Vadim Lyubashevsky : vers des systèmes cryptographiques plus sûrs

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Mis à jour le 01/04/2020
Protégés par la cryptographie, nos échanges sur Internet sont en sécurité… pour l’instant. Chercheur au sein de l’équipe Cascade, Vadim Lyubashevsky conçoit des protocoles de protection des données toujours plus sûrs. Son projet bénéficie du soutien du Conseil européen de la recherche (European Research Council , ERC), qui lui a attribué une bourse Starting Grant.

Dans quel domaine travaillez-vous à Inria ?

Je mène des recherches sur la mise au point de techniques cryptographiques afin de construire des systèmes cryptographiques à clés publiques* plus efficaces et plus sûres. Les protocoles utilisés actuellement, basés pour l’essentiel sur la factorisation et le log discret, risquent de devenir vulnérables quand des ordinateurs quantiques, bien plus puissants, entreront en service d’ici une ou deux décennies. Il nous faut donc développer des méthodes alternatives qui permettront d’authentifier les utilisateurs en ligne et de protéger leurs conversations, même en cas d’attaque par des personnes équipées d’outils extrêmement puissants. Mais il faudra aussi que ces nouvelles solutions de sécurité puissent être implantées facilement dans les ordinateurs standard et dans des cartes à puce de faible puissance.

Quelles seront les caractéristiques ces nouveaux systèmes ?

Les protocoles de cryptographie en réseau (lattice cryptography ) constituent une piste prometteuse. Ils s’appuient sur l’algèbre linéaire et devraient pouvoir garantir plus de sécurité que les outils utilisant des problèmes traditionnels comme la factorisation. Un important travail de recherche doit encore permettre de rendre ces schémas assez fonctionnels pour être déployés partout et résistants aux attaques de la prochaine génération d’ordinateurs. C’est ce projet qui a justifié ma demande de bourse auprès de l’ERC.

Qu’est-ce que l’attribution de la bourse signifie pour vous ?

C’est très gratifiant de savoir que la communauté scientifique considère mon thème de recherche suffisamment intéressant pour lui allouer des financements significatifs. Grâce à cette bourse, je vais pouvoir recruter plus de doctorants, de postdocs et organiser des ateliers de travail communs spécialisés dans ce domaine.

En tant que scientifique qu’est-ce qui vous séduit dans ce champ de recherche ?

Le domaine que j’étudie fait appel à des formes variées de mathématiques : géométrie abstraite, algèbre, théorie des nombres, analyse, théorie de l’information... De plus, nous devons concevoir des schémas efficaces qui puissent être intégrés, tant du point de vue du software que du hardware, dans différents équipements informatiques. Il y a toujours quelque chose de nouveau à inventer ou à apprendre.

Enfin, je suis motivé par la perspective de savoir que mes travaux vont déboucher sur des applications concrètes. Quand les ordinateurs quantiques émergeront, le monde devra basculer vers une cryptographie plus performante. Il est capital de s’y préparer dès maintenant en proposant une alternative digne de confiance.

* La cryptographie à clé publique permet de sécuriser une communication entre deux personnes qui se rencontrent pour la première fois. Le receveur va alors créer deux clés. La première est publique et tout le monde pourra y avoir accès.L’émetteur va alors utiliser cette clé pour coder un message que seul le receveur pourra ouvrir, grâce à la deuxième clé qu’il a gardée pour lui. Le lien entre clé publique et privée, nécessaire pour coder et décoder, est possible grâce aux propriétés algébriques de certains outils mathématiques. La sécurité des communications réside donc dans la difficulté à résoudre les problèmes posés par ces objets.

Vladim Lyubashevsky
Coll. part.

Bio express

Né en 1980 à Kiev, en Ukraine, Vadim Lyubashevsky a émigré aux États-Unis en 1989, pays dont il a acquis la nationalité. Après avoir étudié les mathématiques et l’informatique à Columbia University (New-York), il a rejoint l’université de San Diego en Californie pour y terminer son doctorat (PhD). Vadim Lyubashevsky entame ensuite sa carrière comme chercheur postdoctorant à l’Université de Tel-Aviv (Israël), puis rejoint l’équipe Inria Cascade, rattachée au Département d’informatique de l’ENS en 2010. Il est intervenu dans quatorze comités, lors de conférences internationales consacrées à la cryptologie, et a publié sur ce sujet de nombreux articles dans la presse spécialisée.