OpenViBE sert à concevoir des pipelines de traitement et de classification du signal électrique résultant de l'activité cérébrale. Dans l'avenir, cette classification pourrait permettre de contrôler diverses applications à l'aide de la pensée. Fauteuils roulants ou jeux vidéo par exemple.
Téléchargé plus de 3000 fois, l'outil s'est répandu dans le monde académique, mais aussi du côté des entreprises, dans le secteur émergent des interfaces cerveau-ordinateur.
“Le logiciel se classe dans les deux ou trois premiers au niveau mondial”, résume l'ingénieur Jussi T. Lindgren. Raison de cette popularité ? “Sa construction modulaire qui comprend beaucoup de composants préfabriqués et aussi son interface graphique qui permet d'assembler ces briques dans des pipelines sans avoir à écrire le moindre code. C'est une particularité unique. Si vous êtes psychologue ou étudiant (ou étudiante), par exemple, vous pouvez donc prendre des modules, les connecter, construire votre propre chaîne de traitement et commencer immédiatement à travailler. En bref, avec OpenViBE, tout cela devient plus facile et plus rapide.”
Cet outil n'étant plus vraiment un prototype de recherche, Inria souhaite maintenant associer la communauté d'utilisateurs à sa gestion et à sa maintenance. Cette décision s'inscrit dans un dispositif plus large appelé InriaSoft. Le but : organiser toute une série de consortiums pour pérenniser le développement de quelques-uns des principaux logiciels lancés par Inria. Chapeauté par la Fondation Inria, fondation partenariale fondée par Inria, ce programme doit permettre de financer une équipe d'ingénieurs chargés d'assurer la maintenance et l'évolution de ces outils.
En ce qui concerne OpenViBE, il s'agirait d'avoir un ingénieur expert à plein temps, soit un budget d'environ 85 000 € par an.
Une gouvernance en fonction des besoins exprimés
“Nous faisons actuellement la promotion de ce concept de consortium au sein de la communauté, indique David Margery, directeur technique d'InriaSoft. Mais nous en sommes encore au début de ce processus. Nous avons lancé l'idée. Nous avons rédigé une proposition initiale avec les contours de ce qui, à nos yeux, pourrait fonctionner. En ce moment, nous recueillons les opinions des uns et des autres. À partir de ce feedback, nous pourrons dire : oui, nous identifions des acteurs clés partageant une même vision de ce que pourrait être ce consortium, ou non, le projet ne rencontre pas l'intérêt escompté. Nous pourrions aussi avoir deux types de participants potentiellement intéressés mais dont les attentes divergent à tel point qu'il ne serait pas possible de les concilier au sein d'un même consortium.”
Une des questions clés concerne la certification.
“Le cœur du logiciel a été redéveloppé afin qu'il puisse s'intégrer dans des produits médicaux et donc satisfaire aux exigences de la certification. Si tous les participants souhaitent disposer d'un logiciel qui peut être certifié, alors nous continuerons à développer selon ces règles. Dans l'autre cas, nous abandonnerons cette exigence et il y aura donc deux versions d'OpenViBE.”
En effet, quoi qu'il arrive, une version certifiée continuera d'exister : celle utilisée par Mensia Technologies, une spin-off d'Inria qui conçoit des services de neurothérapie basés sur un cœur médicalement certifiable.
Assistance au développement
Outre les laboratoires de neurosciences, ce sont les fabricants de matériel électroencéphalographiques qui pourraient rejoindre le consortium.
“Clairement, le fait d'être compatible avec un logiciel très utilisé augmente l'attractivité de leur technologie, remarque Jussi T. Lindgren. Dans ce secteur, de nouveaux acteurs ont poussé comme des champignons. Beaucoup sont des sociétés de petite taille, mais il y a aussi des entreprises plus conséquentes car installées de plus longue date. Et elles ont besoin d'une plate-forme fiable pour leurs démonstrations. Une plate-forme en laquelle elles puissent avoir confiance.” Dans ce contexte, l'ingénieur du consortium pourrait consacrer une partie de son temps à l'assistance au développement, en concevant par exemple des plug-in et des pilotes pour le matériel.
Au-delà des utilisateurs actuels, OpenViBE pourrait aussi intéresser ceux qui possèdent déjà une solution maison. “Le domaine n'est pas encore mature, analyse David Margery. Beaucoup de laboratoires ont donc commencé à développer leur propre code qu'ils utilisent pour leur recherche. Mais ils ont du mal à maintenir ce logiciel. Les étudiantes et étudiants qui avaient développé le code initial sont partis, etc. ”
Comme l'explique Jussi T. Lindgren, “les gens sont partagés. D'un côté, ils aimeraient conserver leur solution. Mais en même temps, ils en sont très insatisfaits car, sur le long terme, leur code s'avère juste impossible à maintenir. Ils vont donc au devant de beaucoup de difficultés.” D'où l'idée de migrer vers OpenViBe.
“Nous pensons que certains accepteront de laisser tomber leurs développements maison pour aller vers quelque chose de plus grand et de plus fiable, indique David Margery. Mais pour un laboratoire, choisir un logiciel maintenu par un autre chercheur constitue toujours une décision difficile à prendre. ”Pourquoi ?“ Parce que l'on ne sait jamais quand cette maintenance va s'arrêter. Bâtir un consortium permet donc de répondre à ce problème de visibilité et de fiabilité. Les laboratoires qui y participent sauront dans quelle direction le logiciel évolue. Ils seront en mesure d'influencer la feuille de route. Ils pourront dire : très bien, maintenant je peux parier sur OpenViBE pour continuer mes recherches. Le logiciel ne va pas disparaître.”