Premier projet professionnel : programmeur
« Je n’étais pas prédestiné à la recherche ». L’affirmation surprendra de la part d’un scientifique de renommée internationale, coauteur de plus de 200 articles dans de grandes revues, directeur de thèse de plus de 50 doctorants et acteur de nombreux transferts industriels. Mais c’est bien ainsi que tout a commencé pour Patrick Valduriez : « Au début de mes études, je ne savais même pas que la recherche en informatique existait ! Je voulais devenir programmeur, pour pouvoir piloter des machines complexes. Et je me suis inscrit dans une école d'informatique à Lille pour en faire mon métier ».
Mais les applications de paye ou de gestion de commandes que le jeune étudiant découvre sont bien trop simples à son goût. Aussi, il enchaîne sur une maîtrise d’informatique à l’Institut de Programmation de l’université Paris VI, puis sur un diplôme d’études approfondies.
C’est là qu’il rencontre le professeur Georges Gardarin, responsable d’équipe à Inria et grand spécialiste des bases de données. « Il m’a accueilli dans son équipe pour mon stage, puis pour ma thèse, puis m’a fait recruter par Inria en 1982. Grâce à lui, je suis entré dans le monde des bases de données distribuées, pour ne plus en sortir. »
L’événement qui a changé sa carrière
Verbatim
Le premier pas de l’Homme sur la Lune, le 21 juillet 1969 ! J’étais adolescent, je faisais un séjour linguistique à Londres et il y avait des fêtes dans tous les parcs publics pour célébrer l’événement. Moi, je me demandais comment un engin spatial pouvait atteindre une destination si lointaine avec une telle précision. Le mois suivant, en colonies de vacances, un moniteur féru d’informatique m’a expliqué que la programmation pouvait guider des fusées dans l’espace. Une révélation. J’avais trouvé ma voie…
Cinq ans de recherche dans un laboratoire américain
Patrick Valduriez montre vite des dispositions exceptionnelles. À 27 ans, il signe (seul) un premier article scientifique dans la grande conférence internationale en gestion de données ACM SIGMOD. Deux ans plus tard, il est recruté au MCC, un laboratoire de recherche américain créé par Control Data, HP, Motorola, NCR, Unisys et consorts. L’objectif : contrer les ambitions du Japon sur un projet d’ordinateur de cinquième génération qui combine déjà intelligence artificielle, bases de données et machine multiprocesseur. Le jeune chercheur y reste cinq ans, puis revient chez Inria en tant que directeur de recherche.
Une carrière qui prend de l'ampleur
Patrick Valduriez enchaîne alors plus de trois décennies d’innovations, de publications à fort impact, de transferts de technologies vers l’industrie. Il crée et dirige successivement trois équipes Inria : Rodin à Rocquencourt en 1990, Atlas à Nantes en 2002, et Zenith à Montpellier en 2010. Au fil des ans, le terme de Big Data recouvre celui de "bases de données distribuées". Mais le cœur du problème reste le même : « L’enjeu, c’est de conserver cette cohérence apparente et cette simplicité d’accès aux données. Ce qui change, c’est que leur volume explose, provenant de multiples sources, avec une grande complexité et variété – par exemple, texte, image, son – et qu’il faut vérifier leur validité. »
Le transfert, c’est l’aboutissement d’une recherche
Le chercheur innove pour relever ces challenges, en créant : des algorithmes de traitement de données, des algorithmes parallèles pour machines multiprocesseurs, des outils d’analyse de données en temps réel ou d’intégration de données…
Il veille à ce que ses résultats soient transférés à l’industrie, à des partenaires scientifiques, ou sous forme de logiciels libres. « Le transfert, c’est l’aboutissement naturel d’une recherche, sa validation en vraie grandeur. C’est ce qui donne du sens à mon métier. »
Patrick Valduriez dirige par exemple entre 1996 et 2001 les 50 scientifiques de Dyade, un partenariat stratégique porté par Inria et Bull, et contribue activement à la première version du comparateur de prix Kelkoo. À l’époque, c’est une révolution : en quelques secondes, l’outil identifie les sites web qui vendent un produit, agrège leurs données et les présente simplement.
Pl@ntnet, un outil pour comprendre la biodiversité
La recherche, toujours, mais entre France et Brésil pour son éméritat
Depuis le 1er avril 2023, Patrick Valduriez est directeur de recherche émérite, statut qui lui permet de contribuer à titre gracieux aux travaux d’Inria tout en étant retraité. Toujours aussi actif, il participe au montage de l’équipe de recherche qui succèdera à Zenith et passe la moitié de son temps au Brésil, où Inria vient de signer un accord stratégique avec le LNCC (Laboratoire national de calcul scientifique) et un réseau d’universités du pays. Cet accord fait suite au partenariat France - Brésil, signé en 2020, qui fédère une vingtaine de projets collaboratifs et 200 chercheurs et doctorants, en France et au Brésil.
Son regard sur les enjeux futurs du Big Data ?
Verbatim
Le respect de la vie privée, bien sûr. Et aussi le traitement des données avec une consommation d’énergie bien moindre. Il faut être assez intelligents pour faire mieux avec beaucoup moins : c’est une affaire d’éthique autant que de technique.
Prix et distinctions
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1993 : Grand Prix Informatique IBM France
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2012 : ACM Fellow
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2014 : Prix de l’Innovation, Inria - Académie des Sciences - Dassault Systems
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2020 : Directeur du partenariat Inria-Brasil
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2023 : Directeur de recherche émérite
En savoir plus
- Nouveau partenariat de recherche franco-brésilien : Inria et LNCC signent un protocole d’accord, Inria, 2/7/2020
- Réédition du livre "Principles of Distributed Database Systems" - 2020
- Interview du chercheur Patrick Valduriez (vidéo), Maison des Sciences de l'Homme Sud, 21/2/2018
- Patrick Valduriez : Prix de l'innovation Inria - Académie des sciences - Dassault Systèmes - 06/10/2014
- Pl@ntnet, une application qui identifie des plantes ? (vidéo), Inria, 20/3/2014
- Patrick Valduriez, Directeur de recherche, Équipe-projet Zenith – ACM Fellow 2012