Polytechnicien, docteur en informatique, docteur ès sciences, passionné de problèmes techniques, mais aussi de linguistique, doté d’une culture hors du commun, Philippe Flajolet a été une figure d’Inria pendant près de quarante ans. Dans la droite ligne des grands défenseurs de l’interdisciplinarité, il a marqué les mathématiques de ses travaux pionniers en combinatoire analytique.
Crédit © Inria / Photo C. TourniaireUne référence mondiale de l’algorithmique
Philippe Flajolet a rejoint l’IRIA (devenu depuis Inria) en 1971, en intégrant l’équipe « Automates et langages formels » de Maurice Nivat, aux côtés de Gérard Huet, Jean-Marc Steyaert et Bruno Courcelle. Rapidement, à la faveur d’une rencontre avec Jean Vuillemin, il choisit de se tourner vers l’analyse algorithmique, s’intéressant plus spécifiquement à l’analyse de systèmes complexes discrets, à l’automatisation des méthodes d’analyses, à l’application d’algorithmes probabilistes et à l’étude quantitative. Ses travaux, originaux et méticuleux, ont rapidement eu un rayonnement important, jusqu’à faire de Philippe Flajolet un des piliers mondiaux de l’algorithmique.
Ainsi, avec Robert Sedgewick, directeur de la faculté d'informatique de Princeton, il a écrit deux ouvrages fondateurs : An Introduction to the Analysis of Algorithms en 1996 et Analytic Combinatorics en 2009, pour lequel tous deux sont aujourd'hui récompensés.
Une carrière souvent récompensée
Grand prix Science de l’UAP (1986), prix informatique de l’Académie des sciences (1994), médaille d’argent du CNRS en 2004, membre de l’Academia Europaea en 1995, membre de l’Académie des sciences en 2003 et chevalier de la Légion d’honneur en 2010, la carrière de ce modèle de la communauté scientifique a été jalonnée de récompenses. C’est aujourd’hui la prestigieuse American Mathematical Society qui, huit ans après la disparition de l'homme, rend hommage à ses travaux qui ont fait date dans l’histoire des mathématiques et qui ont concouru au rayonnement d’Inria sur la scène scientifique internationale.
Car les applications de la théorie combinatoire analytique — l’une des nombreuses techniques de comptage d’objets combinatoires qui utilise la structure interne des objets pour dériver des formules pour leurs fonctions génératrices, puis utilise des techniques d’analyse complexes pour obtenir des asymptotiques — ont aujourd’hui envahi notre quotidien : recherche rapide d’informations, protocoles de communication, calcul formel… Un domaine, qu’en talentueux vulgarisateur il expliquait ainsi : « une méthode, une façon de décrire dans ses moindres détails comment procéder pour faire quelque chose : trier des objets, situer des villes sur une carte, multiplier deux nombres, extraire une racine carrée, chercher un mot dans le dictionnaire. »
Philippe Flajolet, disparu brutalement en 2011 est récompensé avec Robert Sedgewick pour leur ouvrage Analytic Combinatorics, paru en 2009 aux éditions Cambridge University . La publication de ce livre a représenté un événement majeur, car il a fait de la combinatoire analytique une sous-discipline florissante des mathématiques et un élément clé de l’analyse des algorithmes. Le prix Leroy P. Steele récompense l’impact et le rayonnement de cet ouvrage qui combine des compétences analytiques et de présentation, organise le sujet dans une histoire, identifie et expose des techniques jamais aussi clairement énoncées auparavant.