Sur quoi portent vos travaux ?
Mes recherches actuelles sont le fruit d’un long processus, commencé en 1986. J’étais parti d’un constat simple : les robots industriels classiques, comme par exemple les bras mécaniques, manquaient de précision et ne pouvaient pas soulever de charges lourdes. Je me suis donc attaqué au développement d’une solution alternative : une plate-forme robotisée, en contact avec le sol via six bras, capables uniquement de s’allonger ou de se raccourcir. Si la précision et la puissance étaient bien au rendez-vous, les calculs nécessaires pour le pilotage d’une telle machine s’avéraient être d’une complexité redoutable. Vingt ans d’efforts ont été nécessaires pour que de telles plate-formes puissent être déployées avec succès dans l’industrie. À titre d’exemple, elles sont capables de remplir une boîte de quarante chocolats en moins de deux secondes.
Avec votre équipe, vous avez pris une nouvelle direction dans vos recherches…
Effectivement, en parallèle de mes travaux dédiés au monde de l’industrie, j’ai mené une réflexion sur le développement de plate-formes robotisées destinées aux personnes âgées et handicapées. Je souhaitais pouvoir les aider à garder une certaine autonomie, en les aidant notamment à passer de la station couchée ou assise à debout. Pour moi l’avenir de la robotique passe par les services à la personne, l’équipe Hephaistos est d’ailleurs le fruit de cette réflexion.
Pour des raisons d’encombrement, nous avons fait le choix d’utiliser des câbles pour relier la plate-forme, par exemple un harnais, à un support fixé au plafond. Seulement, nous avons vite réalisé que la littérature scientifique sur ce sujet était très incomplète. Un câble supporte très bien une traction, mais devient inutile lorsqu’il subit une force de pression. Dans un système comprenant plusieurs câbles, il est alors très difficile de connaître leur état. Après plusieurs années d’étude, nous sommes désormais capables d’identifier les points de dysfonctionnement et de trouver des stratégies pour les contourner. Nous entrons désormais dans une phase d’expérimentation avec des mannequins.
Que représente cette reconnaissance de la part de l’IEEE ?
Il y a une vraie satisfaction à être reconnu par ses pairs. Cette association internationale n’élève que quelques membres par an au grade de Fellow. Le processus de sélection est sévère et vient récompenser de nombreuses années de travail. Contrairement à ce qui peut parfois se pratiquer dans le milieu de la recherche, j’ai fait le choix de me consacrer sur de très longues durées à mes projets, afin d’en explorer toutes les facettes et de proposer une solution véritablement aboutie. Et j’ai encore du travail pour les vingt prochaines années !
* Institute of Electrical and Electronics Engineers