« Un équivalent de Linux pour l’internet des objets »
Voilà comment Emmanuel Baccelli, chercheur Inria dans l’équipe Infine / TRiBE, décrit RIOT , un système d’exploitation destiné aux objets connectés devant consommer peu d’énergie et rester peu cher tout en offrant des performances stables. Dans ce domaine, beaucoup de recherche portent pour l’instant sur l’optimisation du hardware et des protocoles de communication… Mais peu de projets se sont attaqué au système d’exploitation (ou OS pour operating system ).
Quand nous avons initié RIOT en 2013, les OS existants pour l’IoT avaient 10 ans et n’étaient plus adaptés
se souvient Emmanuel Baccelli.
« Ils reposaient en effet sur des langages exotiques, que le développeur devait d’abord s’approprier, en plus des contraintes de codages propres à l’IoT comme le codage économe en mémoire… Donc la barrière à l’entrée dans le domaine était très haute » , poursuit le chercheur.
Un système adaptable, ultraléger et sécurisé
C’est pour ces raisons qu’Emmanuel Baccelli s’est lancé dans le développement d’un système d’exploitation libre et ouvert (open source ), dans le cadre d’un projet franco-allemand réunissant Inria et les Universités libres de Berlin et de Hambourg. Le choix de l’open source par rapport à un code source propriétaire fermé était naturel à l’heure où tous ces objets connectés vont truffer les habitats, et transmettre de l’information sur nos activités : « Depuis les révélations d’Edward Snowden en 2013, la confiance des citoyens dans internet, l’informatique et les logiciels en général s’est fortement dégradée. Si on veut rétablir cette confiance, il faut plus de transparence. Cela passe par des systèmes d’exploitation ouverts, équivalents de Linux pour les ordinateurs personnels, dont un maximum de développeurs a pu examiner le code pour vérifier l’absence de bugs et de mouchards » , résume Emmanuel Baccelli.
Le libre permet aussi d’éviter l’obsolescence prématurée des produits : si l’entreprise qui commercialise le matériel disparaît, vous pouvez encore vous reposer sur cette solution car tout le monde peut contribuer à développer et maintenir le code source. « Le contrôle reste ainsi dans la main de l’utilisateur » , ajoute le chercheur. D’un point de vue technique, RIOT est adaptable à une grande variété de protocoles de communication, filaire ou non . Il offre également la perspective d’effectuer des mises à jours logicielles à partir du réseau, de manière sécurisée et peu gourmande en énergie, « ce qui répond à une autre préoccupation majeure du secteur, des attaques informatiques d’ampleur comme "Mirai" ayant récemment ciblé des réseaux d’objets communicants non sécurisés » , souligne Emmanuel Baccelli.
Aujourd’hui, RIOT arrive en phase de maturité avec une communauté de développeurs de plus de 200 contributeurs . De premiers systèmes IoT commerciaux reposant sur le système d’exploitation sont sortis en 2018, sur des applications allant du chauffage intelligent jusqu’au suivi d’exploitations agricoles.
Comme pour Linux, il s’agit d’un OS généraliste donc la palette d’application est quasi infinie
précise Emmanuel Baccelli.
Son équipe continue en outre de collaborer avec plusieurs entreprises utilisatrices sur l’évolution de RIOT et de promouvoir l’OS à travers des conférences et salons à travers le monde. C’est ce qu’elle fera au SIDO (salon de l’internet des objets) , les 10 et 11 avril , où Emmanuel Baccelli et son collègue Alexandre Abadie feront une démonstration sur un réseau d’objets connectés type.