« Citius, Altius, Fortius » (« Plus vite - Plus haut - Plus fort »). Dans un paysage sportif de plus en plus compétitif et exigeant, l’entrainement et le talent ne suffisent aujourd’hui plus pour exceller. Biomécanique, physiologie, psychologie ou encore nutrition du sportif, rien n’est laissé au hasard dans la préparation des athlètes et l’optimisation de leurs performances.
Le numérique fait aujourd'hui, sans surprise, partie de l'arsenal des outils d'entrainement mis à disposition des acteurs du sport. Quotidiennement, des technologies de pointe permettent ainsi aux entraineurs de collecter, d'analyser et d’utiliser les données en temps réel. L’objectif : comprendre le fonctionnement du corps dans les moindres détails dans le but d’optimiser chaque aspect de la performance athlétique.
Pas de performance sans donnée
Les méthodes d’analyse et de suivi des performances et de l’entrainement ont ainsi, peu à peu, été enrichies par de nombreux dispositifs capables de mesurer objectivement les performances, la condition physique et la santé des athlètes.
Parmi eux, des capteurs portables, tels que des montres de sport, des ceintures thoraciques et des podomètres, vont permettre de collecter des données biométriques telles que la fréquence cardiaque, la cadence de course, la vitesse et la distance parcourue. Des systèmes de suivi en temps réel, tels que les GPS et les systèmes de localisation par satellite (GNSS), sont également utilisés pour suivre les déplacements des athlètes pendant l'entraînement et la compétition et fournir des données précises sur la vitesse, la trajectoire et les distances parcourues. Des capteurs de mouvement, tels que des accéléromètres et les gyroscopes intégrés dans les vêtements et les équipements sportifs, vont quant à eux permettre de mesurer les mouvements du corps avec précision.
Ces technologies génèrent une énorme quantité de données qui, si elles ne sont pas analysées, ne fournissent pas d'informations utiles aux entraîneurs et aux scientifiques du sport qui travaillent avec les athlètes.
Verbatim
La question, c’est comment on exploite ces données-là. Comment, à partir de cet ensemble de données, des positions, des vitesses, des angles, des accélérations, ou encore des forces, on extrait de la donnée pertinente pour l'entraîneur. Parce que si on lui donne toutes ces données-là, il ne sait pas quoi en faire
Responsable de l’équipe-projet MimeTIC au Centre Inria de l’Université de Rennes
Faire parler les données massives
C'est là tout le rôle de l'analyse de données et des statistiques, dont les méthodes permettent de traiter, analyser et faire parler les données massives, dans le but de détecter des schémas, des tendances et des points faibles, offrant ainsi aux entraîneurs et aux athlètes des informations précieuses pour ajuster leurs stratégies d'entraînement et de compétition.
De nombreux travaux de recherche, portés par des équipes-projets Inria, s’attèlent ainsi à développer des méthodes sophistiquées d'analyse de données spécifiquement adaptées au contexte sportif, basées sur l’apprentissage automatique, la modélisation statistique ou encore le traitement du signal pour extraire des informations précieuses à partir des données collectées.
C’est par exemple le cas de l’équipe-projet MimeTIC, spécialisée dans l’analyse et la synthèse du mouvement pour la simulation d’humains virtuels. Dans le cadre du projet européen ShareSpace, elle élabore actuellement en collaboration avec le laboratoire M2S de l’Université Rennes 2, un dispositif innovant de formation par réalité étendue dédié aux cyclistes. L’objectif : les aider à affûter leur sens de l’observation et à mieux détecter les signaux annonciateurs d’une échappée.
“Quand l’attaquant s’apprête à démarrer, il y a des signaux qui le montrent. Par exemple, le coureur va être obligé de changer légèrement de posture, de s’avancer un peu sur sa selle, de s’appuyer sur le guidon, etc. Mais le coéquipier qui le suit ne le perçoit pas forcément. Nous allons identifier et détecter automatiquement ces signes et les amplifier pour que le coureur s’habitue à lire cette information. Puis, nous diminuerons cette amplification au fur et à mesure de l’apprentissage pour qu’il monte en compétence petit à petit au cours de l’entrainement en réalité mixte", indique Franck Multon.
Dans le domaine du football, les scientifiques de MimeTIC ont également conçu une simulation utilisée aujourd’hui par le Stade Rennais pour entraîner les gardiens de but à mieux suivre la situation de jeu avant un tir au but, ou optimiser le placement d’un mur en situation de coup-franc.
En utilisant les informations tirées de la recherche et en les couplant avec les données physiologiques et les objectifs de performance, les entraîneurs peuvent ainsi concevoir des programmes d'entraînement plus efficaces et ciblés, maximisant ainsi le potentiel de chaque athlète. À conditions que l’articulation entre recherche et acteurs du sport soit adaptée : « Un outil scientifique, ça doit s'insérer dans un programme d'entraînement. Donc à quel moment on l'utilise ? Avec quelle quantité ? Qui l'utilise ? Comment ? Comment on s'accapare les résultats et on transforme l'entraînement ? Toutes ces questions doivent être pensées avec les acteurs du sport en amont », précise Franck Multon.
JO 2024 : la performance dans le viseur des chercheurs
Une évolution du domaine qui a même permis le lancement en 2020, dans le cadre de France 2030, d’un PPR (Programme prioritaire de recherche) dédié au suivi de la performance sportive dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Doté de 20 millions d'euros, ce PPR "Sport de très haute performance" finance ainsi des travaux de recherche appliquée transposables dans la préparation des sportifs français.
Parmi les projets portés par ce PPR : Neptune, dont l’objectif est de fournir aux nageurs des outils et des méthodes innovantes pour l'évaluation du mouvement à des fins d'optimisation de performance.
Les projets PerfAnalytics et REVEA, eux aussi dans le PPR "Sport de très haute performance", impliquent également des scientifiques Inria dans la préparation des athlètes pour les Jeux Olympiques. REVEA, soutenu par les fédérations d'Athlétisme, Boxe et Gymnastique, veut répondre aux besoins des sportifs et entraineurs en exploitant les propriétés uniques de la réalité virtuelle pour améliorer les performances motrices des athlètes grâce à l'optimisation des processus perceptivo-moteurs et cognitivo-moteurs sous-jacents, tout en permettant de réduire potentiellement les risques de blessures liés aux surcharges d'entraînement.
« L’un des avantages de la réalité virtuelle, c'est qu'on peut s'entraîner sans se blesser, mais aussi quand on est blessé. Donc ça permet d'optimiser ne serait-ce que le temps d'entraînement des boxeurs et des coachs via ces outils, et éviter des dégâts qui pourraient, à long terme ou via la répétition, réduire la capacité d'entrainement », indique Guillaume Claude, ingénieur au laboratoire M2S et impliqué dans le PPR REVEA.
« Le Gouvernement a lancé ce PPR avec la contrainte très forte d'avoir des résultats en termes de médailles. On verra si c'est le cas bientôt », conclut Franck Multon.