Commune à l’université de Bordeaux, au CNRS et à Bordeaux INP (établissement public fédérant huit écoles d’ingénieurs de Nouvelle-Aquitaine), RealOpt compte une quinzaine de personnes : huit chercheurs et chercheuses permanents, et des membres ponctuels : doctorants ou postdoctorants. Tous manient aussi bien les modèles mathématiques que les outils algorithmiques. « C’est notre ADN, explique François Clautiaux, le nouveau responsable de l’équipe. Nous mêlons mathématiques et informatique. Et nous sommes à cheval entre la recherche fondamentale – la science pure – et les entreprises. »
Des centrales nucléaires aux lignes TER
RealOpt pratique l’optimisation combinatoire : branche des mathématiques cherchant à optimiser les différents paramètres pour une situation donnée, afin de déterminer les choix les plus adaptés. François Clautiaux détaille : « Le choix que souhaite opérer une entreprise est souvent lié à un coût – financier, légal, social, environnemental, comme le taux d’émissions de CO2, ou encore la qualité de service, une mesure de satisfaction… – qu’elle cherche à minimiser ou à maximiser.
Notre objectif est de concevoir un programme informatique qui va permettre à l'entreprise de faire les meilleurs choix possibles.
Qui lui donne des solutions de qualité, dans un temps de calcul raisonnable : pas question que le programme tourne pendant des semaines pour livrer une réponse ! »
L’équipe est régulièrement sollicitée, par des industriels comme des PME. Souvent pour des problèmes de tournées de véhicules, l’un des plus gros enjeux actuels en optimisation, sur lequel RealOpt obtient aujourd’hui parmi les meilleurs résultats à l’échelle internationale. En ce moment, les chercheurs travaillent avec EDF sur la programmation de l’arrêt des centrales nucléaires pour les maintenances et la SNCF sur la gestion des lignes TER.
Un défi : s’adapter aux environnements changeants
Entre papier-crayon et ordinateur, entre réflexion mathématique, algorithmique et développement informatique, la modélisation comprend plusieurs étapes : d’abord, identifier les leviers de décision propres à chaque entreprise, ses contraintes et, donc, ses coûts. Ensuite, concevoir des algorithmes sur mesure. Outil de prédilection de l’équipe : la programmation linéaire en nombre entier, qui permet d’aborder un haut niveau de complexité avec une marge d’incertitude extrêmement réduite.
L’un des enjeux importants est d’identifier les variables, les facteurs extérieurs susceptibles d’évoluer. Cela peut être le nombre de voyageurs, la consommation d’énergie, le scénario de développement des énergies renouvelables, les écarts maximums de température… « S’adapter à des environnements changeants est aujourd’hui l’un des principaux défis en optimisation, souligne François Clautiaux. Il s’agit de trouver des solutions robustes qui résistent aux aléas, c’est-à-dire capables de prendre en compte l’incertitude et les variations de paramètres dans les décisions. »
Stimuler les échanges en dehors du labo
L’équipe bordelaise est un membre actif de la dynamique communauté de l’optimisation combinatoire : un secteur marqué par une forte compétition, mais qui favorise le partage de connaissances et les échanges. Le rendez-vous phare des chercheurs en optimisation mathématique, c’est le congrès international triennal ISMP , où se retrouvent plus de 2000 experts de niveau international. La session 2018 a été organisée par RealOpt à Bordeaux. « Ce type d’événement nous permet de confronter nos idées, de nous rencontrer, de recruter ou mettre en place des échanges… Un de nos chercheurs a pu passer un an à Rio pour travailler sur les problèmes de tournées. » François Clautiaux est également coorganisateur(1) de la deuxième Journée Aquitaine « IA, RO et data science », ce 7 février : 300 acteurs issus d’entreprises du numérique et de laboratoires de recherche régionaux sont à Talence pour discuter optimisation, intelligence artificielle et apprentissage automatique.
(1) Avec la ROADEF (Société de recherche opérationnelle et d'aide à la décision française), l'AMIES (Agence pour les mathématiques en interaction avec l'entreprise et la société), Kedge Business School, Bordeaux Data Science et The Data Factory.
François Clautiaux, de Compiègne à Bordeaux
François Clautiaux a obtenu sa thèse à l’université de Technologie de Compiègne, un postdoctorat à l’université de Braga (Portugal), puis il devient maître de conférences à l’université de Lille, au Laboratoire d’informatique fondamentale de Lille et membre de l’équipe Inria Dolphin. C’est en 2013 qu’il intègre l’université de Bordeaux comme professeur à l’Institut de Mathématiques de Bordeaux (IMB) et membre de RealOpt, dont il est responsable depuis la fin 2018. Il est également secrétaire de la Société savante française de recherche opérationnelle et d'aide à la décision (ROADEF).