Soutenue par une bourse européenne, Valentina Franceschi élargit ses horizons

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Mis à jour le 25/05/2021
Chaque année, l’Union européenne accompagne/encourage, avec les Actions Marie Skłodowoska-Curie (AMSC), la mobilité et des projets de recherche et d’innovation portés par des chercheurs au sein de laboratoires des pays de l’Union. L’une des équipes du centre Inria de Paris accueille depuis 2016 Valentina Franceschi, une mathématicienne italienne, lauréate 2019 d’une bourse individuelle au titre du dispositif AMSC. La chercheuse conduit un projet en mathématiques théoriques pouvant trouver des applications en physique, ingénierie ou neurosciences.

Des nouvelles de Valentina Franceschi, de cette année écoulée et de ses projets futurs.

Y a-t-il eu des nouveautés dans tes travaux de recherche depuis notre dernière rencontre, il y a un an tout pile ?

Dans l’année écoulée, j’ai obtenu un poste de chercheuse en Italie (à durée déterminée - Ricercatoe di tipo A en italien) et depuis septembre 2020, je travaille au Département de mathématiques à l’université de Padoue en Italie. Mis à part ce gros changement de vie, l’année dernière a été particulière à cause de la Covid-19. J’ai adapté mes recherches à l’usage des outils en ligne qui ont remplacé les rencontres scientifiques en présentiel. 

Quant à mes travaux de recherche, j’ai travaillé sur des aspects plutôt fondamentaux de mon projet de recherche, comme l'optimisation de forme et l’évolution de la chaleur en géométrie sous-riemannienne, ainsi que sur des aspects plus appliqués concernant l’étude des modèles sous-riemanniens pour la vision humaine et la reconstruction d’images

Les questions qui émergent dans ce dernier sujet sont toutes nouvelles par rapport à mes connaissances habituelles et se développent dans des communautés scientifiques qui sont aussi nouvelles pour moi. 

J’ai également commencé des nouveaux projets hors de mon périmètre habituel avec mes anciens superviseurs de postdoc en France (sur des thématiques issues de la théorie du contrôle) et d’autres en collaboration avec des collègues géomètres aux Pays-Bas (avec lesquels nous organisons une conférence de démarrage à Leiden en septembre prochain).

De nouvelles collaborations ont-elles vu le jour ?

Oui, sur les modèles corticaux avec des collègues internationaux (France, Pays-Bas) et sur l’étude de l’évolution sous-riemannienne avec des collègues tchèques et italiens. 

J’envisage des nouvelles collaborations à Padoue aussi : même si je n’ai pas encore activé des nouveaux projets scientifiques en particulier, j’ai déjà pris contact avec ma nouvelle communauté universitaire. D’une part, j’ai été récemment affiliée au PNC-Padova Neuroscience Center, où j’espère pouvoir apprendre plein de choses sur les neurosciences visuelles. D'autre part j'ai déjà dialogué avec les collègues experts de géométrie sous-riemannienne dans mon labo pour développer ensemble plusieurs pistes de recherche que nous sommes en train de définir. 

Quelles perspectives s'offrent à toi pour l'année à venir ?

L’année prochaine je vais commencer un cours de calcul dont je suis responsable et je vais développer les projets et les collaborations que je viens de mentionner. 

J'envisage de présenter ma candidature au poste de chercheuse en Italie (Ricercatore di tipo B en italien - une sorte de tenure track de trois ans) et je vais travailler pour présenter ma candidature afin d’obtenir la qualification aux fonctions de professeure (abilitazione nazionale a professore associato en italien). Ça fonctionne de façon complètement différente par rapport à la qualification aux fonctions de MCF/ l’HDR en France. 

En outre, j’ai déjà prévu de participer à l’écriture et présentation d'un projet européen (EIC Pathfinder par exemple) avec mes collaborateurs internationaux. J'envisage aussi de réfléchir sur les sujets à présenter et aux les actions à proposer dans un éventuel projet individuel à soumettre (ERC par exemple) d’ici deux ans. 

Découvrir de nouveaux paysages, rencontrer de nouvelles personnalités, être surpris par de nouvelles saveurs, en un mot : voyager. Valentina Franceschi en fait un mode de vie professionnel et personnel. Cette jeune chercheuse a quitté il y a quelques années son Italie natale et les villes de Bologne et Padoue, après y avoir accompli un premier parcours académique brillant, décrochant un master puis un doctorat en mathématiques.

Elle a commencé à travailler en France fin 2016, date à laquelle elle a rejoint, au centre Inria de Paris, une large communauté scientifique en pointe sur la géométrie sous-riemanienne, son thème de recherche en mathématiques. Et depuis fin 2019, elle est titulaire d’une bourse Marie Curie attribuée par l’Union européenne. Ce dispositif à destination des chercheurs leur offre de renforcer leur potentiel créatif et innovant ou de diversifier leurs compétences, en soutenant leur programme de recherche durant 12 à 24 mois, dans un pays de l’UE ou hors UE mais avec une phase de retour en Europe. Chaque année, plus d’un millier de chercheurs européens bénéficient de ces financements, représentant un montant de plusieurs centaines de milliers d’euros**.

Une passion pour les mathématiques et la géométrie

« J’ai toujours aimé les mathématiques, depuis mon plus jeune âge, sans doute inspirée par mon père qui en était un fervent amateur », confie Valentina Franceschi. 

J’aime étudier les objets abstraits, suivre un parcours logique, m’approprier les concepts proposés par d’illustres mathématiciens, parfois des siècles avant nous, et surtout ressentir l’illumination de la compréhension !

Voyager, là encore, mais cette fois-ci au sein d’un continent intellectuel sans autres limites que celles de l’imagination et de la réflexion. La spécialité de Valentina Franceschi, la géométrie sous-riemannienne, est une branche des mathématiques qui peut trouver des applications dans de nombreux domaines scientifiques, comme la physique, l’automatique ou la robotique. La géométrie permet de décrire de façon abstraite le monde qui nous entoure pour, par exemple, mesurer la dimension des objets, décrire le cap d’un navire ou construire un ouvrage d’art. Le monde que nous connaissons, avec ses trois dimensions (hauteur, largeur, profondeur), est celui de la géométrie euclidienne : les bâtiments y sont, en général, construits en angles droits, les routes et les rails le sillonnent en voies parallèles, etc. Le monde qu’arpente la mathématicienne est décrit par la géométrie riemannienne et sous-riemannienne… et il est infiniment plus complexe. Constitué de surfaces alambiquées, courbes, parfois repliées, il se déploie dans des dimensions multiples : toutes les notions de la géométrie "classique" (angles, distances) y prennent un sens mathématique nouveau. Par exemple, si chacun sait depuis l’école que le plus court chemin entre deux points est une droite, ce n’est plus le cas en géométrie riemannienne et sous-riemannienne où la plus petite distance séparant deux points peut être une courbe !

La géométrie riemannienne et sous-riemannienne permet par exemple de comprendre certaines équations fondamentales de la physique, comme celles décrivant la propagation de la chaleur ou le comportement de particules quantiques. Bien que très abstraite, elle trouve ainsi de nombreuses applications concrètes, explique Valentina Franceschi.

Ce champ des mathématiques est également utile à la "théorie mathématique du contrôle", laquelle permet de modéliser la dynamique d’un système (trajectoire d’une automobile, évolution d’une population, propagation d’une épidémie, etc.) afin de pouvoir agir dessus (optimiser la consommation d’une ressource, décider d’un investissement, élaborer une stratégie de gestion de risques, etc.).

Un projet de recherche soutenu par l’Union européenne

La théorie du contrôle est la spécialité de l’équipe CAGE au centre Inria de Paris, dont la chercheuse italienne est membre depuis quatre ans. Sur les conseils de Mario Sigalotti, directeur de recherche à Inria et animateur de l’équipe, et d’Ugo Boscain, membre de l’équipe et directeur de recherche au CNRS, Valentina Franceschi dépose à l’automne 2017 un dossier de candidature pour une bourse individuelle des Actions Marie Skłodowska-Curie (AMSC). 

« Réfléchir en solitaire, lire des publications scientifiques, échanger avec des collègues : pratiquer les mathématiques demande du temps », note Valentina Franceschi. 

La bourse Marie Curie donne les moyens de se consacrer presque exclusivement à des recherches avancées, en déroulant sur la durée un programme de travail complet, en organisant des échanges avec des collègues venus d’universités ou de laboratoires européens.

Le montage du projet et la rédaction du dossier de candidature occupent la mathématicienne durant le printemps et l’été 2017. « Chaque dossier est évalué sur des critères d’excellence scientifique. La commission de sélection accorde une grande importance aux résultats auxquels un projet de recherche peut conduire, que cela soit pour le grand public ou pour la communauté scientifique, commente Valentina Franceschi. J’ai eu la chance d’être accompagnée dans la constitution du dossier. »

Une opportunité de diversifier ses compétences et d’étoffer son réseau

MesuR, le projet que porte la chercheuse avec cette bourse, entame à l’automne 2019 sa première année et s’intéresse à des applications de la géométrie sous-riemannienne pour les équations décrivant la diffusion des quantités physiques dans des contextes non euclidiens. 

Nous cherchons à développer des outils mathématiques théoriques qui pourront permettre par exemple de comprendre comment la chaleur se diffuse dans un matériau dont les propriétés sont dites anisotropes (qui dépendent de la direction de diffusion, comme c’est le cas pour certains matériaux industriels tels les bétons, les composites, etc.). 

« Ces travaux théoriques peuvent aussi trouver des applications dans les neurosciences : les outils de la géométrie sous-riemannienne y sont utilisés afin d’élaborer des modèles permettant de comprendre la vision humaine », explique Valentina Franceschi.

La bourse Marie Curie permet d’organiser, grâce à un budget dédié, des réunions de travail ou des colloques avec des chercheurs suisses, britanniques, italiens, français, tchèques, etc. « Grâce à ces échanges scientifiques, mes recherches avancent mieux que je ne l’avais imaginé, s’enthousiasme la mathématicienne. Au sein de CAGE, l’une des équipes en pointe sur la géométrie sous-riemannienne, je trouve aussi de nombreux relais scientifiques utiles à mon projet. Travailler à Paris, qui attire une communauté de mathématiciens chevronnés, offre en outre de nombreuses opportunités de collaborations. » De telles opportunités de diversifier des compétences ou d’étoffer un réseau s’avèrent aussi précieuses aux yeux de Valentina Franceschi : « Mon cursus scientifique se trouve renforcé par ce projet européen, qui aura certainement un impact positif sur ma future carrière académique, qu’elle se déroule en France ou en Italie. »

Le temps et l’énergie consacrés à structurer et rédiger le dossier de candidature s’avèrent aussi une expérience très formatrice pour la chercheuse, qui la mettra sans doute à profit pour imaginer de nouveaux projets de recherche collaborative, en particulier dans un contexte européen. « À l’issue des travaux portés par la bourse Marie Curie, j’aurai élargi mes connaissances, qu’elles soient scientifiques ou humaines. Si l’occasion se présente, je contribuerai certainement à d’autres projets de recherche, impliquant de nouveaux partenaires. C’est aussi parce qu’elles permettent, comme les voyages, des rencontres et des découvertes que j’aime les mathématiques ! », conclut Valentina Franceschi.


* CAGE (Control And GEometry) est une équipe mixte Inira/Sorbonne Université, hébergée au sein du Laboratoire Jacques-Louis Lions (UMR 7598) sur le campus de Jussieu. 

** En 2020, la Commission européenne a attribué des bourses individuelles Marie Skłodowska-Curie à 1 475 chercheurs post-doctoraux et a engagé un montant total de 296,5 millions d’euros pour soutenir leurs recherches sur les solutions aux problèmes de société actuels et futurs.

Les Actions Marie Skłodowoska-Curie (AMSC)

Ce programme de bourses vise à favoriser l'avancement professionnel et la formation continue des chercheurs à tous les stades de leur carrière, et leur permettre une vaste mobilité européenne.