Au même moment, Colin M. Gray, expert du design et de l’IHM (Interface Homme-machine), venait de publier sa toute première taxonomie des dark patterns. Omniprésents et difficiles à réguler, ces mécanismes cachés au sein des bandeaux cookies trompent les utilisateurs au point de leur faire faire des choses qu'ils n'auraient pas faites autrement.
Nos réunions matinales virtuelles avec Colin au beau milieu de la pandémie de COVID-19 donnèrent bientôt naissance à un papier unique en son genre : la toute première étude faisant appel à l’expertise conjointe d’informaticiens, de juristes et de spécialistes du design et de l’interface Homme-machine. Publiés lors de la conférence de référence en matière d’IHM, l’ACM CHI'2021, nos travaux ont atteint un sommet réservé aux 5% des articles jugés les plus prometteurs : l’ "Honorable Mention Best of CHI".
Aujourd’hui, si vous me demandez comment se portent les lois de protection de la vie privée, je dirais que le ciel s’est éclairci sur des pays comme la France grâce aux efforts sans relâche des commissions comme la CNIL. J'ai passé un an dans leur laboratoire d'innovation numérique (LINC) à travailler sur la réglementation du traçage en ligne et des dark patterns tout en renforçant les liens entre la CNIL et le monde de la recherche. Ces liens sont d'autant plus importants que des menaces plus grandes et plus complexes se profilent à l'horizon dans les domaines des applications mobiles, de l’Internet des objets, des nouvelles interfaces vocales ou encore de la réalité augmentée/virtuelle.
Les collaborations avec les experts d’autres disciplines comme l’économie sont capitales aussi pour bien comprendre la complexité des écosystèmes technologiques et les intérêts commerciaux de chacun en leur sein. Sans cette analyse en profondeur, impossible pour le régulateur de bien protéger les citoyens contre les technologies sophistiquées qui font fuiter leurs données et les dark patterns qui les manipulent à grande échelle.
D'où l'importance de dépasser les seules sphères universitaires et réglementaires pour donner aussi aux citoyens les moyens d’agir par eux-mêmes. Lorsque mon collègue Cédric Lauradoux de l’équipe Privatics m’a contactée en 2017 pour contribuer au nouveau MOOC Inria Learning Lab sur la protection de la vie privée, je n’ai pas hésité un seul instant. À ce jour, plus de 43 000 participants francophones du monde entier y ont participé.