En décembre 2015, les chefs d’État du monde entier se réunissaient à Paris pour la COP21 et prenaient ensemble une série d’engagements pour limiter la hausse des températures de la planète à 2°C. Car si aucune action drastique ne devait être menée, nous pourrions nous acheminer vers une hausse des températures de 3 à 5°C d’ici la fin du siècle, avec des conséquences catastrophiques sur l’ensemble de la Terre.
Derrière ces prévisions : des modélisations climatologiques complexes, portées par des méthodes de calcul haute performance (HPC). La recherche bordelaise contribue à de nombreuses innovations dans ce domaine, qui a comme pour la climatologie, des applications dans la plupart des secteurs économiques et scientifiques.
Un écosystème régional favorable
Jean Roman, aujourd’hui adjoint au directeur général délégué à la science d’Inria, en charge du domaine "Mathématiques appliquées, calcul et simulation", s’est beaucoup impliqué dans le HPC en France et dans la reconnaissance des "sciences computationnelles". Le contexte industriel et scientifique de Bordeaux en faisait une région particulièrement pertinente pour l’implantation d’équipes de recherche dans ce domaine.
« Il y a toujours eu une culture du calcul très importante à Bordeaux, notamment dans le domaine de la chimie et de la physique. Nous avons donc monté dès les années quatre-vingt-dix des collaborations entre informaticiens et mathématiciens appliqués pour développer localement le HPC. À l’époque, le calcul haute performance était tiré essentiellement par les applications », explique Jean Roman, et les équipes de recherche ont bénéficié des sauts technologiques avec l’arrivée des premiers supercalculateurs parallèles. Besoins applicatifs et capacités technologiques se sont alors conjugués pour faire croître rapidement la recherche en calcul haute performance.
Sept équipes de recherche à Bordeaux
L’arrivée d’Inria et de son modèle de fonctionnement par équipes-projets pluridisciplinaires accélère encore le développement de ce secteur. Aujourd’hui, il est stratégique pour Inria, en particulier à Bordeaux. Trois équipes de recherche - HiepACS, Storm et Tadaam - sont communes avec le LaBRI et travaillent sur l'informatique du HPC, alors que deux - Cardamom et Memphis - sont communes avec l'IMB et deux - Cagire et Magique 3D - avec le LMAP à Pau et s'intéressent à la modélisation mathématique de phénomènes complexes en vraie grandeur.
Aujourd’hui, un très grand nombre de secteurs industriels ne peuvent plus se passer de la modélisation et du calcul intensif. C’est le cas de l’aéronautique, de la météorologie, de tous les domaines de production énergétique ou encore de la prospection pétrolière. C’est un enjeu concurrentiel incontournable.
explique Emmanuel Jeannot, qui dirige l’équipe-projet Tadaam. Son équipe travaille sur la représentation des machines parallèles et de leurs nœuds de calcul, et cherche à optimiser le fonctionnement de plusieurs applications en même temps. Les partenariats se multiplient, avec Airbus , le CEA , Total , EDF etc.
« Grâce aux calculs haute performance, Airbus peut concevoir des avions en grande partie numériquement, car tout a déjà été modélisé ! » s’enthousiasme Pierre Ramet, de l'équipe-projet HiePACS. Cette équipe travaille sur des algorithmes et des modules de base numériques qui seront au cœur des simulations numériques de demain.
Quels enjeux économiques et scientifiques pour demain ?
De premiers partenariats ont également été noués avec des PME, c’est le cas d’Algotech , une société qui édite un logiciel de conception assistée par ordinateur disposant d’un simulateur temps réel pour des systèmes électromagnétiques.
« Réaliser des calculs très complexes est également un besoin de plus en plus pressant pour les entreprises de tailles moyenne et intermédiaire, mais elles ne disposent pas toujours en interne des compétences nécessaires. Il nous reviendra donc dans les prochaines années, d’évangéliser l’écosystème », explique Emmanuel Jeannot. Au niveau scientifique, des convergences apparaissent avec le big data ou l’intelligence artificielle : « Ces deux domaines nécessitent des capacités de calcul très importantes et l’utilisation d’informations pertinentes extraites des données pendant les simulations est aussi un challenge passionnant. Nous avons donc des synergies à trouver entre les équipes de recherche HPC et les spécialistes du data analytics », ajoute Pierre Ramet.
Une collaboration fructueuse avec ArianeGroup
Le code mécanique des fluides FLUSEPA d’ArianeGroup permet de simuler des événements tels que la séparation d’étages de lanceurs, comme ceux d’Ariane. La difficulté réside dans l’utilisation de maillages de calcul de grande taille, avec des parties mobiles. Début 2013, le groupe a sollicité Inria et ses experts en HPC, car il souhaitait pouvoir exploiter ce code en production sur des calculateurs parallèles de la manière la plus efficace possible pour réaliser des simulations complètes dans un temps raisonnable. La collaboration a d’abord pris la forme d’une thèse CIFRE, soutenue en 2016, et se poursuit aujourd’hui au travers d’Airbus CR&T , qui travaille désormais sur ce code avec les équipes HiePACS et Storm d’Inria Bordeaux - Sud-Ouest.
Jeudi 27 septembre : célébration de 10 ans de recherche et de transfert
Premier temps fort de la journée du 27 septembre 2018, trois tables rondes successives sont organisées par Inria et accueillies par l'Enseirb-Matmeca, école de Bordeaux INP, à partir de 16h et jusqu'à 19h30. Elles seront l'occasion d'aborder de grands sujets du numérique qui sont aussi de grands sujets de société, avec des acteurs du monde de la recherche et de l'entreprise qui forment l'écosystème d'Inria Bordeaux - Sud-Ouest.
Table ronde 1
Modéliser et simuler pour mieux anticiper et relever les grands challenges scientifiques, industriels et sociétaux
- Philippe Troyas, directeur délégué Nouvelle-Aquitaine, Pôle Aerospace Valley
- Stephane Requena, directeur Technique & Innovation de GENCI
- Jean Roman, professeur à Bordeaux INP et membre de l'équipe-projet Hiepacs
- Barbara Romanowicz, professeure au Collège de France et à l'université de Californie à Berkeley