous d'avoir été sélectionné pour le programme de l'équipe partenaire d'Inria ?
André de Laire : Cela fait longtemps que je souhaite collaborer avec mes collègues chiliens. Cependant, la distance rend les choses compliquées et coûteuses. C'est pourquoi l'équipe associée est une excellente opportunité pour faciliter les visites et les discussions scientifiques. Par exemple, grâce à l'équipe associée, nous allons organiser deux workshops en 2024, l'un à Lille et l'autre à Santiago.
Claudio Muñoz : C'est une grande opportunité d’ouvrir un nouveau domaine de recherche ici au Chili. Nous pensons que beaucoup de progrès peuvent être faits dans les années à venir, avec un fort soutien d'Inria et de l'équipe Paradyse. Le partenariat avec une partie du réseau de recherche d'Inria nous permettra de disposer de plus d'outils et de techniques de recherche, et d'améliorer notre travail dans de nombreuses directions. Les jeunes chercheurs bénéficieront également de cet effort commun de collaboration, et il est prévu que de nouveaux scientifiques soient formés sur ces sujets.
Qu'est-ce qu'une équipe associée ?
Une équipe associée est un projet de recherche commun entre une équipe-projet Inria et une équipe de recherche à l'étranger. Pour une durée de trois ans, les partenaires définissent ensemble un objectif scientifique, un plan de recherche et un programme d'échanges bilatéraux. Depuis la création d'Inria Chile en 2012, 33 projets de recherche franco-chiliens dans différents domaines des sciences du numérique ont été financés par Inria dans le cadre de ce programme. Actuellement, 9 équipes associées sont à l'œuvre, impliquant les Centres Inria des universités de Bordeaux, Lille, Lorraine, Rennes, Côte d’Azur, le Centre Inria de Paris, et l'antenne Inria de l'Université de Montpellier ; et des institutions chiliennes telles que l'Université du Chili, la Pontificia Universidad Católica de Chile, l'Université de Valparaíso, l'Universidad Técnica Federico Santa María, l'Universidad Austral, l'Université de Santiago, l'Universidad Adolfo Ibáñez et l'Université d'O'Higgins.