Handicap

REFINED : vers des prothèses auditives plus efficaces grâce à l’IA

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Mis à jour le 07/03/2023
Lancé en avril dernier, REFINED est un projet ANR qui veut améliorer, grâce à l’IA, l’efficacité des aides auditives pour les patients souffrant de neuropathies auditives. Retour avec Romain Serizel, maître de conférence à l'université de Lorraine, sur ce projet mêlant apprentissage automatique et systèmes embarqués à fortes contraintes.
REFINED
© Unsplash / Photo Mark Paton

900 millions de personnes malentendantes en 2050

Aujourd’hui, près de 466 millions de personnes dans le monde souffrent d'une perte auditive. Parmi elles, 34 millions se trouvent dans l'Union Européenne et 6 millions en France. Un constat alarmant, qui devrait se renforcer dans les prochaines années avec le vieillissement de la population mondiale. Selon l’OMS, le nombre de personnes souffrant d’une perte auditive devrait ainsi atteindre les 900 millions d'ici 2050.

Pour remédier à la perte de sensibilité auditive, des aides auditives portables ont été conçues depuis près d'un siècle. Des efforts considérables ont, ces dernières années, été déployés pour les miniaturiser et accroître leurs performances.

Des aides auditives peu adaptées à certains handicaps auditifs

Pourtant, encore 50% des personnes malentendantes qui ont besoin d'appareils auditifs ne les utilisent pas, principalement en raison de leur faible efficacité dans des environnements complexes ou bruyants.

« Les aides auditives conventionnelles fonctionnent majoritairement par rehaussement du son et filtrage spatial. Ainsi, elles extraient la parole de la personne qui parle pour la restituer de manière aussi intelligible et plaisante à écouter que possible, et cela selon des critères qui ont été définis par des normo-entendants. Dans le cas de personnes qui ont simplement des pertes de sensibilité auditive, dues par exemple à une surexposition au bruit ou au vieillissement, cela fonctionne. Par contre, cette stratégie est moins efficace pour les personnes qui souffrent d’autres types de pertes auditives comme les neuropathies auditives », explique Romain Serizel, maître de conférence à l'université de Lorraine et membre de l’équipe MULTISPEECH (équipe commune au Loria et à Inria).

Contrairement aux pertes auditives les plus fréquentes, pour lesquelles le seuil d’audition est altéré, les neuropathies auditives n’affectent pas nécessairement la sensibilité auditive, mais altèrent le traitement de l’information temporelle. Celui-ci est essentiel notamment pour distinguer les différentes sources sonores dans des situations bruyantes, où plusieurs sources de parole sont spatialement distribuées et concurrentes.

Ainsi, le principal besoin des patients souffrant de neuropathie auditive, qui ne tirent que peu ou pas de bénéfices des aides auditives actuelles, n'est pas de restaurer l'audibilité mais d'améliorer leur perception de la parole, en particulier dans les environnements bruyants, en compensant la détérioration des indices acoustiques qui reposent sur la précision temporelle.

Adapter les algorithmes aux personnes souffrant de neuropathie auditive

Un constat qui a poussé l’Institut de l’Audition (Institut Pasteur), le LORIA (au travers de l’équipe-projet MULTISPEECH) et le CEA List à travailler main dans la main autour de l’amélioration des capacités des appareils auditifs pour les personnes atteintes de ce type de neuropathie.

Lancé en avril dernier et baptisé REFINED, ce projet ANR a quatre objectifs.

  • Identifier les déficiences perceptives des personnes atteintes de neuropathie auditive et leurs besoins en repères auditifs et extra-auditifs pour améliorer leur compréhension de la parole.

« Cela peut être soit des types de phonèmes qui ne sont pas bien reconnus, ou encore des types de bruits qui, couplés à la parole, posent problème. Il va falloir tester plusieurs scénarios pour voir ceux qui ont un impact sur la compréhension de la parole. Cela nous permettra d’identifier certains aspects que nous pourrons traiter en tant qu’informaticiens avec nos algorithmes », indique Romain Serizel.

  • Développer de nouveaux algorithmes d'IA pour la ségrégation des sources et le débruitage qui ciblent ces indices, et qui vont au-delà de la simple restauration de la parole.

« L’idée n’est plus de prendre les modèles des normo-entendants mais de s’adapter aux personnes malentendantes. Nous allons donc identifier les aspects critiques et les convertir en critères mathématiques pour régler nos algorithmes de rehaussement de parole », explique Romain Serizel.

  • Intégrer efficacement ces algorithmes dans les ressources limitées des appareils portables.

« Les aides auditives sont des dispositifs minuscules, qui n’ont que peu de batterie et de puissance de calcul. Contrairement au rehaussement de la parole implémenté dans les téléphones lors des conversations mains libres, l’aide auditive doit en outre fonctionner en continu, tant qu’elle est portée. On a donc des contraintes fortes en termes de consommation et de complexité de calcul. L’objectif est d’avoir des algorithmes qui fonctionnent de manière relativement simple, qui ne consomment pas trop, tout en s’assurant de ne pas dégrader les performances dans le cadre de la neuropathie auditive », précise Romain Serizel.

  • Valider l'efficacité avec laquelle ces algorithmes tiennent compte des handicaps spécifiques à chaque utilisateur.

« À terme, l’idée est de pouvoir faire un test de nos algorithmes avec des prototypes d’aides auditives portés par des volontaires, dans un environnement réel », ajoute Romain Serizel. 

Bien que limités au groupe choisi, les résultats du projet prouveront la possibilité d'aller au-delà de l'état de l'art tout en satisfaisant les contraintes de l’embarqué et en se concentrant sur le confort et l'adaptabilité en situation réelle.

REFINED est aujourd’hui la première initiative visant à mettre en place une solution adaptative de bout en bout basée sur l'IA pour les patients souffrant de neuropathie auditive, avec en ligne de mire d’embarquer les algorithmes développés. Un pas de géant, pour un handicap auditif encore peu reconnu en France.