Santé - Médecine personnalisée

La simulation numérique au service de la chirurgie

Date:
Mis à jour le 08/04/2021
Construit autour de la collaboration entre chercheurs et chercheuses en biodynamique des fluides, spécialistes de la modélisation mathématique et médecins, l’équipe Reo s’est achevée fin 2018. L’occasion de revenir sur les travaux en lien avec les maladies cardiaques congénitales et la chirurgie du foie qu’Irène Vignon-Clémentel, directrice de recherche à Inria de Paris, a menés pendant plus de douze ans au sein de cette équipe pluridisciplinaire.
L'équipe-projet REO
© Inria / Photo C. Morel

 

Comprendre et prédire l’impact d’un acte chirurgical à partir de modèles mathématiques et de simulations numériques capables de reproduire avec précision l’impact de l’intervention sur le système cardiovasculaire. Tel est l’objectif que s’est fixé Irène Vignon-Clémentel en intégrant l’équipe Reo en 2006.

C’est à l’issue d’une thèse en ingénierie mécanique, décrochée au sein de la prestigieuse université américaine de Stanford, que la scientifique décide de rejoindre l’équipe-projet du centre Inria de Paris. Depuis lors, cette spécialiste de la dynamique des fluides biologiques a su nouer de fructueuses collaborations avec d’autres équipes d’Inria et des laboratoires étrangers de biomécanique aux compétences complémentaires. Plusieurs cardiologues et chirurgiens ouverts aux méthodes de modélisation numérique ont également engagé des partenariats avec son équipe.

Les projets scientifiques que je mène autour de ces thématiques ont toujours comme point de départ le questionnement d’un médecin autour d’une pratique chirurgicale quant à ses potentiels effets sur le système vasculaire.

Irene Vignon-Clémentel
© Inria / Photo G. Scagnelli

Dans le cadre d’une coopération entamée durant sa thèse avec le professeur Jeffrey Feinstein, cardiologue interventionnel à l’hôpital pour enfants Lucile Packard de Stanford, Irène s’est tout d’abord intéressée à la pathologie du ventricule unique. Cette malformation congénitale, caractérisée par la présence d’une seule cavité ventriculaire, nécessite plusieurs interventions chirurgicales précoces pour rétablir le fonctionnement de la circulation sanguine du nouveau-né. « En combinant des données physiologiques collectées auprès de jeunes patients à des modèles mathématiques nous sommes parvenus à simuler l’écoulement du sang dans les gros vaisseaux, détaille la chercheuse. Bien que la question de la validation de nos prédictions reste complexe, elles démontrent toutefois qu’il était possible d’anticiper les changements de pression artérielle ou veineuse dus à l’opération.»

Améliorer le design d’un implant cardiaque

La tétralogie de Fallot représente environ 10% des malformations cardiaques congénitales. Pour soigner cette maladie qui évolue souvent vers une défaillance de la valve pulmonaire et un élargissement de la voie d’éjection du sang au niveau du ventricule droit, le professeur Younes Boudjemline, alors cardiologue interventionnel à l’hôpital Necker-Enfants malades, a imaginé un dispositif médical novateur.

Celui-ci combine un réducteur de l’artère pulmonaire au départ du ventricule droit avec l’installation d’une valve au sein de ce même réducteur. Face au risque de diminution de la pression artérielle associé à cette stratégie interventionnelle, le professeur Boujemline s’est adressé à Irène et son équipe pour qu’ils étudient le design de l’implant dans le but d’anticiper les différents risques associés à son installation chez le patient : « À partir de modèles numériques, nous avons établi qu’il était préférable de procéder à la réduction de l’artère pulmonaire et à l’installation de l’implant de manière simultanée, explique la chercheuse. Nos simulations ont en outre montré que si l’implant glissait cela se produirait à contre-courant de l’écoulement sanguin, ce qui peut influencer la manière dont le cardiologue doit ancrer l’implant.»

Un nouveau champ d’investigation passionnant

Depuis 2012, Irène Vignon-Clémentel a également mis en place une thématique de recherche autour de la chirurgie du foie en lien avec l’équipe du Professeur Eric Vibert, chirurgien hépatique à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif. L’objectif de ce nouveau champ d’investigation : comprendre l’effet de l’ablation partielle du foie, utilisée dans le traitement de pathologies comme la cirrhose ou le cancer du foie, sur la vascularisation et la fonction de cet organe.

À l’heure actuelle, cette chirurgie s’appuie essentiellement sur des critères empiriques, comme le fait de devoir conserver un volume de foie minimal correspondant à environ 0,4% de celui de la personne opérée. Le nouvel axe de recherche d’Irène Vignon-Clémentel vise à prédire les changements de pression et de débit sanguin dans cet organe richement vascularisé qu’est le foie selon le plan de chirurgie envisagé.

Engagés dans le cadre d’un projet ANR, ces travaux vont se poursuivre au sein de la nouvelle équipe-projet Inria que la chercheuse est en train de mettre sur pied.

« En utilisant les données préopératoires de patients souffrant d’une cirrhose ou d’un cancer du foie et en les couplant à des outils mathématiques […], son ablation partielle pourrait ainsi être réalisée en tenant compte des caractéristiques physiologiques de chaque patient, expose-t-elle. Bien que ce nouvel axe de recherche m’oblige à sortir des sentiers battus, il n’en demeure pas moins passionnant. »