Le Cor Baayen Young Researcher Award récompense les recherches d’une qualité scientifique exceptionnelle et leur impact avéré sur la science et la société. Pour quel aspect de vos recherches en particulier avez-vous reçu ce prix ?
Qu'est-ce que le Cor Baayen Young Researcher Award de l’ERCIM ?
Le Cor Baayen Young Researcher Award est remis chaque année à un jeune chercheur prometteur dans le domaine de la science computationnelle ou des mathématiques appliquées. Ce prix d’une valeur de 5 000 € est remis par le premier président de l’ERCIM (European Research Consortium of Informatics and Mathematics), Cor Baayen. Cette année, il a été remis conjointement à deux jeunes chercheurs exceptionnels : Ninon Burgos et András Gilyén de Caltech.
Depuis le début de mon doctorat, je développe des techniques de synthèse d’images pour permettre l’analyse des images médicales dans le diagnostic et la planification des traitements. J'ai mis au point une méthode pour générer des images de tomodensitométrie (TDM) (ou « tranches » du corps qui peuvent ensuite être « superposées » de façon numérique pour former une image 3D du patient) à partir de l'imagerie par résonance magnétique (IRM), qui fournit des informations anatomiques en haute-résolution. Cette méthode a initialement été développée pour permettre l’analyse quantitative des images de tomographie par émission de positron (TEP) issues d'un scanner hybride TEP/IRM. La TEP est une technique d'imagerie médicale nucléaire qui utilise des petites quantités de composants radioactifs, appelés radiotraceurs, pour identifier les changements dans la fonction des tissus et des organes au niveau cellulaire, afin de détecter rapidement l’apparition de maladies.
J’ai ensuite développé cette approche afin que les professionnels de la santé puissent prévoir des traitements de radiothérapie pour les patients en se basant uniquement sur les résultats de l’IRM.
Actuellement, je me concentre sur l’analyse des images pour améliorer notre compréhension de la démence et notre manière de diagnostiquer cette maladie neurodégénérative. À cet effet, j’ai mis au point une technique de synthèse d'images qui génère des images saines spécifiques à chaque patient. Lorsque nous comparons ces images aux véritables images du patient, nous pouvons utiliser ce modèle pseudo-sain pour détecter les zones de l'image qui présentent des anomalies. Ces « cartes d’anomalies » pourraient aider les cliniciens à mieux diagnostiquer les maladies en mettant en avant les zones pathologiques à l’aide de données pour ainsi améliorer leur interprétation des analyses qui suivront. Le prix récompense tout ce travail.
Ninon Burgos : cinq dates clés
2012 : Obtient un MSc de l’Imperial College de Londres
Septembre 2012 : Entame un Doctorat au Centre for Medical Image Computing, University College de Londres
Février 2016 : Entame des études post-doctorales au Centre for Medical Image Computing, University College de Londres
Janvier 2017 : Rejoint l'équipe de recherche ARAMIS
Octobre 2019 : Remporte le Cor Baayen Young Researcher Award de l’ERCIM
Certaines de vos techniques ont déjà connu un fort succès dans le monde médical. Pourriez-vous décrire les plus importantes que vous avez mises au point ?
L’approche que j’ai développée lors de mon doctorat est l’une des premières méthodes de synthèse d’images appliquées au domaine médical. Avec l’arrivée de l’apprentissage profond, ce domaine progresse de jour en jour, mais le nombre croissant d’articles publiés sur le sujet ne signifie pas nécessairement que ces techniques sont de plus en plus appliquées dans le domaine de la santé.
Je suis fière que ma méthode de synthèse d’images visant à générer des images TDM à partir d’une IRM ait été transférée à la recherche clinique. En effet, elle est utilisée au Dementia Research Centre de l’Institut de neurologie de l’UCL dans le cadre d’un projet de quatre ans appelé Insight-46. Il s’agit d’une sous-étude neuroscientifique menée par le MRC dans le cadre de la National Survey of Health & Development (enquête longitudinale auprès des personnes nées en Grande-Bretagne en mars 1946, toujours en cours), qui implique 1 000 images TEP/RM. En outre, Oncovision, une entreprise qui développe, fabrique et distribue des appareils d'imagerie médicale, est intéressée par la méthode et a signé un accord commercial.
Pourquoi avoir choisi ce domaine de recherche ?
J'ai étudié la science computationnelle et électronique à l’ENSAE (École nationale supérieure d’électronique et de ses applications) mais, grâce à mes parents, tous deux infirmiers, je me suis toujours intéressée à la médecine. Après avoir abordé les options qui s’offraient à moi, deux de mes professeurs à l'époque m’ont encouragée à postuler pour le MSc en Génie biomédical à l’Imperial College de Londres. Faire un doctorat n’était pas dans mes plans initiaux, mais je voulais en apprendre plus sur l’imagerie médicale (et rester à Londres). C’est alors que j’ai découvert que les développements méthodologiques sont issus d’applications cliniques, ce qui m’a poussée à poursuivre ma carrière dans ce domaine.
Pouvez-vous nous parler du laboratoire dans lequel vous travaillez ?
Le laboratoire ARAMIS à l’ICM, que j’ai rejoint en 2017 après l’obtention d'une bourse postdoctorale PRESTIGE (un programme de bourse Marie Skłodowska-Curie), est dirigé par Olivier Colliot et Stanley Durrleman. Nous sommes un groupe méthodologique pluridisciplinaire avec une grande expertise dans l’imagerie cérébrale, l’apprentissage statistique et les troubles neurodégénératifs. Le fait que l’ICM soit hébergé au sein de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, le plus grand hôpital pour adultes d’Europe et un centre médical neurologique de pointe, nous est bénéfique. ARAMIS est rattaché à différentes institutions de recherche, notamment l’Inria, le CNRS, l’Inserm et la Sorbonne Université. L’équipe est composée de près de 40 membres : des doctorants, des postdoctorants et des ingénieurs, quatre chercheurs permanents, deux cliniciens, un neurologue et un neuroradiologue. L’environnement de travail est donc très plaisant et stimulant.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je compte continuer à travailler sur l’analyse des images médicales pour améliorer les diagnostics différentiels pour des applications en médecine personnalisée.
À cet égard, je développerai des représentations computationnelles avancées des données d’imagerie multimodale et établirai des systèmes flexibles d’aide à la prise de décision qui seront plus sensibles et qui produiront des résultats plus faciles à interpréter. Grâce à ma chaire tremplin à PRAIRIE (Institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle), je pourrai (bientôt) offrir une bourse doctorale pour poursuivre sur cet axe de recherche.