Communiquer et échanger des informations ou des objets plus rapidement, produire et distribuer de l’énergie plus efficacement, proposer de nouveaux services ciblés sur les besoins de chacun : le numérique bouleverse de nombreux secteurs d’activité et leur offre de prometteuses perspectives d’innovation et de développement. Cachés derrière les algorithmes et les lignes de code que l’informatique et le numérique mettent en œuvre, les logiciels et les langages de programmation sont les éléments incontournables de cette transformation numérique. C’est le cas de Pharo, présenté en juillet dernier à plus de 80 participants lors d’une masterclass organisée conjointement par Inria Academy et Inria Chile (voir encadré). Animée par Stéphane Ducasse, directeur de recherche en informatique et responsable de l’équipe Rmod, elle a mis en lumière les qualités de l’outil, illustrées par des usages concrets.
Pharo, un langage évolutif et polyvalent
Pharo est né des travaux de l’informaticien américain Alan Kay, lauréat du prix Turing[1] en 2003, et est développé depuis 2008 par les chercheurs de Rmod[2] à Inria Lille Nord-Europe.
Regroupant une douzaine de chercheurs, l’équipe-projet se consacre au développement d’outils et de langages de programmation orientée objet, dont Pharo, et à la conception de systèmes informatiques évolutifs, c’est-à-dire capables de s’automodifier, afin, par exemple, d’améliorer eux-mêmes leurs performances de sûreté ou de longévité. « Pharo permet de développer des systèmes informatiques très complexes et durables, comme ceux utilisés en téléphonie, pour le prototypage d'interfaces à destination d’avions et de sous-marins, ou encore des outils de suivi de véhicules, explique Stéphane Ducasse. Plébiscité par ses utilisateurs pour sa simplicité, sa flexibilité et sa polyvalence, il est adopté par une large communauté de chercheurs, issus d’une quarantaine d’universités dans le monde et autant d’entreprises internationales, dont Thales en France. »
Autour de Pharo se structure ainsi une communauté de plus d’une dizaine de milliers d’utilisateurs, qu’a rejoint à l’été 2020 un laboratoire de la NASA[3]. Devant ce succès, Inria et ses partenaires, laboratoires ou entreprises, ont créé avec succès un consortium afin d’orienter et financer les futurs développements de l’outil.
L’open source made in Inria
« Pharo est l’un des nombreux logiciels en open source développés par Inria, commente David Simplot, chargé de mission formation continue auprès du PDG de l’institut. Le catalogue de l’institut compte à ce jour plus 1 500 logiciels… et s’enrichit chaque année de près d’une centaine de nouvelles références ! »
Les outils open source, ou logiciels libres, s’adressent à la fois aux chercheurs académiques et aux ingénieurs du monde de l’industrie, et trouvent des applications dans des domaines très variés. Leur utilisation à des fins de recherche est libre de droits, mais ils sont aussi accessibles aux développeurs industriels à des coûts d’exploitation moindres que ceux des logiciels édités par les géants du numérique. Partagés par une large communauté scientifique, ils sont également conçus pour intégrer leurs innovations ce qui les rend polyvalents.
« Favoriser et accélérer la diffusion de ces logiciels dans les entreprises françaises et européennes constitue l’un des axes stratégiques d’Inria, expose David Simplot. Il s’agit d’un levier puissant pour favoriser l’innovation de nombreuses entreprises nationales et développer la souveraineté numérique française. Pour nos partenaires, utiliser un logiciel open source et made in Inria, c’est l’assurance d’exploiter les meilleures technologies et de bénéficier de l’expertise de nos chercheurs, afin de se former et d’imaginer avec eux les nouveaux usages de ces outils. »
Un développement international
Cette politique volontariste s’illustre avec la création d’Inria Academy. Née en novembre 2019, cette entité a l’objectif de développer et d’accompagner grands groupes et PME du numérique, notamment en organisant des masterclass et sessions de formation aux logiciels Inria. Pharo compte parmi les quatre outils retenus cette année pour accompagner cette stratégie. Ainsi, la masterclass sera suivie de formations à destination d’un public plus restreint et plus opérationnel (ingénieurs, développeurs, etc.), catégorisé en débutants, avancés et experts. Le succès de l’événement n’est qu’un début : « Nous comptons multiplier ce type d’actions, tout en les élargissant, indique David Simplot. D’ici fin 2022, dix logiciels supplémentaires seront concernés, et les sessions seront ouvertes à une plus grande audience, en particulier internationale. »
[1] Équivalent de la médaille Fields pour les mathématiques, le prix Turing, en hommage à Alan Turing (1912-1954), pionnier de l’informatique, est attribué à un chercheur proposant une contribution technique et scientifique majeure dans ce domaine.
[2] Rmod est une équipe commune à Inria Lille-Nord Europe, au CNRS et au laboratoire Cristal (université de Lille).
[3] Le Jet Propulsion Laboratory, expert des technologies de lanceurs et des missions d’exploration spatiales.
La concrétisation d’une coopération scientifique internationale
Sous l’impulsion des gouvernements français et chilien afin de soutenir les entreprises du pays dans le développement des technologies numériques (informatique, intelligence artificielle, simulation numérique, objets connectés), Inria Chile voit le jour en 2010. Liée au monde académique chilien, elle accueille régulièrement des scientifiques français. Les chercheurs d’Inria Chile ont participé en nombre à la masterclass Pharo, preuve que l’outil structure une communauté sur tous les continents !
En savoir plus
- « Inria accompagne la transformation numérique par la formation aux technologies open source », Nicolas Deguerry, Centre Inffo, 9 septembre 2020
- « Inria Academy : une formation de très haut niveau assurée par les créateurs des logiciels », Jean-Pierre Largillet, Webtime médias, 11 septembre 2020