Twinical, un GPS pour les chirurgiens

Un jumeau numérique pour la chirurgie

Composé de twin (jumeau) et de surgical (chirurgical), mon nom dit ce que je cherche à apporter au monde médical : la technologie du jumeau numérique, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser, avant et pendant une opération, une réplique en réalité virtuelle d'un organe. Ce "twinical" sera un référentiel numérique commun pour tous les acteurs du soin ; c'est mon objectif : fabriquer des twinicals. Grâce à moi, les chirurgiens pourront utiliser ce modèle digital pour mieux planifier une opération et augmenter les chances de succès. Pour Mario Aricò, un de mes fondateurs, « le concept de jumeau numérique commence à être déployé en chirurgie orthopédique mais nous allons l’adapter pour modéliser le foie, puis d’autres organes déformables. La précision en temps réel d'un modèle dynamique est autrement plus difficile à garantir avec un organe mou qui se déforme et dans lequel les tumeurs se déplacent par conséquent ». C'est ma capacité à produire ce modèle précis qui sera déterminante pour mon utilisation à toutes les étapes du parcours chirurgical.

« Le jumeau numérique pourra aider à définir une stratégie opératoire. Aujourd'hui, la planification d'une opération s'effectue à l'aide d'images prises en IRM (Imagerie à résonance magnétique) ou en CT-scan (scanner à rayon X). Ce sont des images statiques, difficiles à lire, qui montrent un volume en deux dimensions. Nous cherchons à rendre plus simple la reconstruction d'un modèle en trois dimensions. » Avec mon modèle numérique, les médecins et les équipes du bloc opératoire pourront planifier leur feuille de route chirurgicale avant l'opération et utiliser ce jumeau numérique au bloc opératoire, comme un référentiel virtuel, afin de mieux naviguer et localiser les tumeurs dans la complexité anatomique.

Contre le cancer hépatique

La chirurgie est le meilleur traitement du cancer du foie, qu'il soit né primitivement dans l’organe ou qu’il apparaisse du fait d’un essaimage par voie sanguine de cellules provenant d’un cancer localisé en dehors du foie, comme c’est le cas pour les métastases hépatiques, très fréquentes dans les complications d'un cancer du côlon. Dans les tumeurs primitives ou secondaires du foie, le chirurgien et son équipe doivent planifier l’opération pour emporter le cancer avec des marges de tissu sain afin d’éviter la récidive et de laisser suffisamment de foie pour que l’organe se régénère dans de bonnes conditions. « Avec des traitements médicaux préopératoires de plus en plus fréquents, le repérage des lésions pendant la chirurgie devient de plus en plus difficile : on doit enlever ce que l’on ne voit plus en naviguant dans une anatomie spécifique qui, elle aussi, se déforme lors de la chirurgie », détaille le professeur Éric Vibert, chirurgien spécialiste du foie et des maladies biliaires à l'hôpital Paul Brousse de l'AP-HP. 

Les équipes médicales pourront compter sur moi pour déterminer le "plan de vol" d'une opération, c’est-à-dire le choix en préopératoire d'une "trajectoire", le type d’instruments à utiliser et finalement le tracé précis de la section du foie. Mon apport permettra d’améliorer la qualité de la prise en charge mais aussi le coût financier et environnemental du traitement en diminuant le risque de récidive, de complications et probablement de matériel. Ainsi, « Twinical sera comme un GPS pour trouver la meilleure trajectoire. ». Pour le Pr Eric Vibert, « Twinical sera utile pour planifier avec précision les opérations et parer les situations imprévues. Ce sera le challenge des futurs essais cliniques : montrer qu'avec Twinical nous faisons au bloc ce que nous avions prévu de faire avant d'y entrer. »

Une technologie récompensée

Ma technologie repose sur trois piliers : la simulation par un jumeau numérique, l'acquisition d'images pour que ce modèle simule en temps réel son jumeau organique, et le traitement de ces images par une intelligence artificielle. C'est cet assemblage qui rend mon projet particulièrement innovant et qui m'a fait obtenir le Grand prix du concours d’innovation i-Lab en 2022, accompagné d’une précieuse subvention pour me lancer. Aujourd'hui, j'arrive à maturité après être sorti d’Inria Startup Studio au printemps 2023. D'ici quelques années, il faudra que je réussisse à passer aux tests cliniques : « Le jumeau numérique, c'est faisable, le vrai challenge c'est d'amener la techno en salle d'opération et cela va prendre du temps, il y a beaucoup de choses à faire. » Sur ce chemin vers la commercialisation et le déploiement en milieu hospitalier, il va falloir consolider ma technologie, faire de mes jumeaux numériques des modèles robustes et fiables. Ces verrous scientifiques, je vais pouvoir les ouvrir grâce à l'expertise de Stéphane Cotin, fondateur et directeur de recherche dans l'équipe Mimesis de l'antenne Inria de Strasbourg, partenaire du projet. Accompagnée par Inria qui a fait de la santé un axe prioritaire de ses recherches et avec le soutien de l’AP-HP pour m'ouvrir les portes de l'hôpital, toute l'équipe a de bonnes raisons de croire à mon succès.