Deux technologies Inria se combinent habilement pour donner à Imatag son avance sur tout concurrent. Tout d'abord : un système de tatouage invisible et robuste qui permet d'insérer des métadonnées résistant à toutes les altérations et recadrages. Ensuite : un outil très puissant de recherche d'images similaires. Grâce à cela, l'entreprise peut informer les photographes et les gestionnaires de droits de toute utilisation de contenu protégé, y compris donc des éventuelles atteintes au copyright.
“Actuellement, notre robot indexe 70 millions d'images par jour, témoigne Mathieu Desoubeaux, PDG. Notre base de données compte déjà 5 milliards d'images trouvées sur Internet, dont 500 millions qui sont créditées d'une façon ou d'une autre. Nous allons continuer à faire grandir cette base car notre technologie passe très facilement à l'échelle.” Les photographes peuvent accéder à ce service via une plate-forme web. Abonnement à partir de 15 € par mois pour 1000 photos. “Une fois leurs images taguées, les auteurs reçoivent une alerte mail à chaque fois qu'une de leurs photos est publiée sur le web.”
Traquer les fuites
Outre les photographes individuels, l'entreprise s'adresse surtout aux agences photos et aux grands comptes. “Nous sommes, par exemple, partenaires en marque blanche de Wedia, le leader en gestion d'actifs numériques qui compte parmi ses clients des gens comme Coca Cola.” Typiquement, les grandes marques recourent à l'outil pour repérer et pister d'éventuelles fuites de photos avant la sortie officielle de nouveaux produits: “le dernier smartphone, la prochaine concept car, les maillots de foot et que-sais-je encore.” Positionnée sur un marché à l'échelle mondiale, Imatag a recruté récemment un responsable des ventes à New York pour couvrir l'Amérique du Nord. “Nous discutons actuellement avec plusieurs grands noms. Nous aurons de bonnes nouvelles à annoncer en fin d'année.”
Des bonnes nouvelles, il en arrive aussi de Strasbourg. Le 26 mars dernier, le Parlement européen a voté une loi sur le droit d'auteur qui fait couler beaucoup d'encre. Point clé du texte : l'obligation dorénavant pour les plates-formes en ligne de rémunérer les éditeurs quand elles agrègent du contenu externe ou l'utilisent d'une façon ou d'une autre. “Pour nous, cette décision ne pouvait pas mieux tomber car nous avons une solution robuste qui permettra aux éditeurs de surveiller comment leurs contenus sont utilisés sur le Web. Du même coup, notre outil va intéresser aussi... les plates-formes internet. La nouvelle loi les obligeant à rémunérer les créateurs de contenu, elles vont donc avoir besoin d'identifier les contenus qu'elles utilisent afin de pouvoir ensuite payer les éditeurs et les auteurs.”
Au passage, certaines de ces plates-formes pourraient aussi avoir à se pencher sur l'utilisation illégale par d'autres sites des données qu'elles hébergent. “Nous avons réalisé une étude montrant que des clones d'Instagram prolifèrent. Ces sites utilisent les photos des gens pour gagner de l'argent en vendant de la publicité. Le tout sans jamais partager les bénéfices.”
Fact-Checking
Autre sujet d'actualité qui nourrit l'intérêt pour Imatag : les fake news. “Dans le fond, les gens ne font plus confiance aux médias. Les images peuvent être trafiquées ou utilisées en dehors de leur contexte en supprimant la légende et les métadonnées. Les articles peuvent être repris et modifiés pour leur faire dire n'importe quoi. D'où la nécessité croissante de vérifier les faits. De plus en plus d'organismes de presse investissent donc dans le fact-checking. Et il se trouve que notre logiciel s'y prête parfaitement. Non seulement il assure un marquage robuste, mais en plus il préserve toutes les métadonnées relatives à un document. Par exemple le nom de l'auteur ou la légende d'origine qui fournit tous les éléments de contexte sur une prise de vue. Grâce à Imatag, les fact-checkers peuvent instantanément retrouver une image ou une information comme elle a été publiée la première fois, et retracer toutes les manipulations ultérieures.”
Alliance stratégique avec EDD
Dans le domaine, Imatag travaille étroitement avec son principal investisseur : EDD, le leader français de la veille médias. Ce groupe a investi 1,3 M€ en deux montées successives au capital. “C'est d'abord une alliance stratégique. Ils utilisent notre technologie pour marquer leur catalogue de coupures de presses converties en fichiers PDF. Par ailleurs, nous travaillons ensemble sur un service qui s'appuiera sur leurs 30 ans d'archives de presse et permettra aux fact-checkers d'accéder à des chronologies pour des contenus, y compris textuels, qui font leur apparition sur Internet. Nous sommes capables de dire précisément quand une information a été mentionnée pour la première fois, sur quel support, etc. C'est un outil super puissant. Il permet d'authentifier, de certifier l'information” et de répondre aux attentes d'une époque traversée par le soupçon.
Fort ADN Inria
Imatag possède “un fort ADN Inria” et conserve des liens étroits avec l'institut. “Le scientifique Teddy Furon est l'un des cofondateurs de l'entreprise. Nous venons aussi de recruter un postdoctorant qui provient du laboratoire. Par ailleurs, Imatag et l'équipe Linkmedia sont également partenaires d'un nouveau projet de recherche sur l'IA sur téléphone mobile.”