Sanctuary : une trace sur la Lune pour le cinquantenaire de la mission Apollo 11

Date:
Mis à jour le 13/03/2020
Le projet Sanctuary , impliquant des scientifiques d’Inria, du CEA et du CNRS, vise à emporter sur la Lune une collection d’œuvres et de connaissances gravées sur des disques de saphir.
Un témoignage de la culture humaine à l’intention des civilisations futures… et pourquoi pas des extraterrestres !
Interview croisée de 3 scientifiques investis dans le projet : Emmanuel Pietriga, Roland Lehoucq et Jean-Philippe Uzan.
Sanctuary
© Sanctuary

"Laisser un témoignage de ce qui fait l’humanité"

 

Déposer sur la Lune une capsule d’information témoignant des accomplissements scientifiques et artistiques de l’Homme cinquante ans après le premier pas de l’humanité sur notre satellite : telle est l’ambition du projet Sanctuary , créé à l’initiative de l’ingénieur, documentariste multicasquette Benoit Faiveley. Ce dernier s’est entouré d’une équipe de haute volée scientifique comprenant notamment l’astrophysicien du CEA Roland Lehoucq, et le cosmologiste Jean-Philippe Uzan du CNRS, puis le chercheur d’Inria Emmanuel Pietriga, avec une intention aussi puissante que poétique : « laisser un témoignage de ce qui fait l’humanité, ici et maintenant, d’abord à l’intention de nous-même, mais aussi de l’humanité future, et pourquoi pas à d’éventuelles intelligences extraterrestres » , résume Roland Lehoucq.

Sanctuary se décline ainsi en une collection de 11 disques de saphir de 90 mm de diamètre renfermant une somme d’illustrations et de productions humaines . Ces informations seront gravées à l’aide d’une technique de pointe appelée microlithographie offrant une résolution de l’ordre du micromètre, pour un total d’environ 3 milliards de pixels par disque  ! Ces derniers devraient ensuite être déposés sur la Lune début 2020, via l’alunisseur Alina envoyé par le consortium privé allemand PTscientists . « Le lancement était initialement programmé en juillet 2019 pour saluer le cinquantième anniversaire de la mission Apollo 11, mais nous avons dû réadapter le programme pour coller au calendrier de PTscientists » , précise Roland Lehoucq.

Parmi les informations envoyées dans l’espace, cinq des disques renfermeront deux génomes humains entièrement décodés – une femme et un homme. « Les autres porteront une compilation de savoirs produits par l’humanité, de l’astrophysique à la biologie, mais qui n’a pas vocation à être exhaustive. Ce n’est pas une encyclopédie ! » , note Emmanuel Pietriga. Ce directeur de recherche Inria, spécialiste de la visualisation interactive de grandes masses de données , a notamment participé à la conception de salles de contrôle de télescopes géants comme Alma . Dans le cadre de Sanctuary , il s’est chargé de la conception d’une partie des visuels embarqués sur les disques.  

Des représentations les plus universelles possibles

« Le défi était de représenter une information complexe de manière simple et intelligible, avec en plus l’impératif de résumer un maximum de savoir sur un espace fini. Emmanuel était donc l’expert parfait pour cette mission » , témoigne Jean-Philippe Uzan. Les chercheurs ont aussi réfléchi à une représentation qui puisse prétendre à l’universalité  : « L’idée initiale était, autant que possible, de ne pas nous reposer sur du texte dont nous ne sommes pas sûrs qu’il sera lisible par des civilisations lointaines ou futures, mais plutôt sur des visuels. Pour représenter l’ensemble des missions spatiales, nous utilisons un diagramme qui montre les différentes trajectoires, sans aucun texte, y compris pour les dates, qui sont encodées en représentant la position des planètes. Cela permet d’en déduire les dates en connaissant les mouvements des astres » , raconte Emmanuel Pietriga.

Ce dernier a dû composer avec les contraintes inhérentes à la technique de microlithographie, qui permet uniquement de graver les pixels en noir et blanc. « Or certaines représentations visuelles imposent de jouer sur les tons de gris. Nous utilisons des techniques de dithering consistant à jouer sur l’alternance de blanc et de noir pour recréer des contrastes » , ajoute Emmanuel Pietriga, qui a développé un programme informatique pour automatiser une partie de la mise en forme de l’information.

La visualisation des informations grâce à la plate-forme Wilder

Enfin, pour vérifier la juxtaposition du contenu représenté sur un disque , Inria a mis à disposition de l’équipe Sanctuary la plate-forme de visualisation de données Wilder . Cette dernière comprend notamment un mur de 6 m x 2 m doté d’une densité très élevée de pixels - de 60 à 100 pixels/pouce - permettant d’afficher des images scientifiques en très haute résolution. « Ce dispositif s’est révélé précieux pour vérifier la cohérence de l’ensemble car, même si la surface des disques est très réduite, la finesse de gravure donne un nombre de pixels incroyablement élevé, dont l’intégralité est impossible à embrasser à l’œil nu ou au microscope » , salue Roland Lehoucq

Loin de réclamer un statut de pionnier, Sanctuary s’inscrit dans la continuité des projets qui ont, les premiers, ambitionné de laisser une trace de l’Homme dans l’espace , à l’exemple du Golden Record . Ce projet embarqué sur les sondes Voyager lancées en 1977 rassemblait une collection d’images et de sons sur un disque d’or. Si la quantité d’information embarquée sur Sanctuary s’avère incomparablement plus importante grâce aux progrès technologiques, les membres du projet veulent aussi s’en démarquer par une ambition originale : « En plus de connaissances scientifiques soigneusement choisies,  nous avons ajouté des productions humaines comme des dessins d’enfants, des milliers de selfies montrant la diversité des visages, etc. La somme de ces éléments offre une réflexion sur la vie et nous-mêmes en tant qu’êtres humains, et, in fine, nous amène à considérer Sanctuary comme une œuvre d’art » , conclut Jean-Philippe Uzan.

Tout savoir sur Sanctuary :

Retrouvez toutes les informations relatives au projet Sanctuary sur le site spécialement créé ou dans le dossier de présentation en téléchargement ici :

sanctuary_dossier de présentation (pdf, 6 Mo)