Quel est votre domaine d'activité ?
Xavier Datin. Le savoir-faire d'I2S, issu de 40 ans d’expérience, réside dans la capture et le traitement d'image. L'imagerie est appliquée à trois segments principaux :
- la numérisation du patrimoine (scanners de livres - gamme Digibook ) ;
- la vision industrielle, avec divers systèmes de contrôle pour l'industrie (contrôle en ligne de process industriels…) ;
- la santé et le bien-être, avec des outils d'analyse cellulaire (par exemple le contrôle du développement des embryons dans la PMA), des outils portatifs de vision 2D ou 3D (par exemple pour modéliser un dentier en 3D afin de réaliser des implants).
Hussein Yahia. Notre équipe, Geostat (Géométrie statistique dans les données d'acquisition), fait du traitement de signal. Le terme signal est entendu au sens large : son, images, signaux cardiaques… Autrement dit, des signaux naturels et complexes du monde réel.
Nous travaillons en utilisant des idées avancées en physique statistique sur la notion d'échelle : comment ce qui se passe à petite échelle se traduit à grande échelle, c’est à dire comment le monde perçu s'organise à partir de ces constituants ; par exemple, la perception d'une température, concept macroscopique qui provient de la vitesse des molécules [MOU1]. La description du signal peut se faire à l'aide des outils de la physique qui sait traiter la complexité et les très grandes données.
Comment I2S et Geostat se sont-ils rapprochés ?
Xavier Datin. Le domaine de l’imagerie est source de progrès majeurs qui restent à réaliser, par exemple dans la qualité des images et les techniques de numérisation associées. Nous pouvons encore aller beaucoup plus loin dans la fidélité de l'image, et la qualité de l'information que l’on va chercher dans une image. D'où l'importance des travaux de recherches pour une société comme i2S, pour laquelle la différenciation par l’innovation technologique est déterminante. Nous voulions nous associer à un laboratoire de recherches, compétent en recherche fondamentale, et simultanément capable de se mettre à la portée d'une PME comme la nôtre et transmettre un savoir-faire. Nous avons regardé les possibilités sur Bordeaux et la région. Le choix s'est vite porté sur Inria, implanté localement, dont l’un des doctorants venait de réaliser une thèse sur un sujet lié à nos préoccupations.
Hussein Yahia. Géostat a développé des outils pour traiter des grandes données. Parmi ces outils, il y a l'analyse non convexe, c’est-à-dire l'analyse des fonctions avec un nombre énorme de variables et de formes irrégulières. Un de nos doctorants, Hicham Badri a reçu en 2015 le prix thèse de l'Association Française pour la reconnaissance et l'interprétation des formes (AFRIF) en analyse non convexe pour les images. I2S a entendu parler de ces travaux. Nous leur avons fait un exposé et ils étaient intéressés par ce travail pour l'une de leurs applications, DigiBook, car la recherche d’une très grande qualité de scans se traduit par de très fortes contraintes de calcul. Cela a débouché sur la signature d'un premier contrat de recherches en 2016.
Sur quoi porteront vos recherches ?
Xavier Datin. Nous avons décidé de mener des recherches sur les moyens algorithmiques, transposables dans nos solutions d’imagerie, d’améliorer la qualité de l’image – niveau d’information - et sa fidélité. Le projet est composé de différents thèmes : l’amélioration de 1er niveau, en particulier par rapport aux couleurs, les corrections dans l’image, la supra résolution (niveau de détail des objets à analyser), la 3D.
Hussein Yahia. Nos recherches portent sur l’utilisation de méthodes d’optimisation non convexe pour la recherche d’une qualité optimale de l’image, le filtrage (l’élimination du bruit), la HDR - High Dynamic Range (Imagerie à Grande Gamme Dynamique), la supra résolution, la reconstruction d’images 3D. Nous avons commencé par chercher à améliorer les images rapides pour les grands scanners.
Pourquoi avoir choisi l’Inria Innovation Lab comme cadre de collaboration ?
Xavier Datin. À la différence d’un contrat de recherche limité dans le temps et portant sur un projet particulier, l’Inria Innovation Lab est conçu comme un véritable laboratoire commun. Chez I2S, nous avons deux équipes de recherche & développement : une équipe Innovation – le R de R&D - pour les nouveaux concepts et le développement de nos compétences, et une équipe Opérations pour développer des nouveaux produits – le D. L’équipe-projet Inria travaille en amont avec notre équipe Innovation pour enrichir notre capacité à créer de la recherche de haut niveau. Nous pouvons ainsi aller de la recherche fondamentale à la recherche très appliquée pour l’exploiter ensuite dans des produits, lever les barrières technologiques tout en parlant le même langage.
Hussein Yahia . L’Inria Innovation Lab engage une collaboration resserrée autour de sujets de recherche communs, sans limitation dans le temps. Cela suppose une vraie relation de confiance. L’activité du laboratoire recouvre divers aspects : par exemple, du transfert d’algorithmes pour améliorer les capacités des scanners ; des problèmes plus difficiles dans le domaine de la super résolution, de l’intelligence artificielle, qui donneront lieu plus tard à des transferts.
Quelle première perspective vous donne l’Inria Innovation Lab ?
Xavier Datin. Nous avons déjà des perspectives de concrétisation de nos travaux dans l’Inria Innovation La b pour notre activité de numérisation du patrimoine. Dans ce domaine, nous comptons continuer à jouer un rôle majeur dans l’élaboration des normes autour de la qualité d’image, comme nous l’avons déjà fait avec la norme Iso 19264. Aujourd’hui, le marché des scanners de livres haut de gamme est dominé par un concurrent allemand et nous-mêmes. Notre ambition est d’être le leader de ce marché, avec notamment une spécialité sur le scanner de livre grand format et nous avons bon espoir d’y parvenir avec les travaux que nous menons avec nos partenaires d’Inria dans l’Innovation Lab.
Hussein Yahia. Ce laboratoire nous permet de travailler sur des cas concrets qui nous intéressent. Par exemple, dans le domaine du Deep learning. Cela créé aussi des passerelles avec d’autres domaines scientifiques, car la recherche appliquée autour du signal est très interconnectée avec diverses disciplines comme la biologie, l’astronomie…
Initié en 2010 par Inria, Inria Innovation Lab (ex I-Lab) est un dispositif cherchant à favoriser le transfert de technologie vers les PME. L’idée est d’associer dans un laboratoire conjoint une équipe-projet Inria et une PME partenaire. Les deux entités définissent un programme de travail commun d'une durée de deux à trois ans sous une gouvernance commune. À terme, la capacité d'innovation de ces PME doit s’en trouver confortée, avec une augmentation de recrutements en R&D, et de transferts de technologies vers le secteur du commerce.