À l'occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science, trois chercheuses du centre Inria de l'Université de Lille, Valeria LOSCRI (équipe Fun), Hélène LE CADRE (équipe Inocs) et Sophie CERF (équipe Spirals) expliquent leurs parcours, et livrent leurs conseils.
Hélène LE CADRE, chercheuse dans l'équipe Inocs
Je suis chargée de recherche chez Inria dans l’équipe-projet Inocs, qui développe des méthodes d’optimisation mathématiques appliquées à différents secteurs, comme l’énergie ou les télécommunications par exemple. Je suis spécialiste en théorie des jeux (dont l'objectif est d'analyser les stratégies d'agents en compétition) et dans le développement d’algorithmes pour calculer les équilibres solutions de ces jeux. Plus spécifiquement, je m’intéresse à des problèmes où les agents partagent une ressource limitée (capacité des technologies de production ou de stockage en énergie, bande passante en télécoms), et chaque agent cherche à maximiser égoïstement sa fonction d'utilité. Ce jeu donne lieu à un ensemble d'équilibres, qu'il est intéressant d'explorer. Les algorithmes sur lesquels je travaille doivent permettre, via la sélection d'équilibre, d'arbitrer entre un certain nombre de critères (efficacité économique, équité, confidentialité des données des agents).
J’ai fait un Magistère de mathématiques et informatique à l'Université de Rennes 1 et une école d’ingénieur en parallèle (IMT Atlantique). C’est ce double cursus qui m’a permis d’apprendre à la fois les probabilités-statistiques et le traitement de l’information. J’ai ensuite fait une thèse sur la théorie de jeux pour les réseaux de communication et des postdoctorats à l’université de Versailles puis au CEA dans une équipe spécialisée en intelligence artificielle. Après une expérience à l’étranger, j’ai rejoint Inria en 2021.
Tout dépend des domaines mais dans le mien les femmes sont sous-représentées, en particulier dans certaines tranches d’âge. Dans mon équipe, c’est assez mixte et je ne ressens pas de pression particulière due à mon genre. Pendant mes études déjà il y avait moins de femmes que d’hommes, en particulier après mon Magistère puisque beaucoup de femmes s'orientaient vers l’enseignement (secondaire, prépas).
Mon seul conseil serait de se lancer, de ne pas se mettre de barrière, faire ce dont on a envie : il y aura toujours des gens avec une approche genrée, mais il est important de ne pas tomber dans des stéréotypes.
Sophie CERF, chercheuse dans l'équipe Spirals
Je suis chercheuse dans l’équipe Spirals du centre Inria de l’Université de Lille. Je fais de la recherche pluridisciplinaire entre l’informatique et l’automatique, étudiant des outils qui permettent par exemple de contrôler des logiciels, mais aussi des aspects comme l’empreinte carbone, le coût énergétique ou les données privées.
Après un bac scientifique et une classe préparatoire, j’ai intégré une école d’ingénieur (Centrale Lyon) et y ai découvert le contrôle, l’informatique et le monde de la recherche en général. J’ai poursuivi en thèse en automatique au GIPSA Lab, avec une césure en industrie au centre recherche de Zurich puis ai rejoint Inria à Grenoble. Je suis arrivée au centre de Lille il y a six mois.
Dans mon domaine, je constate qu’il y a moins de femmes. J’ai beaucoup discuté avec d'autres femmes que ça soit dans mes équipes, ou lors de mes études : j’ai toujours trouvé qu’il y avait une solidarité supplémentaire qui est bienvenue. Cependant j’ai l’impression que le nombre de femmes dans l’enseignement supérieur n’a pas beaucoup augmenté ces dernières années.
Il faut surtout faire ce qui nous motive. C’est bien d’écouter les conseils de nos proches, professeurs ou parents, mais c'est notre carrière dont il est question : ce qui compte c’est suivre ses motivations. Quel que soit son genre ou son milieu social, si un métier nous intéresse il faut se faire confiance et ne pas hésiter.
Valeria LOSCRI, chercheuse dans l'équipe Fun
photo Christian Morel
Je suis chercheuse dans l’équipe Fun du centre Inria de l’Université de Lille depuis octobre 2013. Je travaille sur la communication sans fil, en particulier sur des technologies innovantes telles que la VLC (visible light communication) et la reprogrammation électromagnétique de l’environnement pour réaliser des communications plus performantes, sécurisées et durables. Ce qui me motive est d’explorer des nouvelles technologies pour créer des services qui ne sont pas imaginables aujourd’hui.
D’origine italienne, j'ai fait la plupart de mes études à l’Université de Calabre avec un diplôme d’ingénieure informatique. J’ai ensuite poursuivi mes études en thèse, avec pour sujet les systèmes de télécommunication et informatique, et ai été "visiting researcher" à la RICE Université (Houston, USA). J'ai ensuite collaboré avec l’Université de Calabre et suis arrivée en France en 2013 chez Inria.
Il faudrait mener des actions pour renforcer la présence des femmes en sciences. Aujourd'hui nous ne sommes pas nombreuses, mais il y a des chemins très intéressants pour toutes et tous. Les matières ne sont pas genrées, les mathématiques et les sciences en général ne sont pas réservées aux hommes. Je pense justement que c’est intéressant d’avoir une diversité de profils en recherche, ça apporte une multitude de façons de raisonner. Nous sommes sous-représentées aujourd’hui mais ce qui est sûr c’est que si une personne est passionnée par les sciences, il faut se lancer !
Si j’ai conseil à donner, c’est de poursuivre ses propres passions, en évitant de se faire influencer par les opinions d’autres personnes. Ce n’est pas facile de distinguer un conseil constructif d’un conseil qui véhicule des clichés. Parfois tu trouves sur ton chemin des personnes qui croient en toi et parfois ce n’est pas le cas : l’essentiel est de croire en soi-même.